remedes contre la gueule de bois age
Photo : L'auteur un lundi soir d'été
Drogue

Plus je vieillis, plus je bois, moins j'ai la gueule de bois

Les gens normaux, eux, partagent un dénominateur commun : l’inévitable « Je crois que je vieillis, j’assume plus du tout mes cuites. »
Gen Ueda
Brussels, BE

Les gens sont trop cons. Surtout ceux qui pensent à chaque anniversaire qu’ils viennent de faire un grand pas vers la mort alors que ça n’est théoriquement qu'un jour de plus au calendrier. C'est que du symbole. Et tout symbole peut être réinterprété.

Depuis que j’ai le quart de siècle, mon monde n’est plus pareil ; et même si j’ai encore 16 ans d’âge mental, mon entourage me rappelle qu’on vieillit. J’ai des potes qui s’exilent à la campagne, d’autres qui pensent à « investir », sans oublier les potes qui « brunchent demain », qui gémissent quand iels se baissent, qui disent « à l’époque », qui ont « 5 ans d’expérience dans le domaine », qui boivent des bières spéciales, qui tournent le dos à la malbouffe, qui sont capables de remplir leur déclaration d’impôts seul·es, qui ont des mioches ou qui votent à droite – et que j’aimerais d’ailleurs profondément reléguer au rang de simple connaissance le plus vite possible. Au-delà de ça, tous ces gens normaux partagent un dénominateur commun : l’inévitable « Je crois que je vieillis, j’assume plus du tout mes cuites. »

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Je n’ai jamais été l’écervelé en mal de reconnaissance qui descend cul-sec sa 12-12, mais je ne pense pas avoir déjà lâché un piteux : « Déso, je sais qu’il n’est que 22 heures mais j’y vais parce que je travaille demain. »

Pour ma part, mon arrivée involontaire dans la vie active n’a pas freiné mes habitudes. Bien sûr, je ne me la colle pas tous les jours, je ne suis pas ce qu’on appelle un « gros cuveur » et je n’ai jamais été l’écervelé en mal de reconnaissance qui descend cul-sec sa 12-12, mais je ne pense pas avoir déjà lâché un piteux : « Déso, je sais qu’il n’est que 22 heures mais j’y vais parce que je travaille demain. »

Alors que mes semblables commencent à se plaindre de leurs gueules de bois puissantes, je m’épanouis de mes réveils doux ; certes un peu cassé et étourdi, mais assez frais pour assurer. Car si moi aussi je m’approche dangereusement de la trentaine, je suis désormais capable de repousser à plus tard cet âge où le corps m’enverra des signaux dont mon cerveau ne voudra pas.

Détendez-vous et apprêtez-vous à sourire à la vie ; le rêve des jeunes dynamiques qui consiste à pouvoir boire le lundi sans se sentir poisseux·se le mardi est à la portée de tou·tes. Laissez aux autres les sites aseptisés et leurs conseils aussi solides que des pets fuyants, et oubliez la sobriété de vos soirées Netflix aussi folles que des sauces sans saveur. Repoussez, vous aussi, l’âge des lendemains difficiles.

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Soignez votre tête

Mauvaise nouvelle. Au même titre que beaucoup de choses en vogue en ce moment, l’anxiété nuit à la santé. Si vous en souffrez, sachez que cette merde couplée à l’alcool engendre un truc qui porte un nom : l’hangxiety (« hangover » et « anxiety »), conséquence inévitable d’une soirée trop arrosée. En gros, l’alcool favorise l’activité de « l’acide γ-aminobutyrique », un neurotransmetteur inhibiteur qui va calmer le cerveau en stoppant la production de glutamate, soit le neurotransmetteur excitateur le plus important du système nerveux central et qui est associé à l’anxiété. Voilà pourquoi l’alcool vous détend même si votre vie est synonyme de fail continu.

Laissez aux autres les sites aseptisés et leurs conseils aussi solides que des pets fuyants, et oubliez la sobriété de vos soirées Netflix aussi folles que des sauces sans saveur. Repoussez, vous aussi, l’âge des lendemains difficiles.

