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travailleurs du sexe

Les prostituées : premières victimes de la loi sur la pénalisation des clients

« Je n’aurais jamais cru que j’allais devoir sucer sans préservatif pour 5 ou 10€. »
Pierre Longeray
Paris, FR
Photo : Rémy Gabalda / AFP

Deux ans après l’application de la loi sur la pénalisation des clients de prostituées, un rapport élaboré par Médecins du Monde dénonce ses conséquences « accablantes et préoccupantes » sur la vie des travailleuses et travailleurs du sexe (TDS). La loi du 13 avril 2016, censée « inverser la charge pénale » - et donc mieux protéger les prostitués - a eu l’effet inverse : 63 % des sondés affirment que leurs conditions de travail se sont détériorées depuis son application.

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D’abord, le nombre de clients a baissé. Une bonne nouvelle ? Pas forcément car le résultat, c’est aussi 78 % travailleurs du sexe ont vu leurs revenus baisser. « Les clients ont disparu, donc on chôme, on passe des heures à attendre pour rien. Avant on faisait deux, trois clients par jour, maintenant on fait deux, trois clients par semaine. Imaginez-vous la différence », explique Camilia, une jeune femme brésilienne.

Une chute de la demande qui place les prostituées en position de faiblesse par rapport aux clients. Puisque ce sont eux qui prennent le « risque » de payer une amende de 1 500 euros, certains en profiteraient pour demander des rabais ou des prestations particulières. « Beaucoup de collègues ont gardé les mêmes tarifs qu’avant, mais ont augmenté ce qu’elles faisaient. Elles acceptent la sodomie désormais, ou le fétichisme des pieds… », indique Julie, une jeune française.

« Le pire, c’est quand on me propose 50 € pour une pénétration sans préservatif » - Aurora, travailleuse du sexe

Ne pouvant plus se permettre de sélectionner leurs clients, les « TDS » sont désormais contraints d’accepter des pratiques sexuelles à risques. « Maintenant j’accepte de sucer au prix qu’ils me proposent, » témoigne Aurora, une jeune femme venue d’Argentine. « Je n’aurais jamais cru que j’allais devoir sucer sans préservatif pour 5 ou 10€, en plus avec des hommes sales et exigeants. Le pire, c’est quand on me propose 50€ pour un pénétration sans préservatif et que je dois accepter ». Le rapport indique que 38 % des travailleurs du sexe ont plus de mal à imposer le port de la capote.

Outre la détérioration de leur niveau de vie et de leur santé, les prostituées doivent faire face à une augmentation des violences. 42 % des sondées déclarent être plus exposées aux agressions verbales, physiques et sexuelles. Pourtant, les « TDS » ne portent pas souvent plainte. « Elles pensent que la police va les expulser, ou qu’ils vont leur faire des problèmes… », assure Blessing, une femme nigériane. Alors que la suppression du délit de racolage devait permettre de « protéger les prostituées, plutôt que de les interpeller », selon les termes de la nouvelle loi, les relations entre police et prostitués se sont, elles aussi, détériorées. De nombreux « TDS » disent subir des pressions de la part des forces de l’ordre. S’ils ne peuvent plus les arrêter, ils multiplient les contraventions pour stationnement illégal et les contrôles d’identité à répétition – décidément un véritable sport national chez les policiers français.