Geen contact met moeder
Illustratie door Djanlissa Pringels
Société

J’ai besoin de couper les ponts avec ma mère. C’est égoïste ?

« Notre relation me détruit. Un simple SMS de sa part peut me chambouler complètement. »

« Ask VICE » est une rubrique dans laquelle vous demandez à VICE de répondre aux questions qui vous taraudent, voire de vous aider à résoudre vos problèmes.

Cher VICE,

Je ne peux pas vraiment dire que j’ai eu une enfance formidable. J'ai été élevée par ma mère – mon père n'a jamais été présent. Comme on était à deux, notre relation a toujours été très intense. Pour elle, toute personne extérieure à notre lien était automatiquement notre ennemie. Du jour au lendemain, elle pouvait être super gentille au point de m'étouffer, et me terroriser. Elle savait parfaitement quoi dire pour me blesser.

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Par exemple, je souffre de troubles alimentaires depuis que je suis petite. Un jour, alors que je me sentais mieux, j'ai mangé quelques chips. Elle s'est moquée de moi et m'a dit qu'ils formeraient une boule gras dans mon estomac. Elle m’a aussi dit que personne ne m'aimerait jamais et que les gens sont faits pour être utilisés.

Elle a été jusqu’à créer des comptes Instagram anonymes pour insulter mes potes. Elle a dit à toutes les personnes de mon entourage qu’elles étaient nazes, et à moi aussi, souvent. Parfois, je m'endormais en pleurant, désespérée, et elle venait s'asseoir à côté de moi et me fixait l’air dégoûté.

Quand j'avais 8 ans, elle m'a sorti que tout le monde voyait que je lui compliquais la vie. Je la bloquais émotionnellement, mais elle arrivait toujours à me récupérer en me serrant dans ses bras, en me faisant plein de cadeaux, et me disant que personne ne m'aimait autant qu'elle. Pendant longtemps, j’y ai cru.

Ma mère a eu beaucoup de relations toxiques et malsaines, donc il y avait souvent des disputes à la maison, parfois même de la violence physique.

J'ai fini par déménager à l'étranger après mes 18 ans, entre autres pour prendre mes distances. J'ai aussi commencé à voir un·e psy, qui m’a fait réaliser que mon enfance m’avait traumatisée.

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En thérapie, on m’a dit que l'enfance de ma mère a dû être assez lourde aussi, donc qu’il serait préférable que j'aie moins de contact avec elle. J'ai suivi ces conseils. Les rares fois où je la vois encore, son comportement est horrible. Je suis dans une chouette relation, j’ai une maison et un boulot confortable, mais d'après ma mère, ma vie n'est qu'une grosse blague. Un simple SMS de sa part peut me chambouler complètement. Elle sait exactement quoi dire pour me faire douter de moi.

J’arrive maintenant à identifier ce qu'elle fait ; elle me fait me sentir mal pour que j'aie besoin d'elle. Certaines personnes de mon entourage m'ont dit de ne plus lui adresser la parole. Parfois, je la bloque pendant quelques mois, mais au bout d'un moment, je la débloque parce que je me sens coupable. Et là, je reçois des dizaines de messages incohérents disant qu'elle « mourra probablement seule et que je ne m'en apercevrai même pas ». Ça m'affecte. Malgré tout, je l'aime et je ne veux pas qu'elle se sente seule.

Je sais que je devrais la bloquer pour de bon cette fois-ci. Notre relation me détruit. Mais beaucoup de gens, qui ne connaissent pas les détails de mon passé, me jugeraient. Pour eux, exclure sa mère de sa vie, c'est comme une trahison.

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Qu’est-ce que je dois faire ? Comment expliquer aux gens que j'ai besoin de ça sans me sentir comme un monstre égoïste ? Comment faire disparaître cette horrible culpabilité ?

Merci,

K.


Salut K.,

Tu n’es pas un monstre égoïste et tu es d’ailleurs loin d'être la seule personne à vouloir rompre les liens avec ses parents. Malgré ça, le sujet est encore très tabou, et ton sentiment de honte est tout à fait compréhensible. 

Mirjam Schneider est aide-soignante à MIND Korrelatie, une organisation néerlandaise qui offre un soutien psychologique. Elle rencontre régulièrement des situations similaires dans le cadre de son travail et, bien que chaque situation soit différente, elle reconnaît quelques émotions récurrentes : la tristesse et les traumatismes (non résolus), mais aussi la culpabilité.

