Une journée en compagnie d’une militante d’Anasse Kazib
Toutes les photos sont de Petra.
Société

Une journée en compagnie d’une militante d’Anasse Kazib

On a filé un appareil jetable à Petra Bernus, 21 ans, pour qu’elle photographie sa course aux parrainages.

Cet article fait partie d’une série dans laquelle nous avons donné un appareil photo à un(e) militant(e) d’un parti politique pendant la campagne présidentielle de 2022. Retrouvez les autres papiers ici.


Les vieux routiers de la politique, ceux qui ont essuyé des tas de promesses sur le cuir d’électeurs avertis, aiment dire qu’une campagne se joue sur le terrain. Petra n’est pas une expérimentée des réunions publiques mais elle sait désormais ce que signifie battre campagne. Depuis l’été, la jeune femme a avalé les kilomètres dans sa voiture d’étudiante. Toulouzette, Saint-Merd-les-Oussines, Ardengost… Petra est allée à la rencontre de bleds qu’elle n’aurait pas soupçonné et relève la trappe à essence de sa citadine aussi souvent qu’elle parle de services publics, d’éducation ou de précarité.  

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Le sens de tous ces tours de compteur ? Aller chercher les parrainages des 500 maires qui détiennent le ticket d’entrée pour la Présidentielle. Son candidat avait annoncé vouloir être de la partie dès juin. Anasse Kazib, cheminot et militant anticapitaliste : Petra le connaît depuis les grèves étudiantes et syndicales de l’été 2018. Le syndiqué était venu passer une tête lors du mouvement lycéen que la jeune femme avait enclenché. Depuis, la jeune femme nourrit un lien aussi affectif qu’idéologique avec celui pour qui elle se bat. 

Mais s’engager pour un candidat qui n’est pas le porte-drapeau d’une grosse écurie de la politique, comme tous les partis que nous avons décrit jusque-là, changent un peu les règles du jeu du militantisme. Quand on lui a passé un coup de téléphone pour lui demander à quoi ressemblait une journée d’une militante de Révolution permanente, elle était à Saint-Denis-lès-Martel, dans le Lot. Le réseau faisait des siennes. Il fallait parfois la faire répéter. Les éléments sont, quelques fois, contre vous dans une campagne.

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VICE : Petra, jusqu’à récemment, tu étais dans ta course aux parrainages ?
Petra :
Je reviens d’un petit bled de moins de 400 habitants, dans le Lot. Le but était de rencontrer le Maire pour essayer de lui présenter nos arguments pour obtenir son parrainage.

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Concrètement, comment se déroulait ce tour de France des parrainages ?  
On était une poignée d’étudiants par département. On s’organisait sur nos périodes de vacances, durant les week-end et nos jours de repos. On était sur les routes depuis juillet et on sillonnait la France avec nos bagnoles usées… C’est difficile, car c’est la première fois qu’on fait ça, on est peu nombreux, on a peu d’argent.

Comment expliques-tu votre incapacité à obtenir les 500 parrainages ? 
Cette campagne a été pleine d’obstacles. Dès le départ, on a eu extrêmement de mal à ouvrir un compte de campagne à la banque. L’extrême droite nous a intimidé tout au long du processus. Mais surtout, on a fait face à des verrous démocratiques importants. J’ai été frappée par l’ampleur des pressions orchestrées contre les élus. Un des maires qui nous soutenait s’est même fait agressé. 

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Qu’est-ce que représentaient ces parrainages pour un « petit parti » comme le tien ? 
Déjà, figurer dans cette élection est une manière de rembourser les frais que nous avons chacun engagés. On s’appuie sur les dons pour payer les pleins d’essence, financer les réparations sur la voiture. Mais, nos moyens sont incomparables à beaucoup de partis. Si on fait le tour des mairies, c’est qu’on veut montrer que notre candidat porte une parole qui mérite d’être entendue durant cette campagne.

