Santé

Le coronavirus fait douter certains militants anti-vaccins

« Je n’aurais jamais pu imaginer ce que nous vivons aujourd’hui… et ça me pousse à me remettre en question. »
Vaccination COVID-19 Anti-vaccin Coronavirus
illustration : Lily Blakely

La pandémie de coronavirus semble nous avoir tous rendus experts. Il y a l'amie de ta sœur qui pense qu'un an de médecine lui donne le droit de s'exprimer au nom de toute la communauté médicale, ou l'oncle, fidèle abonné du journal 20 Minutes, qui partage régulièrement des théories du complot du « virus chinois » sur le groupe Whatsapp familial. Tout le monde semble avoir fait un doctorat en virologie. Mais un groupe de personnes est resté étrangement silencieux jusqu’à présent : les militants « anti-vaccins ».

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Cela fait longtemps qu’il existe des opposants à la vaccination, et pas seulement dans les groupes Facebook de « mamans-mangent-bio », mais aussi parmi des stars hollywoodiennes, et l’extrême droite religieuse. Alors que la France serait le pays le plus sceptique au monde en matière de vaccin, aux États-Unis et au Royaume-Uni, on a pu observer une baisse du nombre de vaccinations et d'alarmants résultats. L'OMS a retiré récemment le Royaume-Uni de la liste de pays exempts de rougeole et l’année dernière et les États-Unis ont connu la plus grande recrudescence de rougeole depuis 1922. Mais maintenant que nous faisons face à la plus importante et la plus mortelle pandémie enregistrée depuis la grippe espagnole de 1918, les « anti-vaccins » ont-ils changé d’avis ?

Del Bigtree, fondateur de Information Consent Action Network (ICAN), l’un des groupes de militants anti-vaccins les plus importants d’Amérique, reste convaincu. « Chacun des vaccins que l’on donne à nos enfants a provoqué des effets secondaires néfastes chez certaines personnes, dit-il. C’est l’un des seuls moments de notre vie où on prend l’avis des experts pour argent comptant. On suppose qu’ils ont raison, et on ne pose pas de question. Je pense avant tout au consommateur et je veux simplement m'assurer que les produits que l'on nous donne sont sans danger pour la santé. »

Concernant le vaccin contre le coronavirus, Del s’inquiète particulièrement des efforts mis place par les États-Unis pour être le premier pays à le produire. « Je trouve l’idée parfaitement noble de vouloir créer un produit qui protège la population d’une maladie, mais là où cela se complique c’est lorsque nos institutions médicales veulent presser le protocole scientifique, explique-t-il. On ne devrait jamais se précipiter, sans mener à bien de sérieuses études de sécurité, pour créer un produit que l’on compte injecter à des personnes en parfaite santé. Le gouvernement américain dit que nous pouvons créer un vaccin en 12 à 18 mois. On passe directement aux premiers essais sur des humains, sans avoir fait les essais sur animaux. Quarante-cinq personnes seront suivies pendant quatre mois. C’est une période d’essai très courte et réalisée sur un maigre échantillon. » En France, des essais cliniques sur 800 personnes sont en cours à Lyon, Nantes et Paris.

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Les experts craignent que la désinformation et l’alarmisme de la communauté anti-vaccin ne compliquent la tâche d’éradiquer le Covid-19 une fois le vaccin accessible. Les théories complotistes abondent autour des vaccins, particulièrement dans certaines régions où des guerres juridiques font encore rage. « Si vous pensez toujours que c’est une pure coïncidence qu’une pandémie ait éclaté au beau milieu d’une démarche étatique qui tente, état par état, d'abolir notre droit de s’opposer à une vaccination, il est temps d’arrêter de se voiler la face », disait un groupe Facebook rassemblant des sceptiques de la vaccination. Concrètement, d’après une récente étude menée par Emerson Polling, plus de 10 % des Américains refuseraient de se vacciner contre le coronavirus, ce qui est dangereux étant donnée la vitesse de sa propagation. En France, on estime que 26 % de personnes refuseraient le vaccin.

