« Arrêtez tout : vous êtes passés à côté du meilleur MMORPG du monde » serait un titre d’article hyper pompeux mais présenterait une vérité de taille : depuis 2001, RuneScape a révolutionné plus d’une fois le marché du jeu vidéo - tout en se cassant la gueule à d’innombrables occasions. Délaissé par les français au profit des éternels Dofus et World of Warcraft, principalement parce que tout est en anglais, RuneScape tire sa force de l’immensité de son contenu – et je suis en mission pour vous donner envie d’y jouer, de vous mettre au chômage et de redevenir vierge dans un futur proche.
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Point de comparaison
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Un peu d’histoire
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C’est quand j’ai eu mon premier ordi personnel que l’addiction a vraiment débuté. À ce moment-là, je savais déjà créer des sites web simples, via une formation en dix leçons suivie au cyber-espace de mon village. Il était alors très compliqué de trouver des Français comme moi sur un jeu entièrement en anglais, et donc incroyablement dur de mettre la main sur des guides compréhensibles pour un collégien paumé. En 2005-06, l’époque était encore aux forums, et c’est à ce moment que j’ai mis mon premier pied dans la « commu française ». Le tout premier fansite francophone autour du jeu s’appelait RuneFrance, et était développé par Lecaillou et Couteau Swiss. Ce dernier reprendra les rênes du clan un peu plus tard, sous le nom de RSUnivers, et m’a permis de faire mes preuves en dev et en rédaction de guides. Nous étions une vingtaine, tout au plus, venant de France, du Québec, de Suisse et de Belgique. Nous savions déjà à l’époque que nous faisions partie d’une frange très restreinte de la communauté, et nous avions conscience que jamais ce jeu ne percerait dans nos pays francophones (seulement le Québec se démarque aujourd’hui).C’est également vers cette période que j’ai rencontré mon premier ami ingame, Julien (ou « Drogb »), d’Aubagne. En quatorze ans d’amitié tumultueuse, nous avons franchi le pas de la rencontre IRL et nous avons donc passé trois étés ensemble, au milieu des années 2010. Ce qu’il y a d’étrange avec les rencontres dans la vraie vie après avoir discuté des centaines d’heures online, c’est qu’après les premières minutes de découverte physique, les discussions s’orientent invariablement sur notre passion commune. Une personne que je n’aurais sans aucun doute jamais rencontrée autrement que par ce MMO fait donc partie de moi depuis plus de la moitié de ma vie, et même si nos chemins se sont séparés plusieurs fois, il reste une des relations les plus vraies à mes yeux.
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Fails et Renaissance
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Le vase débordait, le nombre de joueurs actifs dégringolait, la madeleine de Proust que représentait RuneScape pour des millions de jeunes adultes se désagrégeait. L’éditeur a donc décidé de réagir en proposant dès février 2013 de faire revivre le jeu original, sans tous les artifices ajoutés à la hâte, sans les MTX, sans les graphismes HD ; une idée qui sera ensuite pompée par WoW « Classic » et Dofus dans les années qui suivirent, tellement les diverses mises à jour dénaturaient « l’essence » de ces machines à fric. À force de s’éloigner d’un concept qui marche, Jagex s’était donc pris les pieds dans le tapis. En retrouvant par chance une sauvegarde du jeu datant de début 2007, avant toutes ces « erreurs de jugement » (expression douce pour ne pas dire « conneries sans nom »), une pétition fut lancée dans la communauté pour le retour de la version OldSchool de RuneScape. Ce fut un raz-de-marée populaire, avec près de 450,000 votes en faveur de ce monument historique.Une équipe de développeurs très restreinte a donc eu la fastidieuse tâche de réparer les centaines de bugs et de faire grandir le jeu, en instaurant une règle simple : les grands changements du jeu seraient quasiment tous soumis au vote des joueurs, afin d’éviter les dérapages incontrôlés de la version « 3 » du jeu. OldSchool RuneScape, ou OSRS, était donc né. Et s’il fallait une preuve que l’ancienne version était très attendue, c’est à partir de 2016 qu’OSRS a pris son envol au-dessus de RS3 en nombre de joueurs actifs (URL 9), jusqu’à multiplier par cinq la playerbase du jeu désormais concurrent (merci COVID). Malgré des graphismes d’un autre âge, malgré le manque cruel de contenu dans les premiers mois après la sortie, malgré les bots et les Vénézuéliens, OSRS est une invention extraordinaire de par sa simplicité apparente et sa learning curve interminable.
