Crime

Les rues désertes du confinement propices aux agressions

Epidémie du Covid-19 oblige, les grandes villes se sont vidées, accentuant le sentiment d'insécurité de ceux qui doivent encore travailler. Harcèlements, vols à l'arrachée et agressions semblent augmenter.
Justine  Reix
Paris, FR
Paris coronavirus agression

Anya est caissière et travaille dans un supermarché de Marseille. Régulièrement, sur le chemin du travail, elle est accostée par des dragueurs de rue. Mais depuis le début du confinement, la drague s'est transformée en harcèlement. « Il y a toujours eu des gros lourds mais vu qu'il n'y a pas grand monde dans les rues je ne me sens vraiment pas en sécurité. On m'a déjà plusieurs fois suivie et attrapée par le bras » raconte-t-elle. À présent, quitte à faire quelques détours, elle préfère passer par les grandes artères où il y a encore du passage. Son compagnon vient également la chercher à la fin de sa journée.

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Comme Anya, de nombreuses personnes rapportent un sentiment d'insécurité en cette période de confinement. Les témoignages de vols et harcèlements se multiplient même s'il est pour l'instant impossible de vérifier s'il y a une augmentation des agressions. Les dépôts de plaintes prennent plusieurs semaines à être rassemblés et ceux du mois de mars ne seront disponibles que fin mai. Et encore faut-il penser et avoir envie de porter plainte.

« On nous menace pour des gels hydroalcooliques et des masques régulièrement, ça se voit qu'il y a moins de policiers en ce moment et certains en profitent » – Olivier, pharmacien

Il y a deux semaines, Jessica, jeune Parisienne de 21 ans, a été agressée alors qu'elle promenait son chien. « Il était 21 heures environ et je suis passée devant un mec qui portait un masque. Il était debout contre un mur et avait l'air d'attendre. Il a voulu me parler, je l'ai ignoré et il a commencé à m'insulter et ensuite ça a dégénéré. » Jessica a eu beau accélérer le pas et demander calmement à l'homme de la laisser tranquille, les quelques personnes qu'elle a croisé ne lui ont pas accordé un seul regard. Il a attrapé la queue-de-cheval de Jessica pour la tirer vers lui. « Ça ne mettait jamais arrivé ce genre de chose, j'ai eu super peur, j'ai tellement crié qu'il a fini par me lâcher et partir. » Depuis, Jessica refuse de sortir de chez elle de peur de recroiser son agresseur. De quoi rendre encore plus agréable son confinement. Son père, avec qui elle vit, souhaite qu'elle porte plainte mais la jeune femme refuse catégoriquement pour l'instant.

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Si la préfecture de police a préféré ne pas encore se positionner sur cette situation lorsque nous l'avons contactée, l'Ordre des pharmaciens, lui, a tiré la sonnette d'alarme début avril et remarqué une grande hausse des plaintes et des agressions dans leurs officines. Selon l'organisme, les insultes, menaces, cambriolages et agressions à l'arme blanche auraient augmenté de 50 à 60% par rapport à l'année passée durant la même période.

Olivier, qui tient à rester anonyme de peur de représailles, tient une pharmacie à Lyon depuis une dizaine d'années. Dernièrement, un homme a saccagé sa boutique car on lui a refusé plusieurs boîtes de Doliprane, disponible à l'unité depuis janvier. « Il n'y avait personne dans la rue et dans la pharmacie alors il en a profité pour renverser des étagères et écraser et casser plusieurs flacons et crèmes. » Le montant des dégâts est estimé à environ 1 000 euros selon Olivier. Le pharmacien a déjà vécu plusieurs tentatives de braquages et des agressions par le passé et pourtant, il affirme que les relations avec ses clients se sont tendues depuis le début du confinement : « On nous menace pour des gels hydroalcooliques et des masques régulièrement, ça se voit qu'il y a moins de policiers en ce moment et certains en profitent. »

« Je suis persuadée que ma voiture a été ciblée parce qu'il y avait mon caducée » – Isabelle, infirmière

Les professionnels de santé qui se déplacent et sont en première ligne face au Covid-19 font partie de ceux qui craignent le plus les agressions. Plusieurs hôpitaux parisiens ont d'ailleurs embauché des gardes du corps pour accompagner le personnel soignant de leur gare jusqu'à leur lieu de travail. Isabelle, infirmière en région parisienne, a retrouvé dernièrement la vitre de sa voiture brisée alors qu'elle sortait du travail. « Je suis persuadée que ma voiture a été ciblée parce qu'il y avait mon caducée [symbole du corps médical et des pharmaciens, NDLR]. Tout a été fouillé, ils devaient chercher du matériel. » D'autres de ses collègues ont aussi été les cibles de ces visiteurs de véhicules.

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Pour éviter de se faire agresser, Isabelle a décidé de prendre toutes les précautions possibles.
« J'ai vraiment peur qu'on m'attrape un soir et qu'on me force à donner mon matériel ou mon argent. Je me dépêche de rentrer dans ma voiture et de refermer derrière moi, j'enlève mon caducée quand je roule et quand je me gare ailleurs que dans des parkings qui nous sont réservés et j'emporte toujours mon matériel avec moi. »

Dans les grandes villes, il suffit de marcher quelques minutes – pour aller faire ses courses, bien entendu – pour croiser un certain nombre de personnes qui errent toute la journée sans but. Alors que d'ordinaire ils se fondent dans la masse, à présent ils sont repérables de loin. Les yeux dans le vague, la démarche parfois incertaine… Parmi eux, on retrouve de nombreux sans-abri qui souffrent énormément du confinement. Les dons se font de plus en plus rares et il peut arriver que certains en viennent aux mains pour obtenir un peu d'argent.

C'est ce qui est arrivé à Nicolas dans un tram à Paris un soir de semaine. Un sans-abri a demandé de l'argent mais les personnes présentes dans le train n'ont pas réagi. Nicolas a également refusé. « Je me suis levé pour descendre à ma station et le SDF a insisté, je lui ai à nouveau dit non et il s'est collé à moi pour descendre. J'ai senti quelque chose n'allait pas. » Une fois sur le quai, le sans-abri a arraché la sacoche de Nicolas et s'est enfui en courant. L'étudiant a tenté de le rattraper, en vain.

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La plupart des témoignages de vols à l'arrachée que nous avons recueilli proviennent de grandes villes comme Paris, Lille ou encore Marseille. Étonnamment, la plupart des agressions se sont déroulées en pleine journée dans des lieux d'ordinaire bondés. De nombreux toxicomanes en manque traînent dans les rues et font l'aumône dans l'espoir d'acheter leurs doses. Plusieurs jeunes femmes nous ont raconté avoir été agressées par des hommes, encore sous l'emprise de drogues, qui tentaient d'ouvrir leur sacs. Des vols qui ne sont, bien sûr, pas caractéristiques au confinement. Mais il est évident que la baisse de passages et donc de dons pèsent sur les sans-abris et toxicomanes.

Il existe de nombreux numéros d'urgence ainsi que des applications que vous pouvez utiliser et télécharger en cas d'urgence ou d'agression. Dans les transports en commun, vous pouvez appeler le 31 17 ou envoyer un texto au 31 117. En cas d'agression, les forces de l'ordre conseillent de conserver son calme et de chercher à mémoriser l'identité de l'agresseur (vêtements, signes distinctifs, corpulence etc…) et de composer le 17 une fois le danger écarté.

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