Slayer et leur batteur Dave Lombardo ne peuvent plus se piffrer

L'histoire de Slayer déborde de tueurs en série, d'atrocités guerrières, de déclarations blasphématoires et de diatribes maléfiques. Pendant ses concerts, le groupe ne sourit jamais, livrant ses impénétrables classiques thrash avec une haine jamais contenue. Cependant, avec Slayer – comme avec la plupart des plus grands groupes de l'histoire du heavy metal – le spectacle n’est qu’une représentation, un « portrait » du groupe à l’origine de ce son terrifiant.

Dans la vraie vie, les membres de Slayer sont attachants et étonnamment très décontractés. Même Kerry King, le frontman et guitariste co-fondateur du groupe, s’exprime avec douceur et jamais sans la moindre violence. « Je ne suis pas un guerrier, je suis un guitariste et je tiens à mes mains, » m’a dit King juste avant la dernière tournée de Mayhem. « Mais à cause de mon regard, j’intimide les gens qui ne me connaissent pas. Je n’ai jamais besoin de me battre. »

Cette révélation de l’imposant King est un truc plutôt rare. Car en interview, les membres de Slayer ne sont jamais très bavards sur leur vie privée. Ils répondront avec le sourire à des questions sans piège sur leur album en cours ou sur la tournée qu’ils sont en train de faire. Ils se mettent en pilotage automatique pour répondre aux questions générales en donnant les mêmes réponses qu’ils utilisent depuis 20 ans. Mais si vous essayez d’y aller en profondeur et de parler sentiments, ils deviendront vagues, désintéressés, et peut-être même très chiants – en même temps, comme si la sensibilité était ce qu’on attendait de la part d'un groupe dont le plus gros tube, « Angel of Death », est une ode aux expérimentations de Josef Mengele.

En raison des récents changements au sein du groupe – ils font actuellement leur tournée australienne avec seulement deux des quatre membres originels – il est aussi difficile de prédire le futur de Slayer que d’essayer de deviner la fin de la prochaine saison de Breaking Bad. Mais quelques indices montrent que leur avenir promet d’être bien plus sombre que leur musique.

Le 21 février, Dave Lombardo, batteur d’origine et superstar des mecs à catogan, a posté un message sur sa page Facebook afin d'informer les fans qu’il ne jouerait pas avec Slayer durant leur tournée en Australie. Le problème entre Lombardo et le groupe n’a rien de personnel, c’est selon lui lié à une « simple histoire de thunes ». Et quand il s’est plaint au groupe et à son manager de la faible avance donnée pour l'ensemble de la tournée 2013, on lui a dit – le jour de la St Valentin – de ne pas préparer son sac pour la tournée australienne.

« Ça m'attriste, et pour être honnête, je suis même choqué par la situation, a déclaré Lombardo. L’année dernière, je me suis rendu compte que 90% des thunes générées par la tournée de Slayer était déduites des bénéfices totaux. Et ceci, en sachant que les honoraires dédiés au management du groupe coûtaient plusieurs millions de dollars ! Ceci nous laisse à peine 10% à nous partager à quatre. »

Lombardo clame que lui et Tom Araya, le chanteur, ont engagé des audits, mais que l’accès aux documents financiers leur a été refusé. Il soutient également que le manager du groupe a refusé de le payer tant qu’il n’avait pas signé « un contrat détaillé qui ne me donnait aucune assurance sur le montant de mon salaire, et nulle idée de la base managériale sur laquelle les commissions allaient être déduites. Je n’avais même pas accès aux budgets ou aux rapports en vue d’en faire la révision. Ça m’interdisait également de faire des interviews et des déclarations publiques à propos du groupe – être réduit en esclavage, en somme. »

Kerry King et les autres membres du groupe semblent s’être rangés du côté de leur avocat, allègue Lombardo, qui a pourtant tenté de rectifier le tir en proposant un nouveau « modèle d’affaires » après que King l'ait reçu du même œil fixe, froid et métallique réservé sur scène aux fans du groupe. « Kerry m’a clairement fait comprendre qu’il n’était pas intéressé par d'éventuels changements de contrat, et que si j’avais l’intention d’en discuter, il trouverait un autre batteur, » a expliqué Lombardo.

En réponse aux déclarations de Lombardo, l'actuel manager de Slayer a fait une longue déclaration sur le site Blabbermouth, jetant de l'huile sur le feu sur plein de points à base de « on-dit » aussi déprimants que les mythos de Bill Ward à l'époque où celui-ci était batteur de Black Sabbath.

