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Un équipage de souris astronautes est en partance pour l’ISS

Photo: chrstphre ㋛ campbell/Flickr

Le 8 avril, SpaceX devra effectuer un vol de ravitaillement à destination de la Station Spatiale Internationale. Cette fois-ci, elle transportera un équipage un peu spécial : 20 souris astronautes nichées à l’intérieur de la capsule Dragon. Elles aideront les scientifiques à mieux comprendre comment les muscles se détériorent pendant les vols spatiaux.

Les rongeurs, les souris et les rats en particulier, ont une longue expérience des vols spatiaux puisque les premiers spécimens de rats ont été envoyés en orbite dans les années 1950. Au moins 27 missions de courte durée (ne dépassant pas deux semaines) ont exploité ces petits animaux depuis lors. A bord de l’ISS, les scientifiques pourront observer des souris pour des périodes allant de 30 à 90 jours, ce qui nous permettra d’affiner considérablement nos connaissances sur les effets de la microgravité sur différents organes et tissus.

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Pourquoi avoir choisi des souris ? Il se trouve que les souris ne sont qu’un genre « d’organismes modèles » parmi d’autres, c’est-à-dire un type d’organisme qui contribue à nous éclairer sur différents processus biologiques (on utilise aussi parfois les drosophiles et certaines espèces de levures). La séquence ADN des souris nous est très familière ; de plus, elles possèdent une durée de vie très courte ce qui permet aux chercheurs d’effectuer des expériences concernant plusieurs générations de souris, et d’observer des phénomènes biologiques en accéléré.

La station de recherche. Image: NASA

En orbite, les souris seront utilisées pour tester la résistance des os et des muscles en microgravité. Cela permettra aux chercheurs d’obtenir les connaissances nécessaires à la prévention des effets indésirables de l’absence de gravité sur les organes humains, puis de développer des médicaments capables de soigner certaines maladies osseuses et musculaires. Parce que les souris ont été utilisées dans des environnements orbitaux pendant plusieurs décennies, on sait qu’elles constituent un modèle très fiable pour comprendre comment le corps humain résiste et s’adapte à la vie dans l’espace.

Les souris ont une durée de vie plus courte que celle des humains : la souris vit en 2 ans seulement en moyenne. Lorsque l’on observe le processus de vieillissement de ces animaux, on s’aperçoit qu’ils connaissent les mêmes types de dégénération cellulaire que les humains, à un rythme plus rapide.

Grâce aux études animales effectuées dans l’espace jusqu’ici, nous comprenons comment ces processus fonctionnent sur des périodes courtes ; or, des études de longue durée n’avaient jamais été réalisées. Elles seront indispensables pour obtenir une vue d’ensemble des phénomènes biologiques à l’œuvre.

« Les souris seront observées en direct grâce à une diffusion vidéo. Elles devront effectuer différentes tâches qui permettront de tester leur résistance musculaire. »

Cette expérience, baptisée Rodent Research-3-Eli Lilly, parrainée par la société pharmaceutique américaine du même nom, s’intéresse aux facteurs influant sur le volume musculaire et le fonctionnement dudit muscle dans l’espace. Les chercheurs d’Eli Lilly vont tester un traitement expérimental qu’ils espèrent un jour adapter aux patients victimes d’atrophie musculaire, ou de maladies telle que la sclérose latérale amyotrophique.

« Ce vol constitue une partie importante de notre programme global de recherche sur l’ISS », explique Julie Robinson, directrice scientifique à la NASA, lors d’une téléconférence de pré-lancement. « SpaceX est indispensable dans ce cadre, car il transporte des charges utiles importante qui nous permettent de mener des recherches biologiques avec des animaux vivants. »

Vous demandez peut-être comment les souris réagissent au stress du lancement. La NASA assure que, puisque les rongeurs sont beaucoup plus petits que les humains, ils ressentent avec moins d’intensité qu’un humain la force d’accélération à l’oeuvre au décollage. « Nous faisons des études au sol par avance, » explique Ruth Globis, chef de projet scientifique à la NASA. « Nous savons que les souris tolèrent très bien cette manœuvre. En outre, le décollage de Dragon est beaucoup plus doux que celui des fusées habituelles. »

Une fois arrivées sur la station, les souris (toutes de sexe femelle) seront immédiatement mises à contribution. Elles seront d’abord divisées en deux groupes : l’un recevra une série d’injections sous-cutanées contenant un inhibiteur de myostatine, réputé ralentir la dégénération musculaire, et un groupe contrôle. La même expérience sera menée sur Terre, puis les données obtenues seront comparées.

Selon Rosamund Smith, le principal instigateur de cette expérience, « la perte musculaire est courante dans des maladies comme la dystrophie musculaire, la sclérose latérale amyotrophique, la cachexie et la fragilité musculaire liée au grand âge, » explique-t-elle. Nous espérons que les résultats de ces expériences nous permettront de mettre au point des traitements pour les patients qui souffrent d’atrophie musculaire. »

Les souris seront observées en direct grâce à une diffusion vidéo. Elles devront effectuer différentes tâches qui permettront de tester leur résistance musculaire. Une machine spéciale permettra même de tester les changements dans la force de la préhension de leurs petites pattes au fur et à mesure des semaines. À la fin de la mission, elles seront disséquées puis renvoyées sur Terre pour être analysées.

« Avec l’aide de CASIS et de l’ISS, nous allons effectuer des recherches que nous pourrions tout simplement pas mener sur Terre », explique Kenneth Savin d’Eli Lilly. « Nous sommes ravis de travailler avec la NASA ; pour beaucoup de nos scientifiques, c’est le rêve de toute une vie. »