« J’ai entendu dire que le service du midi était celui avec le plus de move », lâche le pasteur Bredan White, plutôt beau gosse et très propre sur lui. Nous sommes dans le quartier de la gare Montparnasse, à Bobino plus précisément, la mythique salle parisienne, un dimanche midi (donc), dans une ambiance survoltée. Écrans géants, foule en délire et – déjà – quelques relents de transpiration… On se croirait à un show de Justin Timberlake ou Beyoncé. Pourtant, nous sommes à un culte religieux.
Et pas n’importe laquelle. Celle de la mégachurch pentecôtiste australienne Hillsong. Fondée par le pasteur Brian Houston et sa femme Bobbie en août 1983, l’église connaît depuis quelques années un incroyable retour de hype. Les stars s’y pressent – Justin Bieber, Kendell Jenner ou Jay-Z en sont de fervents adeptes – et la jeunesse du monde entier leur emboite le pas. L’église est aujourd’hui présente dans 17 pays, de Londres, en passant par Porto ou Tel-Aviv. Et Paris. Où chaque semaine, 2 500 à 3 000 fidèles participent au culte dominical façon Hillsong. La clé du succès ? Les tubes planétaires produits par Hillsong, célébrant l’amour de Jésus Christ sur fond de pop music. Depuis le milieu des années 1980, l’église a produit 63 albums et son tout dernier morceau, New Wine – qui évoque le sang du Christ – comptabilise 800 000 vues depuis sa mise en ligne sur Youtube, le 5 avril dernier.
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« La musique, c’est réel et direct. Ca accéllère notre intimité avec dieu » – Samuel Simene, 23 ans.
À Bobino aussi, on connaît par cœur les paroles des pop louanges de Hillsong. Il faut dire qu’elles peinent à se renouveler : « Je chanterai même dans les ténèbres/ Je Te louerai même dans la crainte /Je chanterai là dans Ta présence… », chante à tue-tête le public sur un improbable mix de pop, de rock et de gospel. Dans la foule, on croise Samuel Simene, 23 ans, grosse casquette rouge. Tout jeune, il fredonnait déjà les morceaux d’Hillsong dans la voiture familiale qui l’emmenait à l’école, à Kinshasa, au Congo. « Ce sont les tubes qui m’ont fait connaître l’Église. La musique, c’est réel et direct. Ça accélère notre intimité avec dieu », raconte le jeune homme qui, à son arrivée à Paris, a renoué avec les chansons de son enfance.
À l’image de Samuel, la majorité des fidèles n’a pas trente ans et semble tout droit sorti d’un concert de hip-hop, voir d’un bar de hipster du canal du Saint-Martin. Ils ont le swag, portent des jeans slim, des perfectos, des casquettes US et des chemises en jean cintrées. Car au sein de cette église bien particulière, l’apparence a beaucoup d’importance. Et la coquetterie, loin d’être un péché et une façon de rendre grâce à Dieu. « Lors d’Hillsong Colour, le grand congrès annuel pour les femmes, j’ai entendu qu’elles se devaient d’être toujours bien apprêtées, de porter des vêtements et un maquillage soignés afin de constituer un objet d’inspiration pour les autres, explique Marion Maddox, professeure à Macquarie University, à Sydney, qui a enquêté sur Hillsong. La logique est simple : c’est grâce à Jésus que je suis belle ».
Elégants, les disciples français d’Hillsong sont aussi chaleureux, sympathiques, accueillants, toujours cools et – détail un peu flippant – ne peuvent s’arrêter de sourire. Après le culte, sur le parvis de Bobino, on prend un grand bain de chaleur humaine. Ça se balance des « What’s up ? », « Ça va ? », « God bless you » à tout va. Hillsong est si cool que l’on se refile le plan entre potes. « J’ai connu Hillsong grâce à une amie qui l’avait connue par une amie », explique Sandy Haraz, 20 ans, en première année de médecine. Il y a six ans, cette grande brune de Saint-Denis s’ennuyait, aux côtés de ses parents, dans une église évangélique égyptienne à Marcadet-Poissonniers, dans le XVIIIe. « Personne de mon âge ! », peste-t-elle avant d’ajouter : « Quand, ado, j’ai rejoint Hillsong, on se retrouvait en groupe après le culte pour se poser au soleil, faire des tournois de foot ou papoter. Autre ambiance ! » Une heure trente de cantiques pop-rok ne semble pas suffire aux fidèles qui retrouvent leurs potes de l’église durant la semaine pour faire des activités : manger, prier, réfléchir à comment être plus chrétien au quotidien, organiser un weekend de conférences à 45 euros en prévente sur Weezent pour les 14-25 ans avec un teaser stylé en orange fluo et noir et comme slogan « Rien d’autre que Lui ».
« Parfois, on se dit que c’est mieux de ne pas embrasser de filles » – Rodrigue Vundilu, 21 ans.
Lui, c’est Jésus-Christ – et l’amour que lui portent les adeptes d’Hillsong est célébré sur tous les tons. Un message franchement cucul – « J’aime le printemps, j’aime mon job, j’aime mon Eglise », scandait le pasteur cet après-midi-là – mais qui a le mérite d’être plus consensuel que les thèmes de l’IVG ou de l’homosexualité. Car ces dernières années, Hillsong s’est plutôt illustré pour son caractère hautement réac. En 2015, le leader de la chorale de l’antenne de Hillsong à New York, Josh Canfield, a été écarté après avoir révélé son homosexualité. En France aussi, le fond de l’air est bien tradi : « Parfois, lors de services, on se dit que c’est mieux de ne pas embrasser de filles », raconte Rodrigue Vundilu, 21 ans. Même si très vite, il nuance : « Mais si ta foi en Dieu est grande et que tu sais que tu ne vas pas aller au-delà d’un bisou, ça va ».
Hillsong France, membre de la Fédération protestante de France (FPF) se développe tranquillement. Après Paris, elle s’est implantée à Marseille, Lyon et Massy. Et compte ouvrir de nouvelles églises dans d’autres banlieues de la région parisienne.