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Dans la culture Internet, les références à RuneScape sont nombreuses : qui n’a jamais vu un avatar Gnome Child en game sur CS:GO ? Ou une référence au « Buying GF 10k » sur des forums un peu creep ? Le Reddit d’OSRS est une place forte de la « memologie » autour du jeu, tout autant que le media privilégié par les joueurs pour râler. En témoigne le fameux scandale « des Vénézuéliens » mentionné plus tôt ; le pays connaît une crise sans précédent depuis 2010, faisant exploser l’inflation. Les salaires, trop bas pour subvenir aux besoins vitaux, ont poussé des dizaines de milliers de jeunes (et de moins jeunes) à devenir des « gold farmers », des joueurs sans âme au premier abord qui font en fait partie d’une incroyable mafia.Pour vivre, des gens tuent des boss dix heures par jour, vendent les bénéfices ou donnent le loot quotidien à une mule, qui se charge de revendre la monnaie du jeu à des occidentaux tricheurs (acheter des gp est interdit). Selon cet article de Polygon, quand le SMIC local est à $5 mensuel, jouer à OldSchool RuneScape peut rapporter jusqu’à $300 par mois, selon la méthode utilisée. Une situation délicate qui a poussé des YouTubers, dont Crumb, devenu spécialiste, à révéler des détails sur cette organisation parallèle, qui exerce d’ailleurs une pression importante sur la bourse – l’hôtel des ventes – du jeu. Je ne m’éterniserai pas sur le sujet ici, cela mériterait un article en soi. Mais force est de constater qu’il faut avoir les reins solides pour travailler à Jagex. La communauté paraît éternellement rageuse, et n’hésite jamais à être très acide envers le staff. Un exemple vaut mille mots : une écharpe aux couleurs arc-en-ciel a été ajoutée comme objet cosmétique, et les joueurs n’ont pas tardé à railler celle-ci laissant entendre « l’impureté » (sic) des pratiques liées à ce drapeau sous couvert de privates jokes autour du jeu.
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Ingame, ce sont les communautés elles-même qui font l’actualité. Le jeu permet aux joueurs de se regrouper dans des clans, pour faire des activités et discuter. Imaginez 100 personnes, disséminées partout dans le monde occidental, spammant des « 2 », « Build a wall » et « A q p W » 24h/24, en discutant entre temps de politique américaine, du Brexit et d’autres sujets polémiques. C’est le quotidien du « clan chat » de Zezima, un joueur placé au rang de légende par la communauté pour sa première place dans les classement de 2004 à 2007. Ce cliché du « nolife » ayant son compte bloqué sur OSRS mais son chat de clan toujours ouvert, il peut donc gérer (et fermer) son salon de discussion. Cette « no go zone » virtuelle où la liberté d’expression est quasi-pure, connue par les plus anciens et massivement dénoncée, vous happera par la pluie de messages haineux et dégradants, qui somme toute représente la société mondiale dans son côté le plus extrême. Vous inquiétez pas, ça reste très marginal, mais ça mérite d’être vu une fois dans sa vie.Grâce à Runescape, j’ai réussi d’un côté à apprendre et comprendre l’Anglais, ce qui m’a valu des rencontres extraordinaires (j’en parlerai d’une en particulier dans un prochain article), et a dans l’ensemble complètement fait foirer ma scolarité. En rentrant du collège, du lycée, de l’IUT et du taf, je suis souvent scotché à mon ordi, sur RuneScape « en AFK », et partout où mon curseur m’amène. Une addiction à ce jeu se présente souvent comme ceci : je n’ai joué qu’à ça de toute ma vie, et malgré mes 1,000 heures sur CS, ce jeu fait littéralement partie de moi, me vaut un poignet droit déjà vieux pour mes 28 ans, et monopolise souvent mes pensées quotidiennes. « Comment monter 99 Herblore sans péter un câble sur mon Ironman ? Le Dragon warhammer vaut-il autant le coup que ça ? » sont des questions qui rythment ma vie par intermittence.Quand un étudiant est plus focus sur une passion qui pourtant ne donne aucune satisfaction réelle, palpable et utile dans la vie, difficile de lui inculquer les valeurs de travail et d’acharnement à la tâche. Dans le domaine scolaire, j’ai été banal à tous points de vue. Ce n’est qu’en DUT que la créativité s’est réveillée, puis rendormie des années après, le digital étant un monde à conquérir pour nous autres étudiants de province. Mais sur le coin de l’écran, pendant toutes ces années, RuneScape était ouvert. D’ailleurs, en écrivant cet article, j’ai alterné les regards à gauche et à droite quelques milliers de fois.
Les hauts et les bas
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