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50 Cent porte plainte pour prouver que son pénis n'est pas refait

On s'est calé avec un avocat pour démêler l'affaire de publicité mensongère qui oppose le rappeur à une esthéticienne spécialisée en phalloplastie.
Drew Schwartz
Brooklyn, US
50 Cent pénis
Photo de Kevin Mazur / Getty Images for Roc Nation

En 2020, 50 Cent posait sur une photo avec Angela Kogan, qui se décrit elle-même comme une « esthéticienne de célébrités » et possède un centre de chirurgie plastique et un spa médical à Miami. Quelques mois plus tard, cette photo a priori inoffensive a ressurgi. Elle est maintenant au centre d’un conflit chelou qui implique un emoji aubergine, le média The Shade Room et une rumeur selon laquelle 50 Cent aurait subi une intervention de chirurgie intime, ou phalloplastie — une allégation qu’il a depuis à cœur de réfuter devant les tribunaux.

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Selon le procès que 50 Cent a intenté à Kogan fin septembre, tout a commencé lors d’un voyage à Miami, où le gangsta rappeur « se trouvait par hasard à proximité du MedSpa [de Kogan] ». Kogan lui aurait demandé de prendre une photo dans son bureau. Fifty aurait accepté, persuadé qu’elle n’était qu’une fan lambda heureuse d’immortaliser leur rencontre par une photo « exclusivement pour son usage privé ».

Par la suite, Kogan et sa société, Perfection Plastic Surgery and Medical Spa, ont publié le cliché sur leurs comptes Instagram respectifs — qui pèsent collectivement 425 000 followers. La légende sous les posts remerciait 50 Cent de « s’être arrêté au meilleur Med Spa » de Miami. 50 Cent affirme qu’en faisant ça, Kogan a laissé entendre qu’il s’y était fait opérer, alors qu’en réalité, ça ne se serait jamais produit.

Environ deux ans plus tard, The Shade Room a publié un article sur la popularité croissante des procédures d’amélioration du pénis. La seule personne citée dans cet article était Angela Kogan, qui, selon The Shade Room, « possède une vaste clientèle de célébrités, dont Teyana Taylor, 50 Cent, Odell Beckham et bien d’autres ». Pour illustrer l’article, The Shade Room a utilisé la photo de Kogan et 50 Cent, placée à côté d’une autre image, celle d’une personne subissant une phalloplastie, avec son engin masqué par un emoji aubergine.

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« L’insinuation est claire », peut-on lire dans la plainte du rappeur : il se serait fait agrandir le pénis au spa médical de Kogan. 50 Cent poursuit donc Angela pour publicité mensongère et détournement de son image sans son consentement - entre autres.

« Il n’a pas pu simplement errer par hasard dans un spa médical. Il faut toujours s’intéresser aux éléments qui restent vagues, car ils ne sont généralement pas en faveur de la partie qui décrit la situation » - Barry Chase, avocat

Mais selon Kogan, 50 Cent a tout faux. Dans une déclaration, l’avocat de Kogan a écrit que 50 Cent aurait « reçu des services » au spa médical, mais pas de la variété pénienne. Au lieu de facturer 50 Cent pour l’intervention qu’il aurait reçue, Kogan lui aurait demandé si elle pouvait publier une photo d’eux deux sur ses réseaux sociaux et ceux de sa société, et 50 Cent aurait accepté le deal. Kogan n’aurait donc jamais dit, ni même sous-entendu, que 50 Cent était passé sur le billard pour pimper son zgeg ; tout ça serait l’œuvre de The Shade Room. Selon son avocat, Kogan n’aurait même jamais donné à The Shade Room l’autorisation de publier la photo d’elle et de 50 Cent.

« Au lieu de porter plainte contre l’auteur de l’article et/ou le site web qui l’a publié, [50 Cent] a décidé de salir le nom de Mme Kogan et celui de son entreprise, sans raison », a déclaré dans un communiqué Darren Heitner, l’avocat d’Angela Kogan.

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L’ensemble du litige est, à l’instar d’une intervention esthétique pour agrandir un pénis, assez confus. Pour plus de clarté sur les tenants et aboutissants de ce juteux procès, VICE a passé un coup de fil à Barry Chase, avocat du cabinet Chase Lawyers basé à Miami spécialisé dans l’industrie du divertissement et expert en droit à l’image — le principal problème juridique dans le cas de 50 Cent. Chase a lu l’action en justice et s’est prononcé sur les principales questions juridiques qu’elle soulève.

