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Sports

Le city guide de Bordeaux avec Seb Daurel

Le skateur bordelais a une vision citoyenne du skate et nous fait découvrir les meilleurs endroits de sa ville.

J'ai tiré Sébastien Daurel du lit un jour de semaine pour lui demander de me parler de certains de ses spots bordelais préférés. L'idée était qu'il nous file ses tuyaux pour que les skateurs du coin qui souhaiteraient participer au Sosh Highlight, le contest de skate organisé par Sam Partaix, sachent où aller pour filmer la vidéo qui leur permettrait de gagner une wildcard. Mais au lieu de se contenter de faire une liste d'endroits skatables, Seb m'a longuement parlé de sa vision du skate, comme si pour lui, ce qui compte, ce n'est pas où on skate, mais comment. Et à mi-chemin entre ce "où" et ce "comment", il y a le hangar Darwin, où il travaille depuis cinq ans — un skatepark éco-conçu, au sein de la Caserne Niel, l'ambitieux projet de réaménagement de la rive droite de Bordeaux. Skateur depuis plus de vingt ans, généreux de son temps et de sa parole, Seb Daurel est un activiste du skate, et c'est aussi lui qui a fabriqué la plupart des spots dont on va vous parler.

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Backside Ollie - Hangar Darwin. Photo David Manaud.

Seb Daurel : Ça, c'est le DIY, à côté du hangar Darwin, le skatepark couvert de Bordeaux. C'est un spot qu'on a fabriqué avec d'autres skateurs de Bordeaux. C'est fabriqué par les skateurs, pour les skateurs. Il y a des courbes, des whoops et c'est ouvert à tous, c'est gratuit. Pour construire ces modules, on a récupéré les tuiles qui étaient au plafond et on les a mélangées avec du béton. En fait, les bâtiments de Darwin sont en face, derrière le skatepark. Darwin, c'est une ancienne caserne militaire de plusieurs hectares. À l'entrée de cette caserne, deux bâtiments ont été rénovés, avec un restaurant, une épicerie, 200 entreprises et des associations. Le skatepark est juste après. Pendant très longtemps, on n'a pas eu de skatepark couvert ici. Alors avoir un lieu à l'abri, qu'on a fabriqué nous-mêmes, où des enfants peuvent s'amuser, c'est un plaisir. On peut même accueillir des skateurs ou des artistes sur des événements de temps en temps, parce qu'on a des containers habitables, qui sont issus d'un camping, et qui datent des années 1960. Ça fait une sorte de village, derrière le skatepark.

Airwalk - Cerceau de Feu. Photo David Manaud.

Là, on est encore côté DIY, dans un deuxième espace, à côté de celui de la première photo. Ça, ça a été monté par des mecs qui font des modules pour le Hellfest, Madneom. Le gars qui fabrique ça, c'est un artiste qui peut te transformer un cockpit d'avion en un truc skatable ! Cette photo, c'était il y a quelques temps. Maintenant, à cet endroit-là, il y a les modules Volcom qui étaient place de la Bastille, à Paris : une pyramide, un banc et un kicker, tous en granit. À Darwin, on essaie de proposer de la diversité. D'avoir un skatepark couvert, mais aussi un DIY, avec des plateformes à wheeling et ces modules en granit. Ça permet aux skateurs de trouver de la diversité hors du contexte de skatepark conventionnel, ça leur apporte un vrai plus. En face, il y a un spot pour le bike polo et le roller derby — c'est un terrain fermé et de temps en temps, on y fait des contests de flat parce que la surface du sol est plus lisse que dans le hangar. Il y a aussi un bowl yin-yang, qu'on a fabriqué — c'est l'équivalent de deux pools face à face, reliés par une bosse au milieu. Aujourd'hui, il faut montrer la diversité : notre rôle ici, c'est de montrer l'exemple à d'autres associations. Il y a beaucoup d'associations et de gens qui essaient de se recréer, de créer des emplois ou de créer des skateparks. Ce projet, ça leur permet de se dire : « OK, c'est possible de monter un skatepark avec peu de moyens, en recyclant du matériel, en recyclant des palettes, en recyclant du bois. » C'est possible de fabriquer, de partir dans des initiatives sans énormément de moyens, en ayant l'idée et en passant à l'action. Finalement, c'est plus une démarche citoyenne qu'une histoire de consommation ou de gros chèque qui ne font pas avancer grand monde. Donc nous, on montre qu'il y a d'autres options, d'autres manières de faire.

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Backside air - Skate house. Photo David Manaud.

