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sexe

10 questions que vous avez toujours voulu poser à une sexologue

Marine a 26 ans et passe sa journée à discuter avec des quinquagénaires esseulés qui souhaitent comprendre pourquoi ils aiment porter une boule dans la bouche.
Paul Douard
Paris, FR
Illustration : François Dettwiller pour VICE

Tout le monde a des problèmes sexuels. Vous, moi, votre patron. Vous vous êtes tous déjà retrouvé dans une situation aussi humiliante qu'inexplicable. Dans ces cas-là, vous adoptez la plus vieille méthode de l'humanité face à un problème gênant : vous décidez de ne plus jamais en parler.

Il est certain que vous préférez parler de cette fois où vous avez fait l'amour 17 fois de suite, contrairement à celle où un « Ça y est, t'es entré ? » a brisé votre couple et vos espoirs de sédentarisation. Pour comprendre ce qu'il vous arrive, vous traînez alors sur des forums « spécialisés » où tout le monde semble soit sur le point de décéder, soit sur le point de commettre un crime. Vous ne le savez peut-être pas, mais il y a des personnes formées pour en discuter avec vous : les sexologues. On en compte seulement 800 en France, la demande est pourtant très forte. Pour vous décoincer un peu sur cette profession et vous montrer comment elle peut vous aider, j'ai posé dix questions à une jeune sexologue française de 26 ans.

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VICE : Bonjour Marine*. Quand as-tu décidé de devenir sexologue ?
Marine : J'ai toujours été fascinée par la sexualité. J'ai grandi à une époque où le porno était moins accessible, et en trouver consistait à subtiliser des cassettes vidéo aux parents ou à réussir à acheter les revues chez le marchand de journaux en se faisant passer pour plus vieux. Donc à l'adolescence, quand nos insatiables hormones réclament du matériel masturbatoire, j'ai été confrontée à diverses pratiques que je n'avais pas forcément choisies, simplement parce qu'elles étaient présentes dans le film ou le bouquin. Et ça m'a passionnée tout de suite. Très jeune, j'ai développé une curiosité terrible pour l'infinie variété de ce qui excite l'être humain. Je parle de la théorie, après comme tout le monde, les pratiques me tentent ou non. Mais ça n'a pas d'importance, j'aime savoir qu'un fantasme existe, essayer de comprendre comment, pourquoi, s'il est une pratique sexuelle pour certains, si c'est répandu, si c'est culturel, historique, si à l'inverse certaines communautés le condamnent, etc. Et cette passion ne m'ayant jamais quittée, j'ai pris la décision de me spécialiser en sexologie pendant mon cursus de psycho. Plus j'en découvrais, plus j'avais envie d'en découvrir – et c'est toujours vrai aujourd'hui.

Être sexologue à 26 ans peut-il surprendre des patients ?
Oui, absolument. C'est un peu dommage, mais parfaitement compréhensible. Il va s'agir en général de patients qui font la démarche mais avec une certaine réserve défensive, et mon physique leur fournit une « excuse » toute trouvée. Mais gérer les défenses des patients fait partie du boulot de toute façon, et je pense qu'en passant derrière mon bureau, la plupart sentent que j'y ai toute ma légitimité.

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En sexologie, il n'y a pas de question bête ou de mauvais raisonnement – la vision de la sexualité est propre à chacun et dépend de tellement de choses qu'elle ne peut pas être jugée, surtout par un professionnel

Est-ce que tu analyses ton copain sans qu'il le sache ?
Vous réalisez qu'il va lire ce papier ? C'est la crainte d'un peu tout le monde quand on croise un « psy » et nous avons souvent la question un peu inquiète : « Mais alors, tu vas m'analyser ? ». Alors non, pour lui comme pour les autres, je ne m'amuse pas à décortiquer chaque respiration.

Après, il est évident qu'il n'y a pas de mode ON/OFF et peut-être faisons-nous plus naturellement des liens entre les propos et comportements d'autrui. Mais il n'y a pas forcément quelque chose à en faire, je me contente souvent de me faire la réflexion et de l'oublier aussitôt. J'espère que cela me sert seulement à le comprendre davantage, de temps en temps.

Être sexologue, est-ce un avantage dans ton couple pour que tout roule ?
Je pense que oui, comme pour tout thérapeute, dans le sens où quand quelque chose ne va pas j'essaie de visualiser le contexte avant de le prendre personnellement. Et je sais combien il est indispensable de discuter la tête froide, même quand tout va bien. En résumé, j'ai la sale manie de poser sincèrement une question à peu près dès qu'elle m'apparaît et j'ai aussi la chance d'avoir un compagnon qui répond simplement même quand elle sort un peu de nulle part. Donc les différends ou inquiétudes qui surgissent ne s'installent pas. Et je suis intransigeante sur le fait que nous soyons sexuellement épanouis et épanouissants. J'espère que c'est l'avantage.

