En 1336, une loi papale édictée par Benoît XII réforme les ordres bénédictins et cisterciens. Pour les moines de l’abbaye de Muchelney dans le Somerset, cela ne change pas le rythme des offices mais le menu des pitances. Le nouveau décret autorise la consommation de viande de quadrupèdes deux fois par semaine plutôt qu’une. Ce changement de diète – probablement accueilli par quelques patenôtres chez les religieux – se révèle être un cadeau empoisonné. La bidoche, qui s’ajoute à un régime déséquilibré et déjà riche en calories, ne cause que constipation, flatulences ou diarrhées, note l’historien Michael Carter qui conclut : « Les moines sont devenus des esclaves de leurs intestins. Ils développent de graves problèmes de santé à cause des effets de leur alimentation sur la digestion. »
Si les moines de Muchelney se sont rapidement rendu compte des conséquences de leur nouvelle diète – ils ont annoté le bréviaire de l’abbaye et agrandi les latrines – il est toujours aussi étonnant de constater que, sept siècles plus tard, des gens tentent encore de réfuter l’idée qu’une alimentation trop carnée puisse être nocive pour la santé. Pas de chance, elle l’est aussi pour la planète et, selon une étude menée par des chercheurs de l’université de Leeds, c’est en grande partie à cause des mecs. Parce que trop riche en viande, le régime alimentaire des hommes polluerait beaucoup plus que celui des femmes.
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Consultante pour l’OMS, Holly Rippin et ses collègues ont voulu mesurer l’impact de l’alimentation sur le changement climatique en analysant le régime alimentaire de 212 Britanniques. Ces derniers étaient chargés de répertorier leur consommation de bouffe liquide et solide sur trois périodes de 24 heures. Les conclusions de leurs recherches, publiées sur Plos One, une plateforme dédiée aux articles scientifiques, montrent que les produits d’origine animale sont responsables de presque la moitié des émissions de gaz à effet de serre (GES) ; 31 % pour la viande et 14 % pour les produits laitiers. Surtout, le régime alimentaire des hommes serait 41 % plus polluant que celui des femmes en raison d’une consommation de barbaque et de boissons (autre que l’eau) bien supérieure.
Si les raisons de la disparité entre les deux diètes ne sont pas explicitement abordées dans l’étude, elle montre aussi que presque ¼ des rejets de GES sont provoqués par la production d’aliments dits « optionnels » – 15 % pour les boissons comme le café, le thé ou les alcools, 8 % pour les gâteaux, biscuits et autres confiseries. Pour lutter contre ces effets, les chercheurs estiment qu’au-delà de promouvoir la transition vers un régime végétal, il pourrait être judicieux d’encourager de nouvelles habitudes comme limiter la consommation des aliments susmentionnés. Citée par le Guardian, Holly Rippin abonde : « Nous voulons tous jouer notre rôle et aider à sauver la planète. Modifier nos régimes en réduisant notre consommation de viande rouge est une manière de le faire, mais notre travail montre que de nombreux bénéfices peuvent être tirés de changements moins drastiques comme en limitant par exemple sa consommation de boissons et de sucreries »
Autre chiffre avancé, les régimes non végétariens sont 59 % plus pollueurs que les régimes végétariens. Le Guardian rappelle qu’une étude antérieure publiée sur The Lancet tordait le coup à l’idée que ces régimes végétariens ne seraient accessibles financièrement qu’à une infime partie de la population en calculant leur prix 1/3 plus abordables que celui des régimes réguliers. Dans The American Journal of Clinical Nutrition, des scientifiques soulignaient en 2019 que la nourriture ayant un impact moindre sur l’environnement était souvent meilleure pour la santé. Aujourd’hui, on considère la production alimentaire responsable de 30 % des émissions de GES. Dans le rapport Perspectives agricoles 2021-2030, la FAO et l’OCDE rappellent que la consommation de viande dans les pays riches doit être considérablement réduite si l’on veut lutter efficacement contre le changement climatique – l’élevage (surtout bovin) causant déforestation et émission de méthane – alors même que la production agricole continue d’augmenter en réponse à l’accroissement démographique.
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