FYI.

This story is over 5 years old.

Gaming

Je joue à des jeux vidéo ultraviolents – et tout va bien, merci

Pour moi, uriner sur des prêtres, taser des femmes de ménage et rouler à contre-sens sur l'autoroute n'a rien de « cathartique » : c'est fun, voilà tout.
Paul Douard
Paris, FR

La première fois que j'ai eu l'occasion de jouer à un jeu vidéo, c'était à Combat sur l'Atari 2600. Le but était de détruire des dizaines de tanks, sans raison particulière – et comme presque tout être de six ans normalement constitué, j'ai trouvé ça fantastique. Depuis, j'ai tasé des dizaines de femmes de ménage gratuitement, uriné sur des prêtres en pleine cérémonie et tué des milliers de personnes qui ne m'avaient absolument rien demandé. Tout ça sur un bon nombre de consoles différentes et par pur plaisir vidéoludique. Pour autant, je reste quelqu'un de très stable psychologiquement parlant. Je n'ai ni envie d'assassiner mes collègues de bureau, ni besoin de me masturber le soir devant ma glace en écoutant des chants nazis. Tout va bien, vraiment. Je n'ai jamais vraiment saisi le sempiternel débat autour de la violence dans les jeux vidéo. Je sais que lorsqu'un gamin est « différent », tout le monde s'acharne à trouver un facteur déclencheur. Alors si ledit gamin dessine des moines avec des sabres couverts de sang ou qu'il aime écraser des grands-mères dans GTA, on en fait immédiatement un enfant à problème. Mais il faut comprendre que faire ça, c'est juste drôle et sympathique. Il n'y a pas nécessairement de lien avec une volonté barbare, ou une représentation de soi dans un monde sans limites. Oui, c'est cool d'assommer un vieillard avec un godemichet. C'est cool parce que c'est un jeu. Et je préfère le dire tout de suite, il ne s'agit en aucun cas de catharsis, ce qui à mon sens serait excessivement glauque. Je n'ai pas besoin de tabasser quelques vacanciers étendus sur la plage dans un jeu pour éviter de tuer tout le monde dans un cinéma après le boulot. Cela semblera être une évidence pour une grande majorité d'entre vous – malheureusement, il existe encore des gens pour établir des causalités qui n'ont pas lieu d'être.

Publicité

Dans un article publié sur Le Monde, une journaliste faisait un rapprochement étonnant – pour ne pas dire complètement con – entre certains jeux vidéo violents et des actes terroristes, ce qui est assez symptomatique d'une tranche de la population incapable de comprendre les jeux vidéo. Elle s'explique : « Imaginez des jeunes issus de l'immigration, avec une offre de loisirs limitée pour des raisons économiques et culturelles, ne partant peut-être jamais en vacances, et passant leurs journées entières rivés à des écrans, mitraillette à la main, en train de commettre des massacres… » Pour éviter le terrorisme, il faudrait donc demander à des gens d'arrêter le seul loisir qu'ils possèdent. Certains politiques plus ou moins compétents sur le sujet apportent eux aussi leur expertise, comme cet ancien consultant de Sarkoy qui affirmait voir un lien entre Call of Duty et le djihad. Mieux encore, Nadine Morano expliquait que les jeux vidéo pousseraient à l'ultraviolence, sans jamais apporter la moindre preuve scientifique, évidemment. Nous subissons assez d'attentats terroristes pour savoir que les jeux vidéo n'ont rien à voir là-dedans. Surtout, penser qu'interdire des jeux violents nous rendrait non-violents est dangereux. Cela avance l'idée d'une fausse sécurité qui pourrait même aggraver le problème. La journaliste du Monde affirme ensuite : « Lorsqu'une civilisation valorise à ce point la violence, qu'elle en fait le cœur de jeux, de films, de feuilletons et de livres, c'est-à-dire d'activités censées être de loisir, de détente et de plaisir, on peut en effet s'interroger. » Sauf que notre culture est – malheureusement ou non – à l'image de notre monde puisque qu'il est notre unique source d'inspiration. Pourquoi un jeu violent ne pourrait être source de plaisir et de loisir ? Les hockeyeurs aiment se bastonner à tous les matchs, les masochistes se fister tous les soirs. Ce ne sont pas des gens dérangés pour autant – ou presque pas. En partant du postulat de cette journaliste, notre culture devrait donc se limiter à ne montrer en permanence que ce que notre monde n'est pas, à savoir un vaste paradis où la violence n'existe pas. Un monde où Pokémon Go régnerait en maître, en somme. L'horreur. Une sorte de propagande du bonheur et du plaisir déjà préconstruite pour adolescents et validée par les adultes. Laisser la possibilité aux gens de trouver du plaisir dans une activité légale qui en aucun cas n'affecte autrui devrait aller de soi. Paradoxalement, on estime qu'un jeune de 18 ans est assez mature pour voter mais pas assez – semble-t-il – pour faire preuve de recul sur un jeu vidéo. Finalement, la journaliste conclut : « Les jeux ne sont jamais innocents, et certains, comme ceux-ci, devraient être des jeux interdits. » Qu'elle se rassure, beaucoup de jeux sont malheureusement interdits pour préserver nos chères têtes blondes. Il est toujours compliqué d'endiguer la soif de coercition de certains. L'exemple le plus médiatique fut la dernière création du studio polonais Destructive Creations, Hatred. Ce jeu est assez simple. Vous incarnez un grand chevelu qui déteste l'humanité et qui, après s'être entraîné dans sa cave, décide de devenir un tueur de masse. Le but est donc de tuer le plus de civils possible. Ce jeu a été interdit en Allemagne et en Australie. En France, il est simplement catégorisé en « Adult only » mais interdit sur les plateformes de streaming comme Twitch. Il en existe bien d'autres, comme Postal 1& 2. Un jeu mythique où l'on peut uriner sur les gens, utiliser un chat comme silencieux ou encore attaquer une église avec des Talibans. Plus récent encore, le jeu Friday The 13th devrait voir le jour en octobre. Vous pourrez y incarner le fameux et Jason et pourchasser de jeunes filles naïves afin de les tuer à coups de hache. J'ai hâte.