Une illustration d'un jeune dans sa chambre
Illustration: Jules Magistry
Tech

10 questions au premier traducteur français de vidéos Pornhub

« Il faut retranscrire l'idée de la vidéo, mais aussi laisser une part de surprise au consommateur ainsi que lui donner l'envie de cliquer. »
Paul Douard
Paris, FR

Si le chômage est une période de deuil où la vie se résume souvent à enfiler un jogging de son club de foot favori au sortir de son lit puis à déjeuner devant une rediffusion de Newport Beach, il arrive qu'une lumière surgisse au bout de ce tunnel de néant. Cette lumière, c'est le porno. Les chiffres sont sans appel : chaque minute, 207 405 vidéos pornos sont visionnées sur Pornhub par plus de 100 millions de visiteurs éparpillés dans le monde. Pour attirer l'humanité vers le même flux infini de vidéos pornos – à savoir regarder des êtres humains imberbes et membrés comme des fermiers texans baiser – il faut des gens comme Nans.

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Nans, jeune Français de 19 ans qui vit aujourd'hui en Provence-Alpes-Côte d'Azur, est au chômage. Au lieu d'adopter la routine citée plus haut, il occupe aujourd'hui son temps libre en traduisant des titres de vidéos Pornhub pour le plaisir surtout, mais aussi et surtout pour, pourquoi pas, « se faire un nom ». Il s'est présenté comme étant « le premier traducteur Français Pornhub ». Si officiellement le site pornographique dispose d'une petite équipe de traducteurs dont la mission est de rendre les scénarios porno compréhensibles à tous, il met également à disposition une plateforme permettant à chacun d'entre nous de traduire des titres de vidéos Pornhub, avant de les voir en ligne. Interpellé par cette pratique, j'ai posé quelques questions au sujet de cet emploi, qui n'en est pas vraiment un puisqu'il n'est pas rémunéré.

VICE : Salut Nans. Tu peux te présenter ?
Nans : J’ai actuellement 19 ans et je ne fais pas grand-chose à côté à part de la musique et du dessin, mais ça n’a pas vraiment de lien avec le sujet je pense. J’habite actuellement en région Paca et j’ai pour projet de vivre sur Paris.

Tu peux m'expliquer comment tu traduis le titre d'une vidéo porno ?
Pour traduire une vidéo, il me suffit de me connecter à mon compte Pornhub et d'aller dans l'espace qui est réservé aux traducteurs. Une liste est alors affichée avec les titres originaux et je choisis leur traduction. Parfois, je suis obligé d'aller regarder la vidéo pour avoir plus d'informations dessus. Je confirme ensuite la traduction qui, quelques heures plus tard, sera affichée sur le site pour les personnes résidentes en France.

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Bien sûr, je me fixe mes propres limites. Je n'ai jamais reçu d'avertissement de la part du site, j'évite par exemple les mots et noms homophobes, racistes, etc, même si parfois je suis obligé d'employer des termes crus. Par exemple, la vidéo s'appellait « Chessie Kay… cum and piss party », je l'ai traduite par « Chessie Kay - LA FETE DU FOUTRE ET … DE LA PISSE ! ».

« La traduction m'a fait découvrir des choses que je n'aurais jamais pu imaginer, le fétichisme en fait partie »

Comment se déroule une journée de boulot pour toi ?
Etant aujourd'hui au chômage, ma journée commence à 11 heures environ. Je passe la plupart de mon temps à lire des romans ou des articles en anglais ainsi qu'en français afin d'enrichir mon vocabulaire. Je pense que c'est quelque chose très important car je ne peux pas me permettre de traduire juste mot par mot, il faut retranscrire l'idée de la vidéo mais laisser une part de surprise au consommateur ainsi que lui donner l'envie de cliquer. C'est pour cela que le vocabulaire est important et que l'utilisation d'expression est courante.

Ma mission consiste en gros à traduire un maximum de titre en une journée, je me fixe des objectifs à remplir. J'essaye donc de toutes les traduire, mais ça devient compliqué si le titre original n'est pas très explicite il faut alors procéder à un visionnage et improviser.

As-tu des catégories préférées ?
Je n'ai pas de catégorie préférée, je regarde pas mal de porno, à titre purement professionnel évidemment, pour être au courant des dernières tendances et accélérer le processus de traduction. La traduction m'a fait découvrir des choses que je n'aurais jamais pu imaginer, le fétichisme en fait partie.

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Comment t'es-tu retrouvé à faire cela ?
Tout a commencé lorsque que j'ai découvert la possibilité de devenir traducteur pour Pornhub. Mes journées étaient assez vides et je me cherchais un passe-temps. Ayant l'esprit de compétition, je me suis vite pris au jeu, surtout avec le système de points que propose le site. En fait, chaque traduction rapporte un point et on peut regarder dans chaque langue et dans un laps de temps donné quel compte a eu le plus de point. Pourtant, à la base, le milieu du porno ne m’intéresse pas particulièrement, mais il est tellement riche que je commence à l’apprécier. Aujourd'hui, je traduis une cinquantaine de vidéos par jour.

« Si je traduis aujourd’hui, c’est plus par passion »

Quelles sont les vidéos les plus difficiles à traduire ?
Les contenus les plus compliqués a traduire sont les longues vidéos dont le titre ne veut rien dire. Il faut alors visionner la vidéo et trouver des termes soi-même. Il y a aussi les vidéos avec beaucoup de tags incompréhensibles.

Tes potes savent que tu fais ça ?
Mes potes sont au courant et ils m'aident dans cette tâche. Je leur demande parfois leur avis sur un titre et parfois en soirée on se connecte et on le fait à plusieurs c'est assez amusant. Ils ont plutôt bien réagi lorsque je leur en ai parlé et me soutiennent totalement. Je ne suis même pas sûr que j'aurais continué si ils n'avaient pas été là.

Tu vois cette expérience comme un tremplin ?
Je ne suis aujourd'hui pas payé, c'est plus un service que je rends en espérant pouvoir exploiter l’expérience acquise et faire parler de moi. Je pense bientôt postuler à des postes ayant un lien avec la traduction et ce statut de premier traducteur français sera sûrement sur mon CV. Après il est vrai que c'est aussi une anecdote drôle à raconter. Mais j'aimerais vraiment que mon métier reste dans ce domaine dans le quel je m'épanouis. Si je traduis aujourd’hui, c’est plus par passion.

Arrives-tu encore à voir le porno comme un loisir, ou est-ce devenu quelque chose de purement professionnel ?
Clairement, je ne vois plus vraiment le porno comme une source de plaisir mais plutôt comme quelque chose de plus sérieux. Je n’en regarde plus dans un cadre récréatif car ça ne m’excite plus vraiment. Heureusement cela n’a aucun impact sur ma libido.

Pour terminer, c'est selon toi nécessaire que des titres de vidéos pornos soient traduits ?
Oui, je pense que tout le monde a le droit son porno, pas simplement celui qui est proposé sur la front page mais plutôt celui avec des caractères précis que l’on cherche longuement. Pour quelqu’un ne comprenant pas l’anglais ou mal, je pense sincèrement que c’est une bonne chose.

Merci Nans.

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