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Photo : Michael Kemp/Alamy Stock Photo

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Le problème de la sextech

Les vibromasseurs connectés deviennent plus polyvalents à mesure que la VR devient plus intime, alors pourquoi aussi peu de gens les utilisent ?

En 2013, la société Vibease lance une campagne de crowdfunding pour financer le tout premier vibromasseur connecté au monde et récolte les fonds nécessaires en moins de 24 heures. L’appareil fonctionne en Bluetooth, possède plusieurs intensités de vibration et s’accompagne de fantasmes en format livre audio. La sextech – le secteur de la technologie consacré à la sexualité – ne cesse d'exploser depuis, et des marques comme OhMiBod, Mystery Vibe et We-Vibe utilisent la robotique et les applications pour améliorer l'expérience utilisateur.

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Si les vibromasseurs connectés étaient au départ axés sur le plaisir solitaire féminin, en 2019, la sextech se fait plus polyvalente, plus intime : les vibromasseurs ont de meilleurs moteurs et les applications permettent de contrôler les vibrations à distance. Cela a changé à la fois la nature du business des camgirls, puisqu’elles peuvent dorénavant facturer aux clients le contrôle à distance de leurs vibromasseurs, mais aussi les relations longue distance, puisque les partenaires peuvent maintenant baiser tout en étant géographiquement éloignés.

J'ai moi-même eu une relation à distance avec une personne que j'avais rencontrée sur Internet, et la sextech nous a offert une forme de connexion qui nous manquait auparavant. L'idée que mon partenaire puisse contrôler ce qui m'arrivait a ajouté une couche supplémentaire d'excitation, alors j'ai commandé le We-Vibe Sync. Doté d’une extrémité intérieure pour stimuler le point G et d’une extrémité extérieure pour stimuler le clitoris, il peut être utilisé en solo (contrôlé via Bluetooth ou un bouton), ou en duo, que ce soit à distance (contrôlé à l’aide d’une application) ou pendant le sexe. Il est esthétiquement agréable, quoiqu’un peu cher (185 euros).

Notre première tentative fut assez médiocre. Le fait d'avoir à organiser un moment pour l'installer, puis de l’essayer dans la foulée, nous a donné le sentiment d’une intimité fabriquée. Cette pression a rendu l’expérience décevante pour tous les deux. Contrairement aux appels téléphoniques ou à la messagerie instantanée qui mènent tout naturellement à une masturbation mutuelle, c'était tout simplement trop d'efforts. Pourtant, une fois que nous nous sommes familiarisés avec l’appareil, le plaisir que j’ai ressenti à l’idée d'être entièrement entre ses mains, malgré la distance, a ajouté un élément de proximité que nous n'avions pas avec le sexe en ligne. Nous avons donc continué à l’utiliser, ne serait-ce que pour rentabiliser son coût élevé, mais j'étais curieuse de savoir si d'autres couples avaient eu les mêmes difficultés avec cette technologie, et si elle avait ou non révolutionné leur activité sexuelle.

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Photo : Emily Bowler

Mia et Jake* entretiennent une relation à distance depuis deux ans. « Nous utilisons toute une gamme de sex-toys, en particulier ceux que mon partenaire peut contrôler à distance, me dit Mia. C’est très excitant pour lui. Les appels vidéo et les photos sont en quelque sorte arrivés à bout de souffle, parce que c'est beaucoup d'efforts et pas assez gratifiant. De manière générale, j’aime beaucoup utiliser des sex-toys. »

Max* et son ex sont restés ensemble pendant trois ans et ont vécu à distance pendant les six derniers mois de leur relation. Ils ont souvent utilisé des sex-toys par vidéochat. « Cela ajoute un sentiment de proximité physique, du moins pour elle – c’est presque comme si j'étais là. Combiné avec les appels téléphoniques ou vidéo, cela nous a beaucoup rapprochés. Nous étions plus intimes et les orgasmes étaient plus intenses. Nous avons rompu, mais ce n’était en aucun cas à cause du sexe à distance. À la fin, je voulais même acheter un Fleshlight parce que j'étais jaloux de l'intensité de ses orgasmes et que je voulais les mêmes. »