Tout d'abord, c’est important d’apprécier le chemin que tu as parcouru. Le fait que tu puisses parler de la dynamique malsaine entre toi et ta mère indique une grande capacité d'introspection et d'observation de ta part, explique Mirjam. « Tu es capable de décrire très clairement le rôle que ta mère a joué dans ta vie et l'impact qu'elle a eu sur toi, explique-t-elle. Tu fais preuve de beaucoup plus de bon sens que ta mère. Ça t’aide à faire la distinction entre ce que tu es et ce qu'est ta mère. La façon dont tu en parles témoigne d'une grande force. »

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Mirjam ajoute que tes deux options – réduire encore les contacts avec ta mère ou couper les ponts – sont tout à fait légitimes. Il n'y a pas de recette miracle. Mais ça ne rend pas les choses plus faciles. « Peu importe les parents, les enfants restent souvent fidèles aux personnes qui les ont élevé·es, explique-t-elle. C'est pour ça que c’est si difficile de rompre cette relation, même si elle est malsaine. »

Mirjam est d'accord avec toi : très peu de personnes extérieures seront en mesure de comprendre pleinement ta décision. Et étant donné que ta mère te fait constamment douter de tes propres expériences, c’est logique que les personnes qui te remettent en question à ce sujet te rappellent de mauvais souvenirs. 

C'est pourquoi Mirjam suggère de ne pas avoir trop d'attentes si tu en parles à des personnes que tu ne connais pas. Le plus important, c’est de s'ouvrir aux personnes dont on est proche. Et si la conversation devient difficile, « rappelle-toi constamment la raison pour laquelle tu as fait cette démarche et comment le fait d'être en contact avec ta mère pourrait influencer le reste de ta vie, ton travail et tes relations », explique Mirjam.

Vu la façon dont vous avez communiqué ces dernières années, il semble impossible d'avoir une conversation ouverte et honnête avec elle. Comme tu l’as compris, il y a de fortes chances que ta mère te tende la main pour éveiller ta culpabilité. « Tu peux certainement avoir pitié de ta mère parce qu'elle galère avec ce genre de sentiments, mais c'est à elle de les gérer, ajoute Mirjam. Il est absolument essentiel de reconnaître que tu ne peux pas changer ta mère. Et tu ne devrais même pas vouloir la changer. »

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Ta maman ne pourra pas se libérer de ce schéma sans aide psy, et il n'y a rien que tu puisses faire pour changer la situation. « C'est à toi de reconnaître le schéma et de t’en détacher, poursuit-elle. Le schéma ne changera pas, mais tu as la possibilité de l’identifier et de faire en sorte qu'il ne te tire plus vers le bas. »

Ne pas mettre fin à ce schéma pourrait avoir des conséquences négatives sur ta vie, comme ça semble déjà avoir été le cas dans le passé. Mirjam explique qu'elle a vu de nombreuses personnes vivant dans des situations familiales malsaines ou traumatisantes développer un trouble de l'alimentation, comme toi. « On constate régulièrement que les personnes qui se trouvent dans ce type de situation familiale ont besoin d'un sentiment de contrôle, et un trouble alimentaire peut être un moyen d'exercer ce contrôle, explique-t-elle. C'est une forme compliquée de contrôle, mais elle est très courante. »

Heureusement, maintenant que tu es adulte, tu es plus en contrôle de ta propre vie. Tu ne peux pas contrôler ce que fait ta mère, mais tu peux décider de la façon dont tu lui réponds et de l'impact qu'elle a sur toi. 

Selon Mirjam, tu veux tourner la page et être en paix avec ta décision, quelle qu'elle soit. Tu pourrais envisager de lui écrire une lettre, sans même forcément lui envoyer. « Ça te permettra d’organiser tes propres pensées et d’avoir l'impression de les avoir exprimées, sans devoir payer le prix », dit-elle.

Si tu décides de la garder dans ta vie, tu devras faire preuve de beaucoup de patience et de gentillesse envers toi-même. « Ne te blâme pas si tu tombes à nouveau dans le panneau, dit Mirjam. Se libérer d'une dynamique familiale malsaine est un processus lent. Réalise que tu es désormais l'adulte qui peut protéger l'enfant qui est en toi, et il se peut que la rupture de tout contact soit le seul moyen d'y parvenir. »

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