« Je considère que ma famille et moi-même ne sommes pas suffisamment à risque pour avoir à nous vacciner, mais j’envisage de le faire dans l’optique de créer cette fameuse "immunité collective" » – Charlene, inhalothérapeute

Caylan Wagar, conseillère bien-être, préconise le respect du choix des parents en matière de vaccination. Vous pourrez la voir dans Pandémie, série documentaire Netflix, où elle défend son opinion suite au projet de loi en Oregon qui « empêche les parents de refuser les vaccins requis contre les maladies restrictives ». Selon moi, la question n’est pas de savoir si vous vaccinez ou non vos enfants, mais de pouvoir garder la liberté de faire ce qui nous semble meilleur pour eux », explique-t-elle dans le documentaire. En ce qui concerne le coronavirus, Caylan reste campée sur ses opinions : « À ce stade, je ne ferais aucun vaccin contre le coronavirus à mes enfants, dit-elle. Je suis convaincue qu’ils ont un système immunitaire suffisamment sain et performant pour se défendre en cas de contagion. »

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Mais alors qu'il semble que peu d’enfants soient susceptibles de développer de sévère infection après contamination par le Covid-19, rien ne les empêche de le transmettre aux plus vulnérables d’entre nous. Si l’argument reste le même que pour la plupart des maladies contre lesquelles nous nous faisons communément vacciner, la menace que représente ce virus en particulier pour les personnes âgées et les personnes immunodéprimées, sa vitesse de propagation et la pression exercée sur le matériel de santé disponible dans le monde entier ont conduit bon nombre des plus sceptiques à constater l’ampleur du problème.

Charlene, inhalothérapeute en Californie, refuse de se faire vacciner et de vacciner ses enfants depuis sa première grossesse il y a 16 ans. « J’ai arrêté depuis qu’un vaccin de routine contre la grippe a déclenché un accouchement prématuré, raconte-t-elle. Je me considère chanceuse en sachant que beaucoup d’autres femmes font des fausses couches à cause du vaccin. Après cet événement, j’ai commencé à avoir de sérieux doutes sur la sécurité des vaccins » (Le Centre pour le Contrôle et la Prévention des Maladies aux États-Unis a prouvé l’absence de lien entre le vaccin contre la grippe et les incidents de fausse couche).

Pourtant, malgré la détermination de Charlene, l’actuelle pandémie de coronavirus l’a poussée à remettre en question ses opinions. Son inquiétude pour la santé de ses proches a pris le dessus sur sa méfiance à l’égard des vaccins. « Je considère que ma famille et moi-même ne sommes pas suffisamment à risque pour avoir à nous vacciner, mais j’envisage de le faire dans l’optique de créer cette fameuse "immunité collective", explique-t-elle. « Ce virus est catastrophique pour notre système de santé et l’économie à échelle mondiale, il doit être éradiqué à la souche. »

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Rachel*, administratrice du Conseil de Bristol, admet également que sa position sur la vaccination a été bousculée par la pandémie du coronavirus. Après avoir donné naissance à son premier enfant en octobre l’année dernière, elle pensait initialement ne pas faire vacciner sa fille du RRO, qu’elle est censée faire dans l’année. Comme beaucoup d’autres parents, elle évoque avant tout sa peur d’un éventuel lien entre le vaccin RRO et l’autisme, bien que plusieurs recherches aient réfuté cette théorie. « Si une majorité écrasante de parents choisissent de faire vacciner leurs enfants, le risque que ma fille contracte la rougeole reste très faible, donc je préfère éviter le risque qu’elle ait une mauvaise réaction au vaccin », m’a écrit Rachel par mail. « Cela dit, je n’aurais jamais pu imaginer ce que nous vivons aujourd’hui avec le coronavirus, et ça me pousse à me remettre en question », poursuit-elle. Ma nièce serait exposée à un risque conséquent si elle contractait le coronavirus, car elle est sous immunosuppresseurs. Mes inquiétudes à son sujet m’ont amenée à penser à la responsabilité que j’ai en tant que mère de prévenir la transmission de ces maladies aux personnes qui pourraient sérieusement en souffrir. Avant tout ça, je n’avais jamais considéré ce facteur comme une raison de faire vacciner mes enfants. Je dirais que ça m’a rendue encore plus indécise qu’avant. »

Il est déjà clair que cette pandémie sera la pire crise sanitaire que nous vivrons de mémoire d’homme. Au moment où je publie cet article, 1 981 239 personnes ont contracté le virus, avec au total 126 681 morts et les systèmes de santé du monde entier sont saturés. Alors que des douzaines de pays ont déjà pris des mesures drastiques et que le virus continue de se propager à vitesse vertigineuse, un vaccin semble être notre meilleure chance de stopper la propagation de cette maladie dévastatrice – seulement si, une fois le vaccin produit, assez de personnes consentent à l’adopter.

* Le prénom a été changé

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