Ellie* et son partenaire, ensemble depuis un peu plus d'un an, piochent régulièrement dans la boîte à jouets. « Mais si nous commençons à remplacer la plupart des contacts sexuels par la technologie, nous allons perdre tout ce que le sexe nous offre en tant qu’êtres humains, car il ne se résume pas à la sensation physique, craint Ellie. Cela dit, si je devais m'éloigner de mon petit ami pendant un certain temps, je pense que nous apprécierions tous les deux un gadget qui puisse nous connecter différemment. »

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Cette idée de connexion semble être l'aspect le plus positif de la sextech, mais aussi sa chute. Les sex-toys actuellement disponibles sur le marché sont-ils vraiment assez bons ? Ou quelque chose de nouveau se profile-t-il à l'horizon pour combler le fossé intime ?

Désireuse d'entendre le point de vue de l'industrie, j'ai parlé avec Carlos Cabada, un artiste visuel érotique et entrepreneur technologique qui dirige la société Eromatica. N'ayant créé que des sites et des jeux vidéo pour ses amis, en parallèle d’autres travaux, le marché de la sextech n'était pas pour lui l'étape suivante évidente. Les thèmes de son art, cependant, l’ont introduit au monde du désir féminin et de l'autonomisation sexuelle. Ajoutez à cela la découverte en ligne des vibromasseurs Bluetooth et vous obtenez la naissance de l'application à distance « Eromatica ». Le vibromasseur est assez similaire au We-Vibe dans sa conception, avec une forme incurvée dédiée principalement à la stimulation clitoridienne, et une application qui donne les rênes à votre amant.

La marque Eromatica entend « démocratiser la masturbation » en la rendant accessible et ouverte au plus grand nombre. Carlos a constaté la disparité entre le plaisir féminin et la disponibilité des sex-toys adaptés aux relations longue distance en 2017. « Si ce n'était pas pour les femmes, je ne me serais jamais lancé dans l’industrie des sex-toys », dit-il. Selon Carlos, la nature évolutive de la sextech ne peut qu’être positive pour les couples, et pourrait aider à accroître l'intimité entre les personnes séparées par la distance, ou celles qui ne peuvent tout simplement pas passer beaucoup de temps ensemble. « Chaque année, la sextech devient plus intime et plus réaliste, ajoute-t-il. J'ai hâte que la VR devienne mainstream. Bientôt, nous aurons littéralement l'impression d'être dans la même pièce que notre partenaire, en train d'avoir du plaisir sexuel. »

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La réalité virtuelle est une branche intéressante du marché de la sextech. Pour l’instant, elle semble être réservée aux sociétés de production pornographique qui créent principalement du contenu pour les sites pornos mainstream, par opposition aux vidéos personnalisées. La VR élève le POV à un autre niveau et, avec votre casque, vous pouvez vraiment participer à l'action, plutôt que de simplement l’observer. Mais selon Bonny Hall, directrice produit chez Lovehoney, les casques VR n'ont pas encore décollé au Royaume-Uni. À tel point que Lovehoney n'a pas assez de statistiques pour démontrer à quel point elle en vend peu.

« Il y a des tendances dans la sextech. En ce moment, les vibromasseurs et les sous-vêtements télécommandés sont très à la mode, explique-t-elle, mais j'ai l'impression que c’est l’effet de nouveauté qui veut ça, et que les couples les utilisent peut-être davantage par curiosité ou pour ajouter du piment à leur nuit, plutôt que par nécessité lorsqu’ils sont éloignés. »

wand vibrator

Photo : Emily Bowler

Pour l’instant, Lovehoney se concentre sur ses succès avérés, comme son vibromasseur clitoridien de poche et son mini vibromasseur avec œufs vibrants – tous les deux beaucoup plus petits et beaucoup plus simples. Une exception, toutefois, pour leur vibromasseur pour culotte interactif qui sortira en juin prochain, un petit sex-toy en forme de haricot qui se glisse dans la culotte pour stimuler le clitoris. « Notre but est de proposer des sex-toys à des prix abordables et facilement accessibles à notre public mondial », explique Bonny.