Le problème, c’est que votre cerveau s’auto-régule et va répondre plus tard en boostant la production de glutamate pour compenser, exciter le cerveau et donc stimuler cet état d’esprit négatif dont vous pensiez vous être débarassé·e en buvant des coups la veille. Les retours à la réalité peuvent donc s'avérer plus cruels en compagnie de glutamate et d’hangxiety. Si vous n’avez jamais ressenti ça, que votre ignorance primaire qui vous amène à penser que la vie est belle vous en préserve.

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Gardez le rythme de vos belles années

Outre l’état mental, le gros changement avec l’adolescence reste l’habitude : quand l’organisme est habitué à traiter l’alcool, ça le rend évidemment moins vulnérable aux excès (OK, c’est aussi la première étape de l’alcoolisme). En espaçant les consommations à l’âge adulte, on crée un fossé dangereux. On pourrait comparer ça au fait de taper un combat de free-fight après dix ans sans sport. Ou lire la Bible alors qu’on vient de se réveiller du coma. Ou tomber dans le coma après avoir cru toute sa vie que Dieu existait. Quelques verres bien étalés dans la semaine devraient faire de l’anniversaire surprise bien arrosé du samedi soir un prélude à un dimanche plutôt OK.

Choisissez votre alcool – Partie 1 : fort et sec

Entre la pils et le whisky, mon coeur balance ; mais force est de constater que peu importe le taux d’alcoolémie, moins j’ai de liquide dans mon estomac, mieux je me porte. Atteindre un certain niveau d’ébriété à coups de Ballantine’s ou de Grant’s me fait sentir d’une légèreté stimulante que la bière et son flot de flotte ne me permettent pas. Je n’ai donc aucune raison de m’enfiler des 33 en nombre pour trouver la même allégresse de l'ivresse qu'en quelques verres de sky.

Arrêtez avec les shots. Si vous voulez paraître cool, lisez Walter Benjamin ou habillez-vous en noir.

Si vous pensez que l’alcool fort est trop cher, repensez à vos 16 ans. À moins que vous n’ayez grandi avec deux parents en CDI, vous avez sans doute connu les cotisations à quatre pour choper la bouteille la moins chère du Carrefour Express. Oubliez les établissements. On ne se plaint pas des gourous du système capitaliste entrepreneurial qui tapent des benefs de malades sur des produits de merde qu'on nous vend comme du luxe pour ensuite accepter de payer 10 euros un verre qui en vaut 2, et dont la bouteille entière se vend 17 euros au supermarché. C’est fini d'être des victimes. Nous c’est la rue.

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Et arrêtez avec les shots : ça aussi c'est une arnaque et ça n'apporte rien au débat. Si vous voulez paraître cool, faites-le autrement ; lisez Walter Benjamin ou habillez-vous en noir.

De préférence, ayez des potes pas trop cons

Si vos potes sont adeptes de jeux à boire ou qu’iels font leur baptême, étranglez-les et allez boire ailleurs. Profitez de l'aspect social de l'alcool pour faire de nouvelles rencontres, même éphémères : les gens qu’on ne connaît pas sont plus sympas éméchés que sobres – ce qui signifie que les êtres humains sont des gros lâches, mais que l'espoir existe quand même.

Choisissez votre alcool – Partie 2 : bénissez le pur, banissez le sucre

Idéalement, on parle de boire de l’alcool fort sec ; pas mélangé avec du soda. Le sucre est un faux-ami qui freine l’élimination de l’acétaldéhyde (l’alcool est transformé par le foie en acétaldéhyde, la substance toxique qui bousille votre corps et qui est responsable de votre gueule de bois). Ça vaut aussi pour la sangria, l’Eristoff Gold, la Jack Miel, les canettes cocktails pré-mélangés et toutes ces conneries pour enfants.

Laissez les médicaments de côté

Certaines choses sont inévitables avec l’âge : le foie qui assimile moins vite l'alcool, ou la capacité des fonctions neuronales qui s’affaiblit. Pour le reste, à moins d’être atteint·e d’un sale truc, le destin est plus ou moins entre vos mains. En plus d’être souvent incompatible avec l’alcool, les médicaments s’incrustent comme un élément en plus que votre foie devra traiter. Du coup, ça va amener celui-ci à maintenir l’alcool encore plus longtemps dans votre corps le lendemain. Cela dit, il n’est pas exclu que pour certain·es, un Ibuprofène avant de se coucher en guise de prévention soit quasi la promesse d'un mal de tête inexistant au réveil.

