Culture

Vous ne verrez rien de plus écolo que cette pépite horrifique australienne

Le film « Long Weekend », qui ressort en salles, raconte une vendetta : celle de la nature contre les humains qui ne la respectent pas.
Alexis Ferenczi
Paris, FR
Cinéma écolo
Toutes les images sont tirées du film « Long Weekend » avec l'aimable autorisation de Solaris Distribution

Dans la plupart des bouquins de géographie, l’Australie est une « jeune nation bâtie sur une terre très ancienne ». C’est aussi un pays connu pour héberger son lot d’étudiants en année sabbatique, une bonne dizaine d’adaptations cinématographiques de la vie du bandit Ned Kelly (une sorte de Robin du Bush) et des araignées de la taille d’un écran plat.

Ces dernières sont d’ailleurs le symbole d’un préjugé assez tenace chez ceux qui n’ont jamais foutu les pieds sur le continent : la faune aussie serait particulièrement dangereuse – la morsure de la célèbre huntsman spider est certes douloureuse mais pas spécialement mortelle (seule sa propension facétieuse à se cacher dans les bagnoles a causé quelques accidents).

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Un préjugé peut-être renforcé par Long Weekend, film de Colin Eggleston sorti en 1978 (programmé en copie restaurée à la Filmothèque du Quartier Latin) dans lequel la nature mène une vendetta contre un couple qui ne la respecte pas. Cette petite pépite horrifique – suffisamment lo-fi pour avoir gardé une grande partie de son charme minimaliste – a même longtemps été estampillée « écolo ».

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Elle raconte l’histoire de Peter (John Hargreaves) et Marcia (Briony Behets) qui ont éparpillé leur mariage façon puzzle (comprendre : ils s’engueulent plus qu’ils ne baisent) et décident d’aller recoller les morceaux en s’adonnant à du camping sauvage près d’une plage de Nouvelle-Galles-du-Sud (comprendre : très très loin de la civilisation).

Ces quelques jours de thérapie de couple bergmanienne ne s’annoncent pourtant pas sous les meilleurs auspices. Si Peter est content de pouvoir utiliser son matos de bivouac à 2 000 balles, son fusil, sa planche et sa chienne, pour surfer, chasser et siffler quelques bières, Marcia aurait préféré le confort d’un hôtel pour feuilleter un bouquin genre The Inheritors d’Harold Robbins.

Le voyage ne se déroule pas sans heurts mais c’est une fois installé que le couple se montre particulièrement virulent envers l'environnement transformé petit à petit en exutoire de leurs névroses : fourmis bombées à l’insecticide, arbre attaqué à coups de hache ou de harpon, famille de canards décimée à la carabine. Un déferlement de violence sourde qui met assez mal à l’aise, bien aidé par la bande originale de Michael Carlos très porté sur les tubes.

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Paroxysme de cette attitude belliciste, la mise à mort d’un lamantin, dugong ou vache de mer pour les puristes, aussi inoffensif qu’indestructible et dont la progéniture vient hanter le reste du film par ses cris similaires aux pleurs d’un bébé.

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De tout temps, le cinéma d’horreur a utilisé la nature pour faire passer quelques frissons – et déjà souvent punir l’homme de son hubris : s’être senti capable de la dompter. L’Australie ne fait pas exception (ces dernières années avec le crocodile de Rogue ou les requins de The Reef) mais les animaux de Long Weekend ne sont pas des prédateurs.

« Je voulais éviter de faire un film à la Les Dents de la mer et je voulais surtout que les animaux n’aient pas l’air extrêmement agressif », confiait le scénariste Everett de Roche au blog Spectacular Optical. « Mon idée de départ, c’est que Mère nature est dotée d'une sorte de système immunitaire. Quand les humains se comportent comme des cellules cancérigènes, elle attaque. »

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Il expliquait ensuite dans un numéro de Cinema Papers avoir imaginé le bush comme un personnage à part entière : « La nature est l’héroïne de l’histoire. Long Weekend n’était pas censé être un plaidoyer sur l’environnement un peu lourd, c’était juste une manière un peu condensée de dire que la nature est capable de se protéger si l’homme commence à faire des conneries. »

À sa manière, le bush, dernier îlot « au naturel » du continent, a contribué à construire une identité australienne. Il a longtemps gardé une part de mystère et inspiré pas mal de cinéastes. Dans les années 1970, les aborigènes commencent à en revendiquer la paternité (ils obtiendront gain de cause en 1976 avec la première loi fédérale sur la rétrocession foncière).

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Long Weekend est d'ailleurs un pur produit de son époque. Sa sortie correspond au début d'une prise de conscience écologique : Greenpeace et le World Wide Fund (WWF) viennent de voir le jour alors que les Nations unies ont lancé un programme censé coordonner les actions devant être mises en place afin de sauvegarder l’environnement.

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Au-delà de ce sous-texte, Long Weekend est d’abord et surtout une émanation de ce que les fans de cinéma bis appellent l’Ozploitation, période particulièrement faste pour le cinéma de genre australien décrit dans le documentaire Not Quite Hollywood : The Wild, Untold Story of Ozploitation de Mark Hartley. Soit des films cultes mélangeant alcool, sexe, armes à feu et stéréotypes de la culture aussie avec plus ou moins de subtilités.

« On devrait aimer cette création d'un fantastique moderne où le déséquilibre psychologique d'un couple entraîne une réaction de défense, de protection de la végétation, du sable, des animaux contre une civilisation qui ne tient plus compte de l'équilibre écologique et risque de le payer très cher », écrivait Le Monde lors de sa sortie en 1980.

Moins spectaculaire que ses contemporains Wake in Fright ou Walkabout, Long Weekend (ne pas confondre avec son remake peu inspiré de 2008) mise avant tout sur son économie de moyens pour construire une atmosphère viciée dans laquelle la nature va progressivement prendre sa revanche sur la vie. Si le commentaire du film sur l’activité humaine polluante a un écho particulier aujourd’hui, il rappelle surtout que l’homme est un loup de Tasmanie pour l’homme.

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