Avec les femmes qui fantasment sur le risque de tomber enceinte

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Avec les femmes qui fantasment sur le risque de tomber enceinte

Pour certaines, le risque de fécondation constitue une source intarissable d'excitation.

Illustration : Aparna Sarkar

« D'aussi loin que je me souvienne, j'ai toujours été une fétichiste du sperme », m'explique Anise, une bisexuelle new-yorkaise de 22 ans. « Depuis que je suis sexuellement active, j'aime avaler, les creampies et la prise de risque. Et bizarrement, j'ai toujours été comment dire – excitée par l'idée de fonder une famille. J'ai mis du temps à réaliser que c'était un vrai fétichisme, jusqu'à ce qu'un membre de la communauté [kink] mette des mots sur ce que je ressente. »

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Certaines personnes fantasment sur le risque de tomber (ou de faire tomber quelqu'un) enceinte. Disons que c'est plus rare que le bondage ou le fait d'aimer les mots crus, mais ça existe. « Ce n'est pas une chose que j'entends souvent dans mon bureau, mais comme je travaille dans la sexologie et la thérapie sexuelle, je sais que tout peut arriver », m'explique le Dr. Chris Donaghue, auteur du livre Sex Outside the Lines. « Si les gens sont excités par le risque de tomber enceinte, c'est parce que notre cerveau interprète souvent l'excitation et l'anxiété comme étant le même sentiment. »

Ce fantasme est à dissocier de la maïeusophilie ou même du fantasme de reproduction – qui consiste à vouloir faire tomber une femme enceinte (ou à vouloir tomber enceinte). En réalité, ces personnes fantasment sur l'un des risques inhérents au sexe non protégé, précisément parce qu'ils n'aimeraient pas nécessairement que cela arrive. « Dans ce genre de cas de figure, les gens aiment prendre des risques. Mais faire tomber une femme enceinte ne constitue pas une victoire – au contraire, c'est une défaite », m'explique Joe*, un homme hétérosexuel de 34 ans originaire d'Allemagne. « Je pense que le mieux, ce serait d'associer une femme qui fantasme sur le risque de tomber enceinte et un homme qui nourrit le fantasme d'imprégner quelqu'un. Ce serait le couple parfait. »

Joe m'explique qu'il a découvert son fantasme après avoir couché avec son ex – selon ses dires, elle essayait de le piéger pour qu'il la fasse tomber enceinte. Mais de ce chaos émotionnel étrange est née une excitation qu'il n'avait jamais connue auparavant. « Il est assez courant de voir des gens tenter de recréer une expérience sexuelle intense, quitte à employer les grands moyens », m'assure le Dr. Donaghue.

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Et en dehors du risque de tomber enceinte, les adeptes de ce fétichisme encourent également le risque d'attraper des MST. Joe nourrit précisément ce fantasme – il lui arrive fréquemment de le concrétiser avec des inconnues. « Le fait d'avoir des coups d'un soir sans protection me procure beaucoup d'excitation. J'aime le fait de ne pas savoir grand-chose de ma partenaire. J'ignore si elle utilise une méthode contraceptive. Si elle accepte de coucher sans protection, je pars du principe qu'elle sait à quels risques elle s'expose. Peut-être qu'elle nourrit le fantasme de tomber enceinte d'un étranger ? Il y a très peu de chances que ce soit le cas, mais bon. J'ai un certain amour du risque. »

À l'inverse, Anise préfère s'assurer que ses partenaires n'ont pas de MST. Elle m'explique que son fantasme est de potentiellement tomber enceinte, mais de ne pas trop craindre cette possibilité pour autant – une MST ne serait que source d'angoisses. « Je me fais tester tous les trois mois, et je demande toujours à mes partenaires de me dire s'ils se sont fait dépister récemment. Certaines MST peuvent affecter la possibilité d'avoir un enfant », explique-t-elle. « Avant, je n'acceptais les creampies que de la part de partenaires monogames. Mais au cours de ces sept derniers mois, je me suis ouverte aux coups d'un soir et au polyamour. »

