Société

J'ai fait 6 fausses couches avant de passer à la fécondation in vitro

« La nuit où j'ai été admise à l'hôpital avec un corps gonflé de fluides et d'hormones, j'ai commencé à me demander si ça en valait encore la peine. »
Deborah Seymus
propos rapportés par Deborah Seymus
Antwerp, BE
Catia Valentim Pinto six fausses couches
Photo : Gert Vermeersch.

Après la naissance de son premier enfant, Catia (32 ans) ne pouvait plus tomber enceinte de manière naturelle. Entre fausses couches, inséminations et fécondation in vitro (FIV), elle raconte avec ses propres mots l'impact que ça a eu sur sa vie.


« À 16 ans, mon gynécologue m'a annoncé que j’aurai du mal à avoir des enfants. On m'a diagnostiquée un SOPK (syndrome des ovaires polykystiques), une maladie qui se caractérise par la formation de kystes dans les trompes. Ces kystes continuent de croître à chaque période d'ovulation jusqu'à ce qu'ils soient si gros que l'ovulation n'est plus possible. Le diagnostic est venu comme une gifle, car petite, j'étais sûre d'une chose : je voulais être maman plus tard.

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J'avais déjà eu quelques copains à 17 ans, mais j’étais toujours plus mature qu’eux. Je n'avais pas envie d'attendre des années pour construire quelque chose avec un partenaire. Ensuite, j'ai rencontré Tim. Il voulait avancer comme moi, alors on a presque immédiatement emménagé ensemble. Deux ans plus tard, on a décidé de concevoir un premier enfant et le mois suivant, j'étais déjà enceinte de Thobe. La grossesse s'est déroulée sans problème, à l'exception de quelques hémorragies. Je ne pensais pas qu'élever Thobe serait si facile, après ce que j'avais vécu dans mon enfance.

Je n'ai pas eu grand-chose quand j’étais petite. Je suis née dans le nord du Portugal et ma mère était toxicomane. Je la voyais de temps en temps jusqu'à l'âge de six ans. Quant à mon père, il était en prison et a toujours été absent dans ma vie. C'est ma grand-mère qui s'est occupée de mon éducation. Les week-ends, on allait presque toujours dans le sud pour rendre visite à mon oncle, lui aussi en prison. Comme ma grand-mère n'avait pas toujours les moyens pour ce voyage, on faisait souvent du stop avec des connaissances. Lors d'un de ces voyages, un couple a forcé ma grand-mère à mettre de la drogue dans son soutien-gorge et à la faire passer en prison. Ils nous avait menacées de nous abandonner sur le trajet si elle ne le faisait pas. À son arrivée à la prison, un gardien a immédiatement su que ma grand-mère transportait de la drogue. Ma grand-mère, que j'ai toujours considérée comme ma propre mère, a fini en prison alors que je n’avais que huit ans.

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« Le diagnostic est venu comme une gifle, car petite, j'étais sûre d'une chose : je voulais être maman plus tard. »

Pendant ce temps, ma vraie mère était en cure de désintoxication et a rencontré un homme qui est devenu plus tard mon beau-père. Quand ma mère est tombée enceinte à nouveau, on a tou·tes déménagé ici. La relation entre ma mère et mon beau-père a toujours été très mouvementée. On n'a jamais eu de relation mère-fille parce que ma mère est allée de dépendance en dépendance et a perdu tout l'argent de notre famille. À 10 ans, j'ai eu mes premières règles. C'est terriblement tôt pour une fille. C'était peut-être un signe que j'allais avoir des ennuis plus tard.

Après un an passé à essayer de tomber enceinte d'un deuxième enfant avec Tim et à acheter les tests de grossesse les moins chers, en gros, en ligne, on s’est rendu compte que ça ne fonctionnait pas. Je suis allée voir mon gynécologue et il m'a conseillé d'essayer pendant encore trois mois et que ça devrait aller. Entre-temps, j'ai eu plusieurs tests de grossesse positifs, mais à chaque fois, j'ai fait une fausse couche au bout de quelques jours. J'ai vérifié avec mon médecin tous les mois si j'avais une ovulation et si mon endomètre s'épaississait. Tout allait bien à ce niveau-là, alors j'ai été orientée vers une clinique de fertilité avec Tim pour tester son sperme.