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« Non, je ne crois pas à l’union. Yannick Jadot a manifesté aux côtés d’Eric Zemmour, cet été, pour réclamer plus de moyens pour la police. Ce à quoi je m’oppose »

C’est l’un des arguments que tu mettais en avant auprès des maires pour les convaincre ? 
Oui, on veut prouver que c’est utile de nous donner un droit à la parole pour faire vivre la démocratie. On considère que notre candidat se bat pour un segment de la population qui a le droit d’être écouté. Anasse Kazib représente la dernière génération ouvrière. Celle qui s’est politisée lors des mobilisations sociales de ces cinq dernières années. Il incarne un nouveau visage de l’extrême-gauche : celui d’un travailleur, racisé, issu de l’immigration.

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Tu t’es toujours intéressée à la politique ?
Je viens d’une famille de gauche intello qui était très contente au moment de la victoire de François Hollande en 2012. Mais lors de la loi Travail en 2016 portée par Myriam El Khomri, j'ai rompu avec cet héritage. Je me suis dit : « C’est donc ça la gauche institutionnelle qui précarise les plus vulnérables ? » Et je suis entrée dans plusieurs mobilisations sociales. 

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Tu t’es tout de suite engagée dans un parti ?
J’ai commencé à m’engager lorsque j’étais au lycée. Je faisais partie de la première génération issue de Parcoursup. J’étais inquiète pour mon admission post-bac. En même temps, se tenait la grève des cheminots contre la réforme de la SNCF. Mon père vivait à la campagne. Pour le voir, je devais prendre une petite ligne de TER. La ligne était peu fréquentée, mais elle était utile pour beaucoup de personnes comme moi. Je ne voyais pas l’intérêt de la politique de rationalisation du service public engagée par Emmanuel Macron. J’ai donc rejoint les piquets de grève. Anasse Kazib, nous avait alors fait le plaisir de venir lors d’une réunion entre lycéens pour montrer comment nos mouvements se rejoignaient. À ce moment là, j’ai eu envie d’adhérer à Révolution permanente.

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Qu’est-ce que tu y faisais à ton arrivée ? 
Des choses assez comparables à aujourd’hui. Coller des affiches sur les campus des fac, aux abords des entreprises ou tracter sur les marchés. Organiser aussi des réunions publiques pour discuter de problématiques qui traversent la vie des gens. J’écris aussi des articles sur l’actualité des luttes sociales. Toutes ces activités participent à mieux faire connaitre Anasse Kazib. C’est l’une de nos barrières. On a peu accès aux plateaux télévisés. Donc on essaye de mettre sur pied des contenus pour faire connaitre notre candidat.

Qu’est-ce que ça fait d’assister à une élection pour laquelle tu as milité mais dans laquelle ton candidat ne peut pas concourir ?
Franchement, on est tournés vers l’après. Nous sommes tout de même fiers d’avoir obtenu 160 parrainages officiels. Face aux difficultés, on s’attendait à ne pas figurer au premier tour … On savait qu’il était difficile de présenter un candidat ouvrier et issu de l’immigration. Désormais, on se prépare à la riposte, la présidentielle a été une tribune. L’engagement continue. 

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Dernière question, toi, jeune militante de gauche, tu y crois à l’union ?
Non, je ne crois pas à l’union. Yannick Jadot a manifesté aux côtés d’Eric Zemmour, cet été, pour réclamer plus de moyens pour la police. Ce à quoi je m’oppose. Fabien Roussel (président du Parti communiste français, ndlr) parle du camembert, du saucisson et du vin, comme si c’était la préoccupation des classes populaires aujourd’hui. Pour moi, la gauche s’enfonce dans des débats hors-sol et passe à côté des questions fondamentales du pouvoir d’achat ou de l’écologie. Alors, comment y croire ? 

Cet article fait partie d’une série dans laquelle nous avons donné un appareil photo à un(e) militant(e) d’un parti politique pendant la campagne présidentielle de 2022. Retrouvez les autres papiers ici.

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