Avec ce type de fétichismes, il arrive aussi que des éléments BDSM entrent en jeu. « Pour moi, c'est très important d'être passif. Si une fille couche avec moi, il faut qu'elle sache s'y prendre. Elle doit aussi me dire si elle veut utiliser un préservatif, ou si elle préfère qu'on ne se protège pas », me précise Joe. Et parce que ces relations sexuelles comportent des risques, les personnes qui s'y adonnent doivent bien communiquer entre elles. « Ce fétichisme implique du sexe sans protection, et il faut absolument que les partenaires s'y prennent avec précaution ou qu'ils discutent de leur santé sexuelle », conseille la sexologue Alyssa Siegel – qui estime aussi que tout personne ayant un fétichisme particulier devrait en parler ouvertement à ses partenaires.

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« De nombreuses personnes ont peur du rejet, ou craignent d'être raillés à cause de leur fétichisme. En conséquence, la plupart rechignent à les avouer. Mais ce manque de communication et d'authenticité peut causer des problèmes à mesure qu'une relation progresse », poursuit Siegel. « Si vous fantasmez sur le risque de tomber enceinte, il est nécessaire d'en parler à vos partenaires. »

Étonnamment, Anise utilise actuellement un moyen de contraception. Si les tréfonds d'Internet sont truffés de messages obscurs où des individus et des couples évoquent leur amour du risque, Anise se contente d'avoir recours aux jeux de rôle. « Ça m'excite de faire semblant de pouvoir tomber enceinte, bien que j'aie un stérilet. Par le passé, il m'est quand même arrivé de concrétiser mes envies alors que je n'utilisais pas de contraceptif, mais je ne suis jamais tombée enceinte », décrit-elle.

Si ces fétichismes ne reposent pas exclusivement sur des jeux de rôle, ils peuvent revêtir des formes bien plus extrêmes – comme ce qu'on appelle les « breeding parties », où plusieurs hommes couchent avec une seule femme dans l'espoir de la mettre enceinte. Bien que ce type de vidéos puisse se trouver facilement sur des sites comme PornHub, mes interlocuteurs m'ont dit qu'il était vraiment difficile de tomber sur une telle soirée.

Pour les femmes qui cherchent à tomber enceintes d'hommes nourrissant des fantasmes de reproduction, l'apparence et la personnalité peuvent avoir leur importance. « Pour le moment, si je devais chercher un donneur de sperme, j'aimerais qu'il ait le même caractère que moi, qu'il fasse au moins 1m80, et qu'il ait suffisamment de ressources pour subvenir aux besoins d'un enfant. Mais si j'étais dans une meilleure position financière, je me ficherai de ce dernier critère », déclare Anise.

Malgré le fait qu'elle dispose d'un stérilet, Anise prend le risque de tomber enceinte très au sérieux. « Personnellement, je ne me vois pas avorter, et je préfère le dire à mes partenaires. Je pense que c'est injuste (et ce n'est que mon opinion personnelle) de tomber enceinte quand on sait pertinemment que cela découchera à un avortement. Mes partenaires font ce qu'ils veulent de cette information. Quand j'aurais une situation financière plus stable, je serai plus que prête à devenir mère célibataire. »

Au sein des communautés de fétichistes de la reproduction, les gens sont divisés sur le rôle que devrait jouer l'homme dans la vie de son potentiel futur enfant. « Pour moi, ça dépend de comment la femme est tombée enceinte », estime Joe. « Si elle m'a piégé pour arriver à ses fins, je refuserai de lui donner une pension alimentaire. »

Bien sûr, la vie privée de Joe ne concerne que lui et la potentielle mère. Mais les experts que j'ai contactés insistent sur l'importance d'être respectueux et empathique – « Ce n'est pas juste un godemichet humain. C'est une personne désireuse de concrétiser vos fantasmes, et vous ne devez pas oublier que vos actes peuvent avoir des conséquences sur elle », conclut le Dr. Donaghue.

* Les noms ont été changés