VICE : Que pensez-vous de la plainte civile déposée par 50 Cent contre Kogan ?
Barry Chase :
Tout d’abord, vous devez comprendre que la plainte est purement unilatérale. Vous ne pouvez donc pas la prendre au pied de la lettre. Mais vous pouvez en quelque sorte repérer, en tant qu’avocat, quels sont les points faibles. [Les avocats de 50 Cent] restent très vagues sur la question de savoir pourquoi il était dans le bureau de Kogan. Se sont-ils rencontrés dans la rue ? La photo n’a pas été prise au coin de la 166e et de Collins. Ce n’est pas comme si elle jouait le rôle d’une fan, plutôt celui d’une femme d’affaires. Elle porte même ses vêtements de travail.

La question se pose donc de savoir s’il n’était pas conscient de ce qui l’entourait lorsqu’il se tenait là et que, vraisemblablement, quelqu’un de l’équipe prenait une photo. L’endroit où ils se sont rencontrés, comment ils se sont rencontrés et pourquoi ils se sont retrouvés dans l’établissement de Kogan sont des circonstances encore très floues. Il n’a pas pu simplement errer par hasard dans un spa médical. Il faut toujours s’intéresser aux éléments qui restent vagues, car ils ne sont généralement pas en faveur de la partie qui décrit la situation.

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Si la version de 50 Cent est vraie, quelle est la solidité de son dossier ?
Si tout est vrai, comme il le prétend, il possède un bon dossier. Ce qui est soulevé ici, c’est ce qu’on appelle les droits de la personnalité, ou droits à l’image. Vous ne pouvez pas utiliser le visage de quelqu’un dans une publicité sans sa permission. Et selon toute vraisemblance, la personne ne vous donnera la permission que si vous la dédommagez d’une manière ou d’une autre. 50 Cent affirme qu’à aucun moment il ne lui aurait suggéré qu’elle pouvait utiliser [la photo] pour autre chose qu’un usage privé et personnel. En principe, on ne peut jamais tirer avantage du visage de quelqu’un sans obtenir au préalable le consentement de la personne en question.

Dans sa déclaration, l’avocat de Kogan affirme que 50 Cent aurait bien reçu des services de Kogan, et qu’en échange, il aurait accepté qu’elle publie une photo d’eux deux sur ses réseaux sociaux et ceux de son entreprise. Si la version de Kogan est vraie, comment cela pourrait-il compliquer les choses ?
D’après moi, il n’est pas tombé sur elle « par hasard ». Et cela laisse la place à l’argument selon lequel il existait bel et bien un deal entre eux deux. Peut-être que c’était juste un accord de troc, comme le suggère la déclaration : « Vous allez m’octroyer ce service, et en échange, plutôt que de vous faire un gros chèque, je vais faire une photo avec vous et vous pourrez l’utiliser pour gagner beaucoup plus d’argent que vous n’en gagneriez avec mon intervention. » Cet accord a pu être conclu oralement. Il existe de nos jours un gros malentendu : un contrat devrait toujours être un truc écrit. Or ce n’est pas le cas.

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Maintenant, on va assister à une situation bloquée, du style « il a dit ceci, elle a dit cela ». S’il n’existe aucun document (et nous avons toutes les raison de le penser), la preuve devra être testimoniale. Il peut y avoir pas mal de témoins dans cette affaire. La personne qui a pris la photo peut les avoir entendus, et rapporter ensuite devant la cour quelque chose comme « ouais, j’ai entendu 50 Cent dire à Kogan qu’elle pouvait utiliser cette image comme elle l’entendait, parce qu’il avait beaucoup apprécié ce service qu’il n’avait pas eu à payer. » Mais avec ça, surgit la question de la crédibilité. Cette personne est vraisemblablement employée par Angela Kogan. Peut-on la croire ? Je n’en sais rien. Y avait-il d’autres personnes dans les environs à ce moment-là ? Qui était là, et qu’ont-ils entendu ? 

Que pensez-vous du fait qu’il n’y a aucune preuve que Kogan ait explicitement affirmé avoir pratiqué une intervention pénienne sur 50 Cent ? La plainte note qu’il ne s’agit que d’insinuations, et qu’elles proviennent d’un article de The Shade Room, aujourd’hui supprimé, et de la photo de 50 Cent qu’ils ont publiée en illustration. 
Ce lien peut avoir été fait par l’auteur de l’article de The Shade Room, et non par elle, et ça peut amener [The Shade Room] à être impliqué. [Les avocats de 50 Cent] pourraient appeler le journaliste. Et ils pourraient même essayer d’obtenir la transcription, s’il y en a une, de l’interview de Kogan. Le journaliste pourrait témoigner en affirmant que Kogan aurait dit certaines choses qui démentent les affirmations actuelles de l’esthéticienne, faisant de la déclaration de Kogan une fausse déclaration.