« Slayer n’est d’accord ni avec les propos de Lombardo, ni avec la chronologie des évènements, à part en ce qui concerne le fait qu'’une semaine avant la date de départ pour l’Australie, Lombardo est venu nous voir afin de présenter les "nouveaux termes" de son contrat, termes totalement contraires à ce qui avait été défini plusieurs semaines auparavant. Le groupe n’a pas été en mesure de conclure un accord sur ces nouvelles demandes dans le court laps de temps dont nous disposions avant le début de la tournée. »

Fidèles à leur parole, Slayer ont tenu à ne pas faire plus de commentaires sur le sujet et Lombardo n'a pas répondu pas à ma demande en vue d'un éclaircissement sur sa déclaration.

En vérité, les mecs de Slayer ont toujours eu des problèmes de communication, même si celui-ci s’est particulièrement exacerbé ces dernières années. Chaque soir sur scène, ils sont plus badass que des centaines de dents de requins fondant sur le cou d'un phoque innocent. Mais dernière la scène et entre les tournées, les membres du groupe se comportent comme des putains de gros durs.

Après l’annulation de leur tournée en 2009 et 2010 (Araya ayant eu besoin d’une intervention chirurgicale sur ses cinquièmes, sixièmes, et septièmes vertèbres afin de "remédier aux dégâts de 30 années de headbanging"), Araya a confié à Noisecreep qu’il avait eu peu de contacts avec les membres du groupe durant ses plusieurs mois de calvaire. « On se donne des nouvelles, mais très rarement, » a t-il confié. « J’ai reçu trois textos de Kerry. Dave m'en a envoyé deux. Mais on se voit assez souvent sur la route. Nous communiquons par périodes. C’est suffisant de se dire "Hey, quoi de neuf ? Ça va. J’ai pensé à t’envoyer ça. Bla, bla." C’est un peu comme s'ils pensaient à toi, malgré tout. »

Peut-être que Slayer devrait engager Phil Towle, ce thérapeute pété embauché par Metallica pour leur album St. Anger et qu'on voit à plusieurs reprises dans leur docu Some Kind of Monster. Même les propos véner de King – tenus à propos d’Hanneman quand il s’est fait mordre par une araignée avant de choper une fasciite nécrosante qui lui bouffe la peau, met sa vie en danger, et nuit sévèrement à son jeu de guitare – ont été ignorés par les petites bites hollywoodiennes. « C’est juste qu’il ne peut plus jouer vite, » m’a dit King, sans émotion aucune lorsque je lui ai demandé comment Jeff s’en sortait avec la maladie. « Il n’a plus les capacités pour jouer le vrai son Slayer – c'est un objectif qu'il vise à nouveau. S’il ne peut pas retrouver son niveau d’avant, je ne pense même pas que ça en vaille la peine. » Gary Holt, un nouveau guitariste, a remplacé Hanneman depuis le triste incident.

Pour le moment, Slayer continue de fonctionner sans Lombardo ni Hanneman. Et ils n’ont pas seulement joué en concert dans cette configuration, ils ont aussi composé. Lors d’une interview accordée fin janvier à Eddie Trunk pour la radio Q 104.3, King a certifié que Slayer venait de terminer deux morceaux en vue de la sortie d'un nouvel EP. Il a aussi dit avoir écrit huit morceaux qu’il ne restait « qu'à enregistrer. » À l'époque, King disait travailler sur les morceaux avec Lombardo ; ils avaient prévu de les enregistrer une fois que Rick Rubin aurait trouvé un nouveau distributeur pour le groupe. Mais ça, c’était avant que Lombardo soit élégamment mis sur la touche.

Aujourd'hui, lâchés sur l'autel du destin, on est en droit de s'attendre à tout de la part de Slayer. Si Hanneman est capable d’améliorer son jeu, il pourra entrer de nouveau en studio en tant que guitare rythmique et peut-être même pourra-t-il contribuer à l'élaboration des nouveaux morceaux. Si Lombardo calme ses différents avec le groupe et le manager, il sera de nouveau en studio pour appuyer le son colossal du groupe à pentacle. Leur futur est entre leurs mains – mais ces truffes sont largement capables de le laisser s'échapper.

Jon Wederhorn est le coauteur de Louder Than Hell : the Definitive Oral History of Metal, à paraître le 14 mai prochain chez It Books/Harper Collins. Il contient des tonnes de citations des mecs de Slayer et des centaines d’autres de la part de tous les groupes de metal que vous écoutez chaque jour de votre vie.

Plus de metal :

IRON MAIDEN NE PENSENT QU’À TUER DES GENS – Tuer, tuer, tuer. Metal.

TRUE NORWEGIAN BLACK METAL

BLACK SABBATH ET LA NAISSANCE DU HEAVY METAL.VERSION INTÉGRALE – Marshall : on the road