Choisissez votre alcool – Partie 3 : la qualité

Si l’on peut qualifier d'ennemi tout élément qui s'oppose à nous, alors les alcools de piètre qualité entrent dans cette catégorie : personne ne mérite de se faire bousiller le prestige de son existence par une vodka Rachmaninoff du Lidl ou une Zaranoff du Aldi. Ces bouses sont les valeurs sûres du mal de crâne à 8 balles.

Personne ne mérite de se faire bousiller le prestige de son existence par une vodka Rachmaninoff du Lidl ou une Zaranoff du Aldi.

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Pour la faire courte, les boissons alcoolisées contiennent toutes de l’éthanol, mais également d’autres composants tels que des alcools supérieurs ou des huiles de fusel. Or, ces dernières ont un rôle déterminant dans votre gueule de bois. Si l’éthanol est rapidement assimilé par le corps, les autres substances restent plus longtemps dans votre organisme et c’est eux qu’on retrouve en masse dans les alcools bon marché.

Le houmous-carottes reste la meilleure idée pour finir en PLS

De toute évidence, ne vous contentez pas d’avaler un truc trop léger avant de sortir. Manger suffisamment (aliments riches en gras, en protéines, en hydrates de carbone – selon les sites qui s’y connaissent) vous permettra de mieux profiter de votre soirée que les téméraires à jeun, et d’avoir le corps moins bousillé que ces dernier·es le lendemain.

L’art du dégueuli

Vomir n'est pas faible, ni sale ; c'est tout bénéf et presque sacré en cas de gros excès ou dans certaines situations spécifiques, notamment si vous avez un entretien d’embauche le lendemain. Deux doigts sur la glotte et les toxines ingurgitées finiront au fond des chiottes sur son lit de viande pas totalement dissoute par le suc gastrique.

Cela dit, ça ne compte que pour les derniers verres. L’alcool passant très vite dans le sang, le reste est déjà en vous. Désolé. Mais c’est déjà ça d’alcool en moins dans le sang au réveil.

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Par contre, il faudra penser à se poser de sérieuses questions sur ce qui vous a amené à cet état d’ébriété.

Et rappelons aussi que chez certain·es, le risque d'étouffement lors de la gerbe est à prendre au sérieux.

Qui boit fume ; qui fume boit encore plus

Un tas d’études se penchent sur les liens entre clope et alcool : les buveur·ses fument plus, les fumeur·ses boivent plus, etc. Ici, on ne va pas en retenir grand chose, surtout que c’est généralement l’alcool qui appelle la clope ; mais selon certaines observations, la nicotine atténue les effets soporifiques de l’alcool et l’excitation qu’elle provoque peut pousser à la consommation de davantage d’alcool. Pareil pour la cocaïne.

Buvez de l’eau

Il existe tout un tas de calculs qui vous expliqueront en quoi un corps contenant beaucoup d’eau réagira mieux face à l’alcool qu’un corps tout asséché. En vrai, on ne va pas s’étaler sur un truc que vous savez déjà : plus votre corps contient d’eau, plus le corps vous dira merci le lendemain. Le truc, c’est qu’absolument personne ne s’hydrate entre deux verres – surtout dans un pays où l’eau est payante. Donc, rattrapez-vous plus tard. Buvez un maximum d’eau une fois chez vous. Le lendemain, ce sera trop tard : mieux vaut prévenir que guérir. Ça fait pisser, ça évacue, ça refait pisser, ça vous sort du lit, mais vous verrez la différence au réveil.

Trop dormir fatigue

Si vous doutez de cette affirmation, démerdez-vous avec les chercheur·ses d’Harvard. De toute façon, le sommeil alcoolisé n’est que mirage : ni votre cerveau ni votre corps ne se reposent vraiment. Trop dormir bousille aussi votre cycle. En gros, n’allez pas dormir à l’heure à laquelle vous vous levez d’habitude : votre organisme sera déjà en route.

N’allez pas dormir à l’heure à laquelle vous vous levez d’habitude : votre organisme sera déjà en route.