Six fausses couches plus tard, on a eu notre premier entretien à la clinique de fertilité pour apporter un échantillon de sperme, prendre une photo de l'utérus et voir si les voies de mes trompes n'étaient pas obstruées. Comme on n’a rien trouvé, on nous a conseillé l'insémination.

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Je devais m'injecter des hormones tous les jours. Après trois inséminations, je n'étais toujours pas enceinte. Ma déception était énorme, car je pensais que le corps médical pourrait m’aider à y arriver. Mon entourage m'a dit de ne pas autant m’en préoccuper, mais allez dire ça à quelqu'un qui s'injecte de l'Utrogestan par voie vaginale trois fois par jour.

Lancer une FIV, c’est pas pareil que d'essayer d'inséminer. Ta vie est dominée par ces injections et tu ne peux pas toujours avoir des rapports sexuels. T’as constamment cette horloge à l'esprit. Quand tes ovules sont assez gros, la clinique t’appelle en urgence pour les aspirer avec une aiguille. Une étape très douloureuse.

J'ai eu 20 ovules, dont 14 ont été fécondés dans une éprouvette avec le sperme de Tim. Comme j’en avais beaucoup, j'ai décidé d'attendre cinq jours au lieu de trois et de conserver les ovules fécondés de meilleure qualité après la division cellulaire. Le premier de ces cinq ovules a été inséré directement dans mon utérus.

Quelques jours plus tard, en vacances en Suisse, je me suis soudainement réveillée la nuit et me suis évanouie. Quand je suis revenue à moi, j'ai immédiatement vomi. Le matin, j'ai remarqué que mon corps était complètement enflé et que j’avais du mal à respirer. On a foncé vers l'hôpital en Belgique à du 160 km/h. Le service des urgences de l'hôpital universitaire d'Anvers a conclu une sur-stimulation des hormones.

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« Ce n’est pas parce que tu ne peux pas avoir un enfant de façon naturelle que tu as moins de valeur en tant que femme. »

J'étais tombée enceinte mais l’embryon n’a pas survécu dans mon corps, qui était plein de liquide. À ce moment-là, j'ai réalisé que je mettais vraiment beaucoup en jeu pour avoir un deuxième enfant. Je me suis demandé si tout cela en valait la peine, mais j'étais déjà arrivée jusqu'ici : abandonner n'était plus une option.

J’étais aux anges quand la seconde tentative a réussi. Neuf mois plus tard, Tristan était dans mes bras.

Après une fécondation réussie, la clinique de fertilité te demande ce que tu veux faire des ovules congelés restants. Tim et moi avons décidé d’en faire don. Deux généticiens nous ont dit que le don d'embryons n'a presque jamais lieu en Belgique. Vous devez passer par tout un processus de questions, de tests et de coûts avant d'obtenir le feu vert. On vérifie ton arbre généalogique pour voir s’il n’y a pas de maladies héréditaires dans la famille.

La FIV fait l'objet d'un énorme tabou. Les femmes n'osent pas admettre, par honte ou par culpabilité, qu'elles ont eu un enfant grâce à la FIV. C’est pas honnête. Ce n’est pas parce que tu ne peux pas avoir un enfant de façon naturelle que tu as moins de valeur en tant que femme. C’est à se demander si les gens voient les femmes comme des utérus.

Cette expérience m'a rendue plus forte. Aujourd’hui je la partage ouvertement sur Instagram pour sensibiliser les femmes au fait que cela peut arriver à n'importe qui et pour rappeler aux femmes fertiles et en bonne santé qu’elles peuvent aider d’autres femmes en faisant don de leurs ovules. J'espère que nos dons d’embryons feront le bonheur des autres. »

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