« À la journée j’te jure tu prends 500 euros par tête, à partager avec Abdel. 1 000 euros c’est le minimum qu’on fait par fille, c’est l’objectif. Y’a tout qui se paie, les doigts de pied, la bouche, les 50 euros, y’a un tas de trucs » – Smayi
L’un écrit : « Je viens de sortir de mon rdv avec Sonia et franchement je suis pas déçu elle vaut largement le coup. Prise de rdv simple une fois arrivée bonnes discutions. Petit gabarit mais cela me convient amplement. Bien maquillée, toujours le sourire. Le reste je le garde pour moi. Ton rdv de 14h30, le jeune homme qui a fait 45 min de route pour toi. »Un autre s’enflamme : « Un moment hors du commun et hors du temps. Beaucoup de douceur et de sincérité (les photos ne mentent pas). Lieu accueillant, Sonia est joviale, souriante et avenante. Sa prestation ? Exceptionnelle ! Je garderai un souvenir impérissable de cette première rencontre… Car il y en aura d’autres c’est certain.Un dernier assène : « C’est la troisième fois que je vois Sonia, très très belle, une pro malgré son jeune âge, et quelle fellatrice !! Elle a un cul d’enfer et encaisse très bien !! Ne change rien, à très bientôt, bisous. » Au milieu d'une kyrielle d'avis élogieux façon Tripadvisor émergent deux réserves. Un premier commentaire regrettant qu’Alicia termine sa journée à 16 h et un second revenant avec stupeur sur la découverte du bracelet attaché à la cheville de la jeune femme. Le 26 juillet, pour sa première comparution devant un tribunal, Alicia a été condamnée par le tribunal de Meaux à une année de détention à domicile sous surveillance électronique pour proxénétisme aggravé par pluralité de victimes. Avec la complicité de deux hommes déjà, Alicia s'était prostituée pendant des semaines dans plusieurs départements de la région parisienne aux côtés de cinq autres femmes, deux mineures en errance et trois Vénézuéliennes dont elle gérait la comptabilité. Confrontée aux déclarations accusatrices de l’une d’entre-elles et à la découverte d'un « carnet de compte très parlant », Alicia avait contesté les faits. « Je me prostitue et je suis la seule à le faire. C'est un choix, je l'assume. Cela gagne plus qu'autre chose » avait-t-elle déclaré au cours du procès, suivi par le Parisien. Une assurance de nouveau à l'œuvre quelques mois plus tard, comme le montre cet échange en garde à vue :« Je me prostitue et je suis la seule à le faire. C'est un choix, je l'assume. Cela gagne plus qu'autre chose » – Alicia
Dans le cadre de sa détention à domicile, les juges avaient autorisé Alicia à retourner vivre chez sa mère, à 15 minutes au sud de Nantes. Une semaine après sa condamnation, elle incitait donc ses copains Abdel et Smayi, alors incarcéré à Fleury-Merogis, à la rejoindre en Loire-Atlantique pour lancer leur business. Pendant trois mois elle a mené une double vie, joueuse de petits chevaux en fin d’après-midi avec ses petits frères et travailleuse du sexe jusqu’à 16 h, l’heure à laquelle il fallait rentrer fissa chez maman pour éviter la sonnerie du bracelet. Chaque matin, quand Abdel venait la récupérer, Alicia racontait qu'elle allait faire des massages chez une copine. « Je lui ai fait confiance d'autant que sa formatrice m'avait fait des compliments sur ma fille, pour nous elle prenait un tournant dans sa vie, un nouveau départ » dira en audition sa mère, qui a élevé seule sa fille entre ses 18 mois et ses 13 ans, moment charnière de l’existence d’Alicia où celle-ci demande à aller vivre dans l’Essonne chez son père.- Vous me paraissez particulièrement calme pour quelqu'un qui est accusé de proxénétisme aggravé, qu'en pensez-vous ?
- Parce que je n'ai rien à me reprocher, qu'est-ce que vous voulez que je vous dise ?
- Commencez par arrêter de mentir.
- Je n'ai pas peur de retourner où j'étais.
- Et vous pensez que c'est la solution ?
- Oui parce qu'au moins je ne ferai plus de peine à ma mère, je préférerais faire ma peine que voir ma mère pleurer comme ça.
- Et il n'y a pas une solution intermédiaire ?
- Non.
De ce qui ressort de l’enquête, ce serait lui qui aurait présenté les prostituées Vénézuéliennes à sa fille.Des éléments de compréhension importants passés à la trappe lors d’une audience par moments empreinte de moralisme, le procureur éprouvant « quelque satisfaction » à livrer les identités de plusieurs clients. Dans une brillante plaidoirie, l’avocat d’Alicia Benoît Poquet a ramené les débats vers la marchandisation des corps, l’intériorisation des codes de la pornographie, le consumérisme exacerbé et les fragilités de sa cliente, « une victime que le législateur doit protéger. » Rappelant que « l’indignation morale n’avait jamais rien résolue », Me Poquet a ensuite pointé l’hypocrisie de ce type de procès faisant l’impasse sur les vrais proxénètes, au premier rang desquels les fournisseurs d’accès et les hébergeurs des sites permettant aux prostitués de se créer un profil pour le prix d’une passe. L’avocat a surtout demandé au tribunal de prononcer une relaxe. Proposer des duos avec d’autres filles, comme l’aurait fait Alicia selon les déclarations des clients, était selon lui insuffisant pour caractériser l’infraction de proxénétisme. « La nymphomanie et l’érotomanie sont peut-être condamnables d’un point de vue éthique mais elles ne le sont pas d’un point de vue juridique » a insisté Me Poquet.Estimant que son « rôle n’était pas celui d’une simple jeune femme parmi d’autres », le tribunal a finalement condamné Alicia à quatorze mois de détention, une peine inférieure aux deux années de détention requises. Smayi a écopé d’une année de détention plus six mois de sursis probatoire et Abdel de neuf mois de détention plus neuf mois de sursis probatoire. À leur sortie de prison, tous deux auront l’obligation de suivre des soins et de justifier d’un travail pendant deux ans. Alors que les trois prévenus tendaient leurs mains pour les menottes, la mère d’Alicia s’est approchée du box en cherchant du regard sa fille, sans succès. Aucune escorte ne s’était constituée partie civile. Mia Marocaine avait cependant fait le déplacement au tribunal pour signifier qu’elle n’était « pas une victime. » Concernant le sort de sa cliente, Benoît Poquet ne cachait pas son amertume : « Elle n’avait pas compris la première fois et je ne suis pas sûr qu’elle ait compris cette fois-ci » déplorait-il en sortant du palais. Alicia encourrait 20 ans de prison au titre de la récidive. *Les prénoms ont été modifiés.VICE France est sur Twitter, Instagram, Facebook et sur Flipboard.
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