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Pourquoi 50 Cent ne poursuit-il pas The Shade Room ? Ils ne sont pas assignés dans l’affaire.
Poursuivre des journalistes est plus difficile en raison de la protection offerte par le Premier Amendement. Si vous publiez quelque chose sur quelqu’un comme 50 Cent en sachant pertinemment que ce n’est pas vrai, ou avec un mépris imprudent pour ce qui est vrai ou non, alors votre protection liée au premier amendement peut s’évaporer. Cependant, je ne pense pas que ça puisse se passer comme ça, parce qu’ils se sont adressés à une source tierce. Dans ce cas, il est plus difficile de poursuivre les journalistes. Mais aussi, et c’est important, [les avocats de 50 Cent] peuvent toujours ajouter des parties plus tard. Ce n’est pas parce qu’ils n’ont pas poursuivi The Shade Room pour le moment qu’ils ne le feront pas plus tard.

Selon les avocats de 50 Cent, la publication au cœur de ce procès était, secrètement, du contenu sponsorisé non étiqueté. Ils affirment que ce message était « un exercice promotionnel conçu par l’agent artistique et ancien patient de Kogan », qui « a présenté Kogan à des commerciaux de The Shade Room dans le but de promouvoir son activité ». Comment cela peut-il affecter cette affaire ?

Cela renvoie à la responsabilité sur Kogan et permet de sortir du bourbier que représente le fait de s’attaquer aux dires d’un journaliste. S’il s’agit vraiment d’une publicité, d’un article promotionnel pour son business, alors c’est à elle que revient la responsabilité de toute cette histoire.

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The Shade Room a supprimé l’article au centre de ce procès. D’après vous, pour quelles raisons ?
Ils ont peut-être reçu une lettre de cessation et de désistement de la part des avocats de 50 Cent. Et les avocats de The Shade Room ont pu penser que non seulement, ils ne pouvaient pas se permettre de perdre cette affaire contre 50 Cent, mais qu’ils ne pouvaient tout simplement pas se permettre d’engager un procès contre lui. Ils auraient alors pu décider de supprimer cet article.

Si 50 Cent devait gagner ce procès, combien d’argent pourrait être en jeu ? 
Il faudrait parvenir à déterminer quelle somme Kogan a engrangé grâce à toute cette affaire. Ce qui implique de faire une analyse médico-légale des revenus [de sa société] juste avant la première utilisation de cette [photo], et de leurs revenus après cette première utilisation. Ensuite, le juge des faits devra décider quelle part de ces revenus est attribuable à sa prétendue association avec 50 Cent. Ça pourrait être une somme assez coquette. 

Ensuite, il y a le préjudice de réputation, donc une évaluation de ce que [50 Cent] aura perdu en tant qu’artiste. Pour ce faire, il faudra examiner les revenus mensuels qu’il tirait de ses différentes entreprises avant la publication de l’allégation d’amélioration du pénis, puis après. Ce sont des choses difficiles à quantifier. C’est pourquoi [les avocats de 50 Cent] ne le font pas. Ils affirment seulement que [les dommages sont] supérieurs à la limite juridictionnelle, qui est de 75 000 dollars. Et c’est surement le cas. Donc, en supposant que tout se passe bien pour 50 Cent, le montant sera au moins à six chiffres.

Sur base des informations dont vous disposez actuellement, qui, selon vous, pourrait sortir vainqueur de cette affaire ?
Pour l’instant, je pense qu’il y a bien eu une déclaration, qu’elle soit prouvée ou non, selon laquelle on lui a dit qu’elle pouvait utiliser cette image. Parce qu’elle l’a fait pendant plus de deux ans, et il n’a jamais tiqué. Il y a peut-être eu des échanges entre eux deux pendant cette période, où il aurait pu dire, « hey, qu’est-ce que tu fabriques avec cette photo ? Je pensais que c’était juste pour toi. » Mais en l’absence de toute preuve de ce genre de conversation, je suis d’avis qu’il lui a probablement dit qu’il était heureux de prendre cette photo avec elle.  

On pourrait facilement arriver à un accord dans cette affaire. Kogan qui dit qu’elle ne le mentionnera plus jamais dans du contenu traitant de phalloplastie, qu’elle niera publiquement qu’il en a subi une et qu’il est libre de publier cette déclaration, s’il abandonne l’affaire et qu’ils trouvent un accord. Ça arrive tout le temps.

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