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L’armée n’en fait pas assez pour contrer les violences sexuelles

Les victimes manquent de soutien, et ne font pas toujours confiance au système de plaintes.
L’armée n’en fait pas assez pour contrer les violences sexuelles

La situation est grave au sein des Forces armées canadiennes. Les données de Statistique Canada publiées en 2016 brossaient un portrait accablant des violences sexuelles. En un an seulement, on avait dénombré 960 victimes d’agression sexuelle. La majorité des victimes n’avaient pas porté plainte. La majorité des victimes de ces agressions étaient des femmes.

La situation n’a rien de nouveau. Des journalistes révélaient le problème à la fin du siècle dernier, puis en 2014, L’actualité a publié un reportage-choc à ce sujet. On y apprenait que tous les jours, cinq personnes sont agressées sexuellement au sein de l’armée. Cette publication a eu un impact, et une enquête interne a été menée par la suite. Puis, en août 2015, les Forces armées ont lancé l’opération HONOUR visant à prévenir les violences sexuelles.

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Dans un rapport publié mardi matin, le vérificateur général du Canada, Michael Ferguson, remarque que le nombre de plaintes pour violence sexuelle a bondi depuis le lancement de l’opération. Il est passé de 40 plaintes en 2015 à 300 en 2017, ce qui témoigne d’une certaine confiance envers les Forces pour mettre fin aux comportements inappropriés.

Mais on souligne dans ce bilan d’importantes lacunes. Il y a encore du chemin à parcourir avant d’en arriver à un climat de travail sain, surtout pour les femmes et les personnes de la communauté LGBTQ.

Des services aux victimes inadéquats

Les victimes de violences sexuelles n’ont « pas toujours facilement accès à des services appropriés au bon moment », relève le vérificateur général. Il note l’absence de liste unique et cohérente des services offerts, et il en résulte une certaine méconnaissance des ressources offertes.

Et même lorsque les ressources sont disponibles, elles ne sont pas toutes adéquates. « Les fournisseurs de services de soutien n’avaient pas tous suivi une formation suffisante pour venir en aide adéquatement aux victimes », peut-on lire dans le rapport.

Un processus long et inefficace

Les Forces armées prennent trop de temps à traiter la plainte, mener l’enquête et déterminer si des accusations seront portées. Le vérificateur a analysé un échantillon de 46 dossiers traités par la police militaire. Seulement quatre dossiers avaient été traités dans les 30 jours prescrits. Dans 31 cas, il avait fallu attendre en moyenne sept mois pour clore le dossier; la moitié du temps, les délais n’ont pas été justifiés. L'examen des 11 autres dossiers étaient toujours en cours.

La situation fait en sorte que les victimes décident de ne pas porter plainte ou de retirer leur plainte, car elles sont peu convaincues que les enquêtes aboutiront à des résultats concrets.

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« Par conséquent, il y aura une sous-déclaration des incidents, les Forces ne connaîtront pas toute l’ampleur du problème, et les auteurs de certains incidents ne seront pas tenus responsables et pourraient continuer de harceler sexuellement, d’agresser ou d’intimider d’autres victimes », en conclut le vérificateur général.

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Il note également des lacunes par rapport au « devoir de signaler », qui veut que toute personne témoin d’un incident doive en faire part aux autorités désignées. Ce « devoir » a fait en sorte que des incidents ont été signalés même si la victime n’était pas disposée à le faire. « La police militaire a dû mener une première enquête sur tous les incidents signalés, sans tenir compte du fait qu’une victime aurait pu vouloir régler le problème officieusement. Cela a dissuadé certaines victimes de dénoncer des incidents. » Il en résulte une perte de confiance envers le système de plaintes.

À noter que le processus judiciaire pour les causes de violences sexuelles n’a pas été évalué par le vérificateur général. Le processus avait fait l’objet d’un autre rapport, au printemps, mais il ne traitait pas uniquement des violences sexuelles. Il y était cependant question de délais trop longs pour entendre les causes, ce qui pouvait miner la confiance envers l’administration de la discipline et de la justice.

Justine de l'Église est sur Twitter.