Photo : Perly
Depuis quelques années, les sports de glisse ont au moins autant la côte que les ananas : on voit des planches de skate dans la plupart des shootings de mode à destination « des jeunes » et les pro-riders sont associés à à peu près n’importe quoi : télé réalité, trottinettes, parfum… Ça fait gueuler pas mal de monde, Marc Johnson en tête, mais pour d’autres, ce regain d’intérêt de la part de marques qui ont des budgets conséquents permet de mettre en avant les aspects de ces sports qui échappent habituellement au grand public.
C’est le cas de Julien Mounier, fondateur du site BangingBees, qui produit du contenu pour la nouvelle plateforme de Nokia, Pureviews. Je lui ai posé quelques questions sur son nouveau projet et sur sa vision du snowboard.
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Salut Julien. Comment tu définirais BangingBees ?
C’est un webmagazine que j’ai créé avec Yann Dechatrette en 2012. L’idée, c’est de proposer une vision différente du snowboard. On ne crache pas sur l’évolution de la pratique : les Jeux Olympiques, les X Games, les triple corks… Mais ce n’est pas ce qu’on veut montrer.
En ce moment, beaucoup de choses liées au snowboard sont faussement drôles, mais il existe encore une culture snowboard faite par des passionnés qui privilégient le côté ludique. Je pense que c’est ça qu’il faut montrer pour donner envie aux gens de rider.
Comment vous avez commencé ?
Ça faisait un moment qu’on se disait qu’il fallait sortir un média web français pointu. On a fait quelques essais discrètement, pour se faire la main, et on a commencé à communiquer en novembre 2012 en créant une page Facebook et tout ce qui va avec. On a démarré tranquillement, pour prendre un peu la température. Ça a pris assez vite, on a eu de bons retours de la part de l’industrie et des riders, donc en février dernier, j’ai quitté mon poste de rédacteur en chef de SnowSurf, où j’ai passé cinq années très intéressantes.
Justement, par rapport à SnowSurf, vous créez beaucoup moins de contenu. BangingBees ressemble plus à un agrégateur de vidéos cool.
Non, on produit notre propre contenu : interviews, dossiers, listes et vidéos. Et quand on poste des vidéos qu’on n’a pas produites, on rédige toujours un petit texte pour donner un contexte aux lecteurs. Et puis, il y a un travail dans la sélection de nos vidéos. Il y a tellement de vidéos qui sortent qu’il faut faire le tri.
Oui, c’est fou le nombre de vidéos qui sortent, même en été. Comment tu repères celles que tu veux mater ?
C’est un job à plein temps ! Il faut être organisé, aller voir les comptes Vimeo ou Youtube des productions ou réalisateurs intéressants et leur demander de te prévenir quand ils ont du nouveau contenu. J’ai toujours un peu l’impression d’être un explorateur qui vient de faire une découverte quand je tombe sur une vidéo cool qui n’a pas encore été postée. Mais il y a aussi beaucoup de vidéos très chiantes !
Et comme on produit du contenu à une fréquence régulière, ça demande beaucoup de travail. Le rythme est beaucoup plus intense que dans la presse écrite, mais c’est plus plaisant, parce que dès qu’on a une idée de sujet, on la fait alors que quand un article sort dans un magazine papier, il n’est déjà plus tout frais.
D’ailleurs, on va aussi créer un magazine numérique avec du contenu enrichi. On devrait en sortir un cet hiver, histoire de faire un test.
Julien Mounier filme Florent Marot en backside lipslide sur le park de Chamrousse. Photo : David Clément.
Donc l’objectif, c’est de créer de plus en plus de contenu ?
Absolument. On veut se démarquer avec du contenu BangingBees de qualité. Dans la façon de parler du matériel, par exemple. On veut présenter des sélections pointues, intéressantes, et pas un catalogue qui montre tout et n’importe quoi. On va aussi mettre l’accent sur la création de notre propre contenu vidéo, avec, là aussi, beaucoup de variété.
