Drogue

Ce qu’il se passe quand vous prenez trop de LSD d’un coup

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Un trip au LSD est déjà une expérience assez terrifiante en soi. Une minute semble être une éternité, tandis qu’une heure passe en un clin d’œil. La réalité se déforme en un méli-mélo coloré de motifs en mouvement et votre corps semble se fondre avec le reste du monde. Une pareille expérience peut devenir vraiment angoissante. Mais imaginez que vous n’aviez même pas l’intention de triper comme ça.

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C’est exactement ce qui est arrivé à Zies lors d’une soirée chez des amis à Amsterdam. Il se retrouve par miracle avec une bouteille de LSD liquide entre les mains, en prend une goutte et joue un peu avec la bouteille dans sa bouche. Là, le goulot se brise et tout le contenu lui coule accidentellement dans la gorge.

La première réaction de Zies a été de penser qu’il allait pouvoir gérer ça. Mais ensuite, il a commencé à compter. Il y avait environ cent gouttes dans la bouteille. Chaque goutte est déjà l’équivalent d’une sacré dose : environ 150 microgrammes. « J’ai soudainement réalisé que j’avais avalé 15 000 microgrammes de LSD, soit une centaine de doses. C’était juste trop. Là, il fallait appeler une ambulance », m’explique-t-il dans un video chat.

Zies est transporté à l’hôpital. Les médecins du service des urgences de l’OLVG à Amsterdam craignent qu’il ait avalé des morceaux de verre, ce qui pourrait mettre sa vie en danger. Pendant ce temps, il tripe déjà tellement qu’on peut à peine lui parler. Les médecins lui administrent un tranquillisant pour essayer d’amortir le pire choc de ce trip monstrueux.

Ce que ça fait d’ingurgiter une telle quantité de LSD, Zies ne peut pas en témoigner. Il ne se souvient de rien à partir du moment où il est arrivé à l’hôpital. La première chose dont il se souvient, c’est six heures plus tard, quand il est de retour à la fête où tout a commencé. Il tripe encore un peu, mais les effets les plus puissants sont derrière lui.

Le fait que Zies ne puisse pas se souvenir des effets de l’énorme dose de LSD n’est peut-être même pas une si mauvaise chose. En tout cas, il ne lui reste aucun souvenir effrayant du style univers en fusion et corps désarticulés. Yvonne de Dordrecht, âgée de 27 ans, a eu moins de chance. Elle a accidentellement pris une double dose de LSD chez un ami.

« La pièce a semblé se dissoudre dans le néant », explique Yvonne à propos de son expérience. Le voyage qui a suivi a été effrayant. Avec l’aide de son trip-sitter, elle a finalement réussi à transformer cette expérience en quelque chose de positif.

Ça faisait seulement un mois qu’elle avait décidé de prendre du LSD, sur un coup de tête. Mais la seule chose que son amie avait à la maison, c’était un bonbon avec une double dose de LSD incorporée au bonbon sous forme de gouttes. « Je pensais garder le bonbon dans ma bouche pendant un certain temps puis le cracher, pour ne pas prendre la dose complète. » Yvonne s’assied sur un pouf sur la terrasse de la maison pour bavarder un peu et perd complètement le fil du temps. « Avant que je ne m’en rende compte, toute la couche de sucre du bonbon avait fondu sur ma langue. »

Il faut environ une demi-heure avant que les premiers effets apparaissent. Dans un premier temps, Yvonne aime ça. En fond sonore, un concert live de Santana à Woodstock. « La musique semblait beaucoup plus prononcée. On rigolait bien et c’était juste super fun. »

Mais l’ambiance change quand elle se dirige vers la salle de bain. Elle éprouve de plus en plus de mal à bouger. À son retour, son trip-sitter ne fait plus beaucoup attention à elle et est occupé à envoyer des textos avec son téléphone. « Je ne me sentais plus sentie prise au sérieux », déclare Yvonne. « Il y avait des vibes de plus en plus négatives .» Des pensées sombres montent en elle. « Je n’ai pas osé admettre que j’étais effrayée, parce que je pensais que si je l’admettais, j’allais faire un bad trip. »

« J’ai perdu le contrôle. J’ai essayé de me concentrer pour terminer de rouler mon joint, mais je ne pouvais plus bouger les mains. C’était effrayant. »

Pour détourner l’attention, elle commence à rouler un joint. En attendant, les effets deviennent de plus en plus féroces. Tout commence à bouger et à un moment donné, la pièce entière semble se dissoudre dans le néant. « Tout ce qui se trouvait autour de moi a commencé à fondre. Il y avait de moins en moins de formes fixes. J’ai perdu le contrôle. J’ai essayé de me concentrer pour terminer de rouler mon joint, mais je ne pouvais plus bouger les mains. C’était effrayant. » Elle a fixé la feuille à rouler pendant environ une heure. Tabac, weed, cart, tout y était. Mais elle n’avait plus aucun contrôle sur son corps.