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Est-ce qu'écouter des gens parler de sexe toute la journée peut rendre dingue ?
Vous, peut-être ! Pour moi, c'est un métier-passion et je l'adore. Comme raconté plus haut, je trouve qu'il y a une telle variété dans la sexualité qu'on ne peut pas s'ennuyer. Avec certains patients, on revient aux bases (biologie etc.), avec d'autres, c'est beaucoup d'introspection très élaborée. Tout le monde se présente avec une problématique sexuelle mais parfois (souvent), ce n'est pas le cœur de ce qui les ennuie. Qu'il soit important dans votre vie ou pas du tout peu importe, le sexe a une dimension solaire au quotidien, il impacte et est impacté par tout le reste.

Que pense ton copain de ton métier ?
Je n'en avais pas la moindre idée. Je lui ai posé la question, et, je cite : « C'est utile donc c'est bien. » Voilà.

Est-ce que des gens pensent que, parce que tu es sexologue, tu es nécessairement nymphomane ou un truc comme ça ?
Eh bien, personne n'avait jamais osé me le dire ! Je n'en ai peut-être pas idée, du coup. Mais il m'est souvent arrivé en rencontrant quelqu'un de constater un petit rire un peu crispé à l'annonce. Pendant mon célibat, certains de mes potentiels partenaires ont effectivement perdu de leur superbe en discutant boulot. C'est bien, ça calme. Plus sérieusement c'est une drôle d'idée, un médecin n'a pas besoin de s'être démis l'épaule pour savoir la remettre. Il n'y a pas forcément de lien entre la pratique pro et la vie perso.

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Quelle est la plus grosse absurdité que tu aies entendue au cours de ta carrière ?
Il n'y a pas de question bête ou de mauvais raisonnement, la vision de la sexualité est propre à chacun et dépend de tellement de choses (éducation, croyances, épreuves de vie diverses etc.) qu'elle ne peut pas être jugée, surtout par un professionnel. Je dirais que les propos absurdes à mes yeux sont ceux qui dénigrent les spécificités du corps. Considérer que quelqu'un n'a plus de libido pour se masturber seul(e) une fois en couple ou qu'une femme qui n'a pas d'hymen n'est forcément plus vierge, par exemple. Vous pouvez avoir ensuite des convictions sur le sujet, ce n'est vraiment pas le propos. C'en est même d'autant plus important pour pouvoir les respecter de connaître un peu les réalités physiologiques de la sexualité, et éviterait à mon sens bien des souffrances inutiles. Pour exemple, nombre de femmes se sentent trahies en découvrant une activité masturbatoire solitaire par leur compagnon. Apprendre que ça peut être parfaitement normal et que cela n'a rien à voir avec de la frustration ou un manque de désir pour elles les apaise généralement.

Que fais-tu si tu croises un patient dans la rue ?
Cela dépend de son attitude, je le salue discrètement (sourire, signe de tête) si je le sens et l'ignore simplement s'il en fait de même. Le cadre thérapeutique est un peu particulier, on sait fort peu de choses personnelles sur son thérapeute et en général, tous les patients sentent instinctivement que c'est important. L'idée qu'il existe en dehors de son bureau n'est confortable que si elle reste vague. Il doit y avoir des exceptions, mais je n'y ai jamais été confrontée.

Qui sont tes principaux patients ?
C'est très diversifié, couple ou non, mais particulièrement en ce moment j'ai une patientèle très masculine. Une majorité d'hommes seuls, célibataires ou pas, arrivés à une période charnière (trentaine, quarantaine) et décidant de faire un bilan ou de s'occuper d'une frustration présente depuis longtemps. Les questionnements sont variés mais concernent la plupart du temps la performance et la vie affective. L'éjaculation précoce (ou jugée précoce) est une problématique courante. Certains patients (de tout sexe) s'inquiètent de fantasmes qu'ils développent ou qui ne les ont jamais quittés. Enfin, le célibat si frustrant ou incompris est aussi souvent mis sur le compte de mauvaises aptitudes sexuelles en désespoir de cause, il faut alors détricoter le tout.

Merci Marine* !

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*Le nom a été modifié pour préserver son anonymat et celui de ses patients.