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Quitte à ressentir une fatigue générale, gagnez du temps et sentez-vous moins naze en ne vous levant pas à 15 heures. Mieux vaut être crevé·e de ne pas avoir assez dormi plutôt que de se sentir comme une grosse merde, non ? Et plus tôt vous vous levez, plus tôt vous vous sentirez mieux. En semaine, une nuit de 3 à 8 ne devrait pas vous casser tant que ça, et de façon globale, des chercheur·ses s’investissent pour prouver que trop dormir (même sobre) ne vous attirera que des emmerdes.

La cure post-cuite

Laissez tomber les gouttes d’huile de menthe poivrée sur vos tempes et les tranches de concombre sur les yeux – pour peu que ça ait réellement eu une place dans votre vie un jour… La fondamentale du lendemain de cuite demeure bien plus primaire comme principe : éliminez encore un peu aux latrines. Mais gare à la coulante dûe à la déshydratation couplée à l'irritation de l'estomac que provoque l'alcool : hydratez-vous encore plus si c'est la cascade aqueuse. N’oubliez pas que votre foie travaille encore et que c’est pas le moment de négliger l’eau. Mangez aussi tout ce qui sonne sain ; ça devrait compenser les excès de la veille et rétablir un certain équilibre.

Optez pour le télétravail (si possible)

« Ouh, toi t’es sorti·e hier soir ! (rires complices en apparence, stupides dans le fond) » On perçoit aussi notre gueule de bois à travers les yeux des autres ; s’il n'y a pas d’autres, il n’y a pas de reflet de soi. Si votre emploi vous le permet, profitez de la pandémie et négociez à fond le télétravail. Horaires moins fixes, pas d’interactions, donc pas de conscientisation forcée de sa condition de cuitard·e. Et si au contraire vous devez assumer un effort physique intense, dites-vous qu’au moins, vous faites circuler le sang, ce qui aide à retrouver son corps tel qu’il était 24 heures plus tôt.

Délestez-vous de vos obligations

À 17 ans, on peut récupérer tranquille sur le canapé d’un·e pote sans culpabiliser. Dix ans plus tard, il est possible que ce soit bien différent. Délestez-vous de tout : sans obligations, les lendemains de cuite sont moins écoeurants. On en revient un peu aux histoires d’acide γ-aminobutyrique et de glutamate.

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Si on reste impuissant·es face aux problèmes psychomoteurs, d'attention et de mémoire auxquels on est confronté·es un lendemain de soirée alcoolisée, on peut toutefois atténuer la sensation de mal être que va provoquer une situation qui vous fera remarquer votre triste condition. En gros, ne faites rien qui pourrait mobiliser ces capacités réduites.

Quittez ce pyjama qui vous fait sentir comme une loque souillée imbibée de pisse à la bière. Meublez votre journée.

Bien sûr, vous pouvez restez productif·ve en étant amoindri·e : adoptez un mode plus lent que le corps pourra supporter sans mal. Prenez ce bain moussant que vous négligez depuis des semaines, rangez vos tiroirs en regardant ce documentaire sur le génocide en cours des ouighour·es que vous niez depuis des mois de peur d’affronter la réalité en face, triez vos dossiers dans l’ordi, faites la vaisselle en écoutant « Faites entrer l’accusé », le premier album de Hako Yamasaki ou le dernier de $uicideboy$. Meublez votre journée.

Et si vous ne tenez plus car vous avez appliqué la règle du moindre sommeil, faites une sieste – avant 15 heures de préférence : ça coupera votre journée en deux et vous aurez l'impression d'avoir fait encore plus de choses. Le but, c’est d'avoir eu l'impression d'avoir accumulé les activités, ce qui donnera un tout autre regard sur votre gueule de bois ; à cent lieues d'une aprem à binge watcher un truc aléatoire que Netflix vous dit de regarder ou de répondre à contrecoeur à des obligations qui vont vous donner l'impression de mourir à chaque geste.

Et surtout, quittez ce pyjama qui vous fait sentir comme une loque souillée imbibée de pisse à la bière.

Tout est relatif

Dites-vous surtout qu’il y a pire dans la vie que d’avoir mal au crâne et aux muscles à force de s’être un peu amusé·e avec les potes. Restez jeune – la race humaine semble condamnée mais les plus belles années arrivent.

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