Lorsqu’elle a pris conscience de l’absence de personnes de couleur dans la littérature pour enfants de sa jeunesse, la graphiste Danielle Murrell Cox a créé le livre à colorier Black Queens. Après la publication d’une photo du premier tirage de l’œuvre sur Twitter, l’artiste a été contactée par plusieurs médias internationaux afin d’exposer la particularité de son livre, par lequel elle mettait de l’avant le problème de la représentativité. Au départ, Black Queens n’était pas créé dans un but militant, mais l’auteure s’estime chanceuse de pouvoir véhiculer un message qui lui tient à cœur grâce à ses dessins. Travailleuse autonome, Danielle Murrell Cox compte maintenant lancer une suite à ce projet qui a beaucoup fait jaser : Black Kings, un autre livre à colorier représentant cette fois la gent masculine.
VICE : Comment a débuté ce projet?
Danielle Murrell Cox : Au départ, je voulais me créer un avatar, un dessin pour me représenter. Comme je n’étais pas fan des bitmojis, je me suis dit que j’en créerais un par moi-même. J’ai donc entrepris de créer un personnage avec des pompoms, qui est ma coiffure caractéristique. Après l’avoir publié sur internet, j’ai eu de très bons commentaires et je me suis dit que je pourrais continuer à créer des avatars du même style.
Videos by VICE
À la base, c’était donc plutôt un projet amusant que je partageais sur Instagram. Je continuais toujours à recevoir des commentaires positifs et je me suis demandé comment je pourrais rejoindre les gens davantage. Je me suis dit que ce serait génial si les gens pouvaient les tenir entre leurs mains, j’ai donc commencé à penser à des affiches, des autocollants, puis pourquoi pas un livre à colorier? Enfant, je ne voyais pas de femmes qui me ressemblaient dans les livres à colorier.
Comment est-ce que l’absence de représentation de femmes noires dans la littérature ou à la télévision, par exemple, t’a affectée pendant ton enfance?
Je crois que ça m’affectait étant plus jeune, mais que je ne m’en rendais pas vraiment compte. Je me rappelle que je voulais certains types de coiffures ou certains attraits physiques auxquels j’étais exposée régulièrement. Je voulais parfois ressembler à quelqu’un d’autre parce que j’étais malheureuse, mais je me suis rendu compte que ce que j’avais était magnifique et que j’étais belle à ma façon.
Je pense que la représentation est très importante, surtout pour les plus jeunes, parce qu’on est facilement impressionnable. On essaie de comprendre qui on est et comment le monde fonctionne. Avoir des représentations visuelles de gens qui te ressemblent te permet de comprendre que tu n’es pas seul. Lorsque tu es plus jeune, tu as tendance à te définir par ce que tu vois autour de toi, donc voir des gens qui te ressemblent peut certainement aider à t’accepter. Je crois qu’il y a encore beaucoup de travail à faire pour obtenir une meilleure représentation des personnes de couleur dans la littérature pour enfants, malgré un chemin significatif déjà parcouru.
D’où est venue l’attention médiatique donnée à ton projet?
J’ai commencé à produire des images individuelles et je les publiais sur les réseaux sociaux. C’est toutefois quand j’ai publié une image du premier exemplaire, tout droit sorti de chez l’imprimeur, que j’ai commencé à avoir une attention médiatique. J’ai publié une photo sur Twitter de la couverture du livre à colorier et tout est parti de là. Le produit fini a attiré énormément de personnes en comparaison aux dessins individuels puisque c’était devenu un projet d’envergure. J’ai été contactée par plusieurs médias américains, canadiens et même britanniques. Les gens pensent que Twitter est mort, mais non!
Est-ce que tu voyais une vocation militante à ce livre au départ?
Mon but, au départ, n’était pas d’émettre un message militant. Je ne suis pas la meilleure avec les mots, mais avec mes dessins, je peux aisément m’exprimer. Je ne voulais pas transmettre un message qui déplorait l’absence de représentation. Je me suis plutôt dit que la représentation n’était pas là, donc j’allais la créer par moi-même. Je me suis donc exprimée par mes dessins et j’ai réussi à faire entendre ma voix, et peut-être que je pourrai la faire entendre à nouveau.
Quel était le public cible de ton livre lorsque l’idée t’est venue?
Au départ, c’était un projet que je faisais pour moi, donc je représentais des personnages avec des caractéristiques qui m’étaient propres – des piercings, par exemple. Une fois que le projet a pris la forme d’un livre à colorier, j’ai décidé de le rendre plus neutre pour qu’il convienne à tout le monde, peu importe l’âge et les origines. J’ai retiré les perçages. Je voulais donner la possibilité aux familles qui n’approuvent pas les perçages de pouvoir montrer le livre à leurs enfants, que ce soit accessible à tout le monde et que tout le monde puisse s’y reconnaître.
Et quel a été ton impact sur les adultes?
Des adultes, parfois plus vieux que moi, me disaient qu’ils allaient garder le livre pour leurs enfants ou même pour eux! Ils me disaient qu’ils auraient tant aimé se voir représentés eux aussi dans des livres auxquels ils avaient accès plus jeunes. Quand j’ai créé Black Queens, je me suis rendu compte que ce n’était plus seulement à propos de moi. Ça s’est transformé en quelque chose auquel d’autres personnes peuvent s’associer ou même auquel des générations futures pourront s’associer.
Danielle Murrell Cox compte faire paraître l’équivalent masculin de Black Queens, qu’elle intitulera Black Kings.