J’imagine que ça veut dire que Florent Marot va continuer à faire des vidéos la saison prochaine ?
Oui, bien sûr. Mais on va aussi bosser avec d’autres personnes avec qui on a déjà travaillé, comme Jon Vital, Rémy Barreyat, Lionel Simon ou Pédro Cettour.
Qu’est-ce que c’est l’objectif de ces vidéos ?
C’est de pousser la scène française, et surtout les jeunes riders qui nous tiennent à cœur. C’était notamment le but de la vidéo qu’on a faite à Chamrousse avec Nokia. Mais on veut aussi mélanger les styles de riders : ça nous intéresse autant de suivre une légende comme Nicolas Droz qu’un un super pro du moment comme Arthur Longo ou des bons amateurs que personnes ne connaît.
J’ai l’impression que pour les Français, le but d’une vidéo est toujours de montrer « une bonne journée entre potes ». Pourtant, dans les vidéos que vous relayez sur BangingBees, il ne s’agit pas que de ça : c’est souvent des rider très créatifs, comme les gars de Jupiter People, par exemple. Tu ne trouves pas que ça manque en France ?
C’est vrai que c’est un peu cliché de dire ça, mais c’est pourtant tellement vrai. Une journée est vraiment différente quand tu te marres avec tes potes. Tu peux t’éclater même avec des conditions pourries et c’est ça qui donne envie aux gens de faire du snowboard. Avec un peu d’imagination, tu peux trouver quelque chose de drôle à faire dans n’importe quelles conditions. Et les vidéos peuvent t’inspirer. Quand tu vois les spots improbables des mecs de Think Thank ou les riders de Bear ou du Minnesota, qui arrivent toujours à trouver des lignes différentes dans un park en ridant les modules de travers, ça donne des idées. En plus, c’est accessible à beaucoup de riders. C’est bien de montrer des grosses tables ou des spots très engagés mais concrètement, ça touche peu de gens. Ça peut faire rêver et il faut garder les standards élevés chez les pros, mais c’est bien de montrer le même pro s’amuser et être créatif sur des petits modules.
C’est vrai que ça manque en France, mais ça vient aussi du terrain de jeu qui s’y prête rarement. Beaucoup de stations n’ont pas compris que c’était mieux et moins compliqué de penser un petit park créatif, avec des courbes et des modules qui se rident de différentes façons, plutôt que de concentrer ses efforts sur des grosses tables ou d’acheter des rails trop longs qui ne s’adressent à pas grand monde. Il y a une éducation à refaire en France et ça passe par les médias, les stations, l’industrie et les riders. À nous de faire bouger les choses pour que les gens trouvent le snowboard plus cool et plus drôle.
Mais votre cible est hyper restreinte, non ? C’est risqué de ne s’adresser qu’à une mince partie des snowboarders, alors qu’il paraît déjà qu’on est de moins en moins.
Depuis que je bosse dans le snowboard, on me dit : « c’était mieux avant ». Ça me fait penser aux mecs qui écoutent du rap et qui pensent que tout s’est arrêté en 1995. Nous, on pense qu’il y a plein de choses à faire dans le snowboard et qu’il faut redynamiser la scène.Si la partie « core » du snowboard n’est pas mise en avant par les médias, les consommateurs se tourneront forcément vers ce qu’ils ont devant leurs yeux. On a une ligne éditoriale assez distincte, mais on ne veut pas être vus comme un site qui ne parle que de park ou de street. Notre projet le plus ambitieux c’est d’avoir un côté éducatif, fédérateur d’une certaine vision du snowboard, ludique et pointue, tout en gardant de l’autodérision, qui manque cruellement au milieu du snowboard aujourd’hui. Notre inspiration vient de médias sans compromis qui ont su faire passer leur message et créer un mouvement comme Freestyler, Blunt ou Big Brother… C’est ce genre de magazines qui nous ont donné envie de faire du journalisme.
Retrouvez les vidéos BangingBees sur nokiapureviews.com
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