Là, c'est dans le hangar Darwin, dans le skatepark couvert. On a nettoyé ce hangar et on a commencé à y travailler il y a cinq ans. C'était gratuit pendant deux ans puis on a monté l'association La Brigade, qui essaie d'être anti-sectaire, donc on accepte les longboards et tout le monde. Il y a toujours des petites guerres dans le skate et ce n'est pas forcément la solution. Parce que le skate est un microcosme fragile. On est tous dans des périodes de difficultés, sociales pour certains, ou d'adaptation, comme pour les magasins qui ont du mal à subsister avec Internet. Il faut donc sauver les pots cassés. Et donc, cette skatehouse, elle était montée à la Gaîté lyrique (dans le cadre de l'expo Public Domaine, ndlr). Gil Le Bon Delapointe, son concepteur, est un Bordelais qui travaille pour Etnies à San Diego. Etnies voulait la monter sur leur warehouse aux Pays-Bas, mais avec la crise, ils n'ont pas pu donc ils nous ont contactés. Philippe Barre, l'un des concepteurs de Darwin, s'est mis en relation avec Gil et, finalement, la skate house est revenue sur Bordeaux. C'est très cool à skater. Il y avait une cuisinière et un canapé avec des courbes et on les a enlevés pour donner plus de "skatabilité". C'est un spot assez photogénique : beaucoup de gens viennent au hangar et accrochent directement sur la skate house, qui est au milieu du hangar. C'est une idée architecturale, c'est une projection, c'est une proposition, et c'est quand même le fantasme du skateur retranscrit en architecture.

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Air Cross Bone, Gujan. Photo David Manaud.

Ça, c'est un pool, une piscine skatable, dans un petit skatepak en béton très bien fait, juste à côté d'Aquacity. Ils ont eu l'idée de reproduire une piscine avec un coping de pool, donc c'est assez radical. Ça permet de skater un pool dans la région bordelaise, c'est un peu le seul du coin.

Full Pipe — Bordeaux. Photo David Manaud.

Ce full pipe, on l'a monté pour l'Ocean Climax, à la fin de l'été dernier. C'était un événement en partenariat avec Surfrider Foundation, un appel avant la COP 21. C'est le rêve de n'importe quel skateur de rider un pipe au moins une fois dans sa vie. C'est un spot qui devait être assez imposant pour pouvoir le poser dans un festival sans que ça ait l'air d'une mini rampe ou d'un petit truc dans un coin. C'est une idée de Philippe Barre, un ancien skateur qui a skaté pendant toute la deuxième vague du skate, entre 1984 et 1990. C'est grâce à cette personne et aux autres membres de l'équipe qu'on peut trouver toutes ces choses-là à Darwin. Parce qu'on est avec des gens qui ont décidé de prendre cette direction-là, de l'écologie, de la responsabilité, et qui ont voulu créer une bulle d'air sur Bordeaux — un lieu pour les enfants, pour les familles, à la fois agréable et skatable. C'est vraiment un lieu émergeant, en transition, qui est un peu le reflet de la prise de conscience de gens qui ont envie de changer. Pour en revenir au pipe, en ce moment, il est démonté en kit dans le skatepark. Mais on va le remonter cet été, avec le beau temps, pour le mettre en extérieur. On hésite sur l'endroit où on va le remonter, mais d'une façon ou d'une autre, on va le monter à Darwin !

Question street, tu peux trouver de tout à Bordeaux et dans ses entourages, même si les places skatables sont plus ou moins interdites aujourd'hui. Tu peux rouler, mais comme dans toutes les villes, ça devient interdit de skater. À nous de voir avec la mairie pour le développement de lieux skatables : ce sont des solutions que la ville doit trouver, avec les citoyens — par exemple en construisant des lieux skatables, comme ils ont fait à Paris, rue Léon-Claudel. Il faut regarder des vidéos de Magenta ou de Minuit pour trouver des spots de street bordelais. C'est un peu notre famille street. On est aussi connectés avec des Japonais qui sont créatifs et qui font un skate imaginatif, ils inventent pas mal de figures. On essaie de ne pas entrer dans la matrice américaine, genre, « il faut que tu sautes 15 marches sinon t'existes pas ». Ça, c'est les États-Unis : si tu te suicides pas du deuxième étage, personne te connaît aux States, haha ! Personne te regarde. Nous, on a une approche différente du skate, on essaie d'avoir une vision un peu plus large. Mais il existe quand même des ledges, des gros trucs. À Meriadeck, par exemple. En fait, il y a un peu de tout à Bordeaux. Et on est proches de l'océan donc il y a pas mal de skateurs qui font du surf aussi. C'est peut-être ça qui assouplit l'ambiance !