FYI.

This story is over 5 years old.

Culture

La remise des prix de l’ADISQ me rend toujours irritable

Parce que ce gala québécois montre bien le manque de diversité imposé par le grand public, l’ADISQ me contrarie. Maintenant que j’habite de l’autre côté de l’océan, ne pas suivre le gala en direct aide un peu. À bien y penser, non, pas vraiment.

Je caresse un rêve de petite fille d'avoir un pouvoir décisionnel dans mon industrie musicale locale et d'y être influente. Simplement pour propager le vouloir commun d'écouter de la musique intemporelle et de voir des gens qui me ressemblent travailler là-dessus. Je rejette complètement l'idée qu'on célèbre une culture mainstream québécoise francophone homogénène.

Le gala de l'ADISQ est censé célébrer l'industrie musicale québécoise, dans toute sa pluralité. Il faut se le dire, ce n'est pas facile de travailler au Québec, en considérant que la musique promue doit être exclusivement en français sous les bannières comme l'ADISQ. L'éventail est si grand. Être québécois en 2017, ça ne veut plus dire être unilingue francophone ( shout out à mes amis polyglottes). Avec mes expériences, je me suis vite rendu compte que j'étais ( well, obviously) marginalisée et que, malgré mon large spectre de goûts musicaux, ils seraient eux aussi mis de côté pour des questions linguistiques.

Publicité

Je n'ai jamais vu un tapis rouge qui soulève chez moi autant de sentiments partagés, alors que, dans la réalité, on cultive et on fait grandir un Québec multiculturel dans différents domaines depuis plus de 40 ans. Devant ou derrière nos « grandes caméras », les personnes de couleur sont peu nombreuses.

Parlons de la marginalisation du rap au Québec.

Des chercheurs universitaires ont écrit sur ce sujet il y a 10 ans. Leur but était de nous démontrer qu'on pouvait utiliser la culture hip-hop locale comme outil d'intégration des jeunes issus de minorités visibles. Cependant, dans la conscience collective, la culture hip-hop est associée à la violence des gangs de rue et bien souvent aux textes misogynes et matérialistes – on ne se le cache pas ça existe. Mais on est loin d'intégrer les gens marginalisés de l'industrie musicale.

Je me plains sûrement la bouche pleine puisqu'Alaclair Ensemble vient tout juste de gagner les prix du vidéoclip et de l'album hip-hop de l'année. C'était la première fois qu'on remettait ce prix lors du « grand gala », à l'exception de sa première année d'existence en 1999 où Dubmatique l'avait remporté. Deux ans plus tôt, en 1997, quand le hip-hop entrait dans la culture pop mondiale, Dubmatique avait gagné un prix équivalent mais dans la catégorie « album rock alternatif ». La catégorie album hip-hop de l'année n'existait tout simplement pas au Québec.

En 2009, au tout début d'Alaclair, le groupe mythique fait renaître le rap, la culture du beatmaking au sein de la communauté de la grande région de Montréal (oui, les Lavallois, on vous voit) et de Québec. Tout en ayant l'énergie d'inspirer ses successeurs à créer une musique propre à eux. On pourrait dire que de 2010 à 2012, c'est l'époque où des artistes tels que KAYTRANADA, Dead Obies, High Klassified ont fait leur marque sur le web. On a assisté à ce qui a marqué de grands changements dans l'esthétisme et la façon dont les artistes de hip-hop québécois diffusent leur musique. Thank God à internet!

Publicité

Les médias de masse commençaient à parler du mouvement sans vraiment aborder les facettes les plus importantes du sujet : le manque de représentation de la diversité au sein de la communauté hip-hop dans un contexte mainstream. Si le franglais existe, c'est que ton rappeur préféré a côtoyé des membres de minorités qui utilisaient d'autres codes linguistiques que le français normatif et le joual.

On parle de traces bien évidentes du créole haïtien, du patois jamaïcain et de l'espagnol dans le rap local. J'irais même jusqu'à dire que le rap keb est tout aussi anglais que franglais. Pouvons-nous comprendre que la culture hip-hop est en soi un melting pot et une réaction face à plein d'autres sous-cultures? Dans son franc-parler, elle ne fait qu'emprunter pour mieux créer ses références.

Ce qui me préoccupe, c'est qu'encore aujourd'hui, on rejette l'idée d'un Québec multilingue et multiculturel au profit de l'homogénéité dans les médias de masse. Le problème touche évidemment plus que l'industrie musicale, mais bien toutes les sphères de la culture, que ce soit dans les nouvelles web-séries jeunesses hip, l'art visuel et le théâtre. Ce manque de représentation dans tout le cercle de l'ADISQ et de l'industrie québécoise m'affecte. Est-ce que c'est le manque de personnes de couleur dans le jury qui en est la cause?

Aïsha est sur Twitter.

Mise à jour: Une date erronée a été modifiée de la version originale.