Entre-temps, des pensées idiotes surgissent les unes après les autres. « J’ai commencé à penser à mes ex-petits amis, à ce qu’ils m’avaient fait », explique-t-elle. « J’ai pleuré des heures pour chaque histoire, en me remémorant les images et chansons du passé, puis le membre de ma famille qui s’était suicidé il y a trois ans. J’ai ressenti une colère intense, un sentiment que je n’avais pas osé exprimer auparavant. »

Yvonne a souffert de ce qu’on appelle communément un « bad trip ». Les effets du LSD se ressentent, elle est confuse, anxieuse et a le sentiment qu’elle ne pourra plus jamais se détacher de cette peine.

Un bad trip peut sembler difficile a gérer. Pourtant, il est relativement facile de remonter le moral des personnes qui en souffrent. « En réalité, il suffit de rassurer les personnes qui tripent trop vite », explique Trudy van Dijken. Trudy travaille comme médecin au service des urgences à Utrecht. Elle dispense également des cours de formation à l’association néerlandaise pour les soins urgents (NVSHA) afin de donner les moyens à ses élèves de venir en aide à ceux qui expérimentent un trip difficile.

« L’environnement joue un rôle important dans la façon dont les gens vivent un trip au LSD », me déclare Van Dijken au téléphone. « Les amortisseurs de sensations disparaissent, et les filtres que vous possédez normalement pour tous les stimuli ne fonctionnent plus. » Les gens deviennent souvent inquiets parce qu’ils ne savent pas ce qu’il se passe. Parfois, ils sont si anxieux qu’ils viennent à l’hôpital ou au poste de secours lors d’une soirée. Bien souvent, physiquement parlant, il n’y a rien à signaler. « Le cœur, les poumons, tout continue à fonctionner normalement », déclare Van Dijken. « En fait, le service des urgences est un très mauvais endroit. Il y a tous ces gens vêtus de blouses de médecin, des machines qui couinent un peu partout et nous on est occupés à faire toutes sortes de vérifications pour nous assurer que tout va bien. » Si les gens qui viennent ici n’étaient pas encore angoissés, c’est le bon endroit pour le devenir.

« Vous ne pouvez pas faire sortir les gens d’un trip, mais vous pouvez leur parler. »

« C’est pourquoi, lors des séances d’entraînement, je dis toujours qu’il faut placer les personnes en bad dans une pièce sombre, de préférence avec une personne avec qui elles se sentent en sécurité, un bon ami ou quelque chose du genre. Vous ne pouvez pas faire sortir les gens d’un trip, mais vous pouvez leur parler. »

C’est exactement ce qu’a fait le trip-sitter d’Yvonne. « Hé, est-ce que ça va? » demande-t-il. « Je ne sais pas, c’est un peu dur », bégaie Yvonne. Il lui met du Dextro Energy et quelques mandarines dans les mains. « Tiens, prends ça, tu te sentiras mieux », dit-il. Yvonne le regarde un peu incrédule, mais essaie quand même. « Je voulais vraiment que ça m’aide, je voulais y croire.» Ils ont mis une musique plus calme et Yvonne s’est sentie à nouveau soutenue par son trip-sitter. Ça lui a permis de se détendre davantage.

Toute la nuit, elle voit des figures et des motifs de couleurs vives bouger rapidement quand elle ferme les yeux. Elle dort mal cette nuit-là, mais à la fin, elle se réveille soulagée.

Bien qu’elle ait été terrifiée pendant son trip, l’expérience a également eu des effets positifs sur elle. « Depuis ce voyage, je suis moins en colère contre certaines choses que je ne peux plus changer », dit-elle. Dans le cadre de son job dans l’horeca, elle gère mieux les situations stressantes. « Parfois, je ne pouvais plus gérer la pression, et je me laissais complètement dépasser. Mais maintenant, je pense plutôt : bon, je suis encore là pour un moment. Je ne suis pas pressée. »

Zies, qui a accidentellement ingurgité toute une bouteille de LSD, a rencontré plus de problèmes suite à son expérience. Depuis l’incident, il souffre de chocs cérébraux : à certains moments, il a l’impression qu’il y a une poussée d’électricité à l’intérieur de son crâne. La nuit, il rêve tellement intensément qu’il est difficile pour lui de vraiment se reposer et pendant la journée, il lui arrive d’oublier de descendre à son arrêt de tram parce qu’il est très concentré sur d’autres petits détails.

Yvonne est beaucoup mieux lotie à cet égard. Après son trip, elle se rendu compte que la pièce dans laquelle elle avait tripé était en fait beaucoup trop encombrée à son goût. « Il y a avait des bibelots et des décos colorées partout. Pour moi, c’était vraiment trop de stimulation. Ça a joué un rôle important dans le fait que je me suis sentie super mal. »

Pendant son trip, elle n’avait rien osé raconter de ce qu’elle avait ressenti. Ce n’est que quand son trip-sitter lui demandait ce qu’il se passait qu’elle disait enfin quelque chose. Mais une fois qu’elle avait parlé et décrit ses sensations, ça lui permettait d’abandonner un peu de négativité. « Pour moi, c’est un bon truc à retenir : peut-être que je devrais exprimer ce que je veux et ce que je ressens plus souvent. »

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Cet article a été initialement publié sur VICE NL.