« Tu aimes l’anonymat ? La porte est ouverte. Tu me trouveras penché en avant, les yeux bandés, lubrifié. » J’ai reçu ce message sur Grindr il y a quelques jours et je ne suis sûrement pas le seul. Il arrive que la terminologie varie et que la porte soit « entrebâillée » ou le loquet « déverrouillé ». Mais le concept est le même : l’expéditeur attend qu’un inconnu pénètre chez lui et, à terme, en lui. Techniquement, s’il garde son bandeau sur les yeux tout le long, vous pouvez le baiser et repartir – il ne saura jamais qui vous êtes.
« C’est vraiment un kink pour moi », me dit Dan Thomas, un gay de 32 ans originaire de Dorchester. Dan vit actuellement chez ses parents et doit donc attendre que ces derniers s’absentent pour organiser une soirée « porte ouverte ». Mais lorsqu’il vivait seul à Brighton il y a quelques années, il lui arrivait d’en programmer plusieurs par nuit.
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« À l’époque, je fréquentais un top dominateur. Il voulait que je me tienne prêt pour qu’il ait juste à glisser sa bite en moi. J’ai toujours joué le rôle du soumis un peu salope », explique Dan. Avec le temps, cela l’a amené à faire des rencontres anonymes avec des hommes qu’il ne connaissait pas. « Quand on a les yeux bandés, les autres sens sont exacerbés, donc ce sont les sons et les odeurs qui m’excitent », dit-il.
Dan admet que sa vie sexuelle était plus intense dans une grande ville comme Brighton. « Maintenant que je suis de retour dans ma petite ville natale, Grindr ne me propose que des types que je connais de près ou de loin », dit-il. Pourtant, Dan affirme qu’il ne fait jamais rien pour briser l’illusion, ajoutant fermement : « Je ne quitte mon bandeau que si la personne me l’enlève. »
Comme tous les kinks, le truc de la porte ouverte n’est pas gravé dans la pierre. Tommy*, un homosexuel de 23 ans de l’est de Londres, dit que pour lui, l’anonymat n’augmente pas nécessairement le plaisir. « En général, je demande un selfie avant la rencontre, mais si le mec a l’air sain d’esprit et qu’il ne veut m’envoyer que des photos de sa bite ou de son cul, alors ça me va, dit-il. Je me suis bandé les yeux à quelques reprises, mais c’est plus pour le frisson d’attendre que quelqu’un entre et me trouve exposé. »
Bien que Tommy prenne plaisir à se sentir exposé lors de ses rencontres anonymes, il affirme ne s’être jamais senti en danger. « À l’exception d’un très faible pourcentage, chaque rencontre gay est soumise à un processus de sélection pour déterminer si le mec est sain d’esprit, sérieux et, surtout, si le courant passe, dit-il. Si les planètes sont alignées, la rencontre aura lieu. Le fait de laisser la porte ouverte n’ajoute aucun risque, puisqu’à ce moment-là, le mec connait déjà mon adresse. » Tommy préfère tout de même éviter les bandeaux et les menottes. « Il paraît que certains types aiment attendre attachés dans le lit, dit-il. Mais c’est un peu trop pour moi. »
Avant d’organiser une quelconque relation sexuelle « porte ouverte », il est absolument vital de penser à votre sécurité. Ian Howley, directeur général de l’organisation caritative LGBT HERO, spécialisée dans la santé et le bien-être, affirme avoir « entendu parler de plusieurs agressions sexuelles dues à ce type de jeu de rôle », mais précise que c’est heureusement « très rare ».
« Il est important que les deux parties soient conscientes des risques et disposent d’une échappatoire en cas de problème, explique-t-il. Assurez-vous d’avoir votre téléphone à portée de main et éventuellement d’avertir une personne de confiance de l’endroit où vous allez. Si vous êtes l’hôte, alors ayez votre téléphone à proximité au cas où vous auriez besoin d’appeler les secours. »
Il exhorte également les victimes à signaler à la police les agressions sexuelles qui se produisent dans de telles circonstances, « afin que nous puissions empêcher que cela n’arrive à d’autres ».
Selon Howley, il n’y a absolument aucune raison de stigmatiser ce kink. « Fixez vos limites, parlez ouvertement et honnêtement de ce que vous voulez tous les deux. Tant que vous êtes sur la même longueur d’onde, il n’y a rien de mal ou de honteux à faire ce que vous faites », dit-il.
De plus, cette pratique peut faciliter l’intimité sexuelle des gays qui ne sont pas encore sortis du placard ou qui commencent tout juste à explorer leur homosexualité. « En général, si un mec me dit qu’il est “discret” sur le fait de coucher avec des hommes, je lui suggère de le faire de cette façon », dit Dan Thomas.
Ce kink peut également être une source d’autonomie pour les gays issus de communautés marginalisées. « C’est bizarre, je sais, mais j’ai l’impression d’avoir le contrôle sur cet homme qui est là pour moi et qui veut m’utiliser », explique Ali*, 35 ans, originaire de Leeds.
Ali dit que sa sexualité est « compliquée » parce qu’il est gay et « issu d’un milieu musulman d’Asie du Sud ». « Je serai toujours en conflit avec ce que je ressens, parce que ce n’est pas ce que ma famille et ma religion m’ont appris à ressentir, dit-il. Et je ne corresponds pas aux normes de beauté de la communauté gay, qui sont souvent centrées sur les Blancs, donc pour moi, cette pratique est libératrice. »
Ali admet que ce sentiment de liberté peut être assez fugace. « Plus tard, quand j’y repense, j’ai l’impression d’associer mon bonheur à l’approbation d’hommes bi et gays majoritairement blancs », dit-il.
Mais Ali a un message pour tous ceux qui verraient son kink d’un mauvais œil : « Ce que les gens oublient commodément, c’est que les hétéros le font aussi, tous les vendredis et samedis soir, dit-il. Ils ajoutent simplement de l’alcool au mélange et c’est considéré comme normal. Nous préférons sauter cette étape et aller directement à l’acte lui-même. »
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