Au début du mois de mai, j’ai reçu un mail qui disait, en substance : « Viens à Marseille du 18 au 23 juin, il y aura du skate, des potes et des boissons pétillantes d’origine mexicaine. » J’ai un peu hésité à laisser en plan mon travail puis j’ai considéré mon ventre flasque et mon visage pâle : « D’accord, j’arrive dès que possible. » J’ai embarqué une photographe, attrapé un sac dans lequel j’avais fourré un short, un tee-shirt propre, une paire de tongs et – je partais de Paris – un gilet en laine.
Les Parisiens adorent détester Marseille pour un tas de raison mais si on évite soigneusement de parler de foot (ce que je parviens à faire sans problème depuis une vingtaine d’années), les Marseillais, eux, ne critiquent jamais la capitale. En fait, ils n’en parlent même pas : quand on vit dans une ville bordée par la mer où les filles sont en tenue légère huit mois sur douze, la chaleur assommante et les boissons anisées achèvent de vous convaincre que râler est une perte de temps considérable. Du temps qui pourrait être consacré à jeter des boules en acier sur le sable, ne rien faire du tout ou, dans le cas qui m’intéressait, à skater.
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La sixième édition de la Sosh Freestyle Cup regroupait des compétitions de plusieurs sports réunis sous l’étiquette de la glisse, mais si j’avais fait le déplacement, c’était, comme la plupart des personnes présentes, pour l’étape de Coupe du monde de skate qui avait lieu sur le skatepark du Prado, que tout bon joueur de Tony Hawk’s Pro Skater 2 connaît presque par cœur.
Après quelques heures de marche le long de la corniche Kennedy, on est arrivés au bowl où Thomas, speaker de l’événement et membre de BSM, une association qui regroupe les skaters locaux, vannait les sportifs nonchalants qui trickotaient en chemises à fleur. À côté des machines à contests comme Greyson Fletcher, certains n’étaient pas venus pour gagner et posaient le problème de la façon suivante : « Si je skate bien aujourd’hui, je vais me qualifier et je vais devoir reskater demain. Je ne suis pas venu pour ça, je suis venu voir mes potes. » Au fil des jours, seuls les plus motivés (dont les locaux Julien Benoliel et Guillaume Mocquin) ont décroché l’une des onze places de la finale, et une chance de remporter les 3000 euros de prize money.
Le contest terminé, on est retournés à notre hôtel, les genoux brûlés par le soleil mais heureux. Dans notre dos, les dernières lueurs du jour baignaient la baie et leurs reflets se perdaient derrière la grande roue qui domine la plage Borély. On s’est arrêtés pour faire une photo quand un gros barbu en marcel et à l’accent local s’est arrêté : « Ha, les vrais, ils savent reconnaître les belles choses, hein ? »