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Même scénario pour l'industrie du porno mainstream. Malgré des prévisions selon lesquelles la VR deviendrait une entreprise d'un milliard de dollars d'ici 2025, Pornhub ne compte encore que 2 000 vidéos environ dans sa catégorie VR, ce qui est insignifiant comparé à ses 7 millions de clips au total. Il a fallu deux ans à sa vidéo en VR la plus regardée pour amasser 6 millions de vues, alors que la vidéo la plus regardée de toutes les autres catégories a atteint 8 millions de vues en une semaine. De toute évidence, les chiffres indiquent qu’il n’y a pas assez de public pour cette catégorie. Les casques VR standards sont abordables et disponibles en ligne, mais il semblerait que les consommateurs ne cherchent pas, pour l’instant, à les ajouter à leur consommation pornographique régulière.

Les statistiques de Pornhub montrent que les hommes sont 160 pour cent plus enclins à regarder du porno en VR, et nous savons bien que le porno traditionnel est conçu pour satisfaire leurs désirs, éliminant tous ceux dont les habitudes de visionnage ne sont pas entièrement centrées sur des femmes à genoux. Mais avec la technologie Vibease qui mêle la fiction érotique, un genre à prédominance féminine, l'hypothèse selon laquelle les femmes ne veulent pas être immergées dans une expérience sexuelle ne tient pas la route. C’est juste que, dans l'ensemble du marché de la sextech, on ne leur demande pas leur avis.

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Le vibromasseur robotique de Lora Dicarlo a été dépouillé de son prix et disqualifié du Consumer Electronics Show, alors même qu'une sex doll pour hommes avait été autorisée en 2018. Pas plus tard qu'en 2015, les fondatrices de « Women of Sex Tech » ont lutté pour ouvrir des comptes bancaires liés à leur entreprenariat sexuel. Même Vibease a été banni de Kickstarter avant de se rapatrier sur Indiegogo pour faire décoller son crowdfunding. Kickstarter a depuis assoupli ses règles, mais si la sextech a fait beaucoup de chemin, ce n’est pas le cas du plaisir féminin.

La sextech coûte cher à l'achat et à la conception, ce qui a conduit à la monopolisation de l'industrie par de grandes marques et sociétés qui servent du porno mainstream à un public mainstream. La VR n'a pas encore trouvé sa place dans d'autres marchés de niche, comme les vidéos personnalisées que Carlos attend avec impatience. Comme pour toutes les technologies, les prix finiront par baisser, ce qui devrait se traduire par un meilleur accès pour un plus grand nombre de branches indépendantes de l'industrie, mais ça ne fait que commencer.

En ce qui concerne les sex-toys et les relations amoureuses, des moteurs plus efficaces et des designs améliorés ne peuvent avoir que des avantages, mais cela n'enlève rien au fait qu'ils ne sont, en fin de compte, que des jouets. Par nature, les relations longue distance ont tendance à être plus sérieuses, et tant que le marché de la sextech ne répondra pas aux demandes des clients, il y aura encore beaucoup de place pour l'amélioration. Pour une véritable démocratie sexuelle, peut-être faudrait-il mettre au point des Fleshlights contrôlés via des applications, afin de donner au couple une expérience vraiment bilatérale et arrêter d’imposer à la femme la pression d’un orgasme clitoridien. La qualité d’un moment intime ne tenant qu’à un fil, les applications doivent également disposer d'une technologie exceptionnellement fiable pour ne pas ruiner l'orgasme – comme ç’a été le cas pour Mia* à plusieurs reprises.

Avec la baisse des prix et la hausse de la fiabilité, la sextech pourrait bien atteindre les sommets prévus à l'origine. D'ici là, il semble que la plupart des couples sont heureux de s'en tenir à ce bon vieil appareil : le portable.

*Les noms ont été modifiés.

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