FYI.

This story is over 5 years old.

Drogue

La weed est devenue trop bonne

Vous l’avez sans doute remarqué, l’herbe a bien changé depuis votre premier joint.

L’excellente Pakistan Chitral Kush

Il fut un temps où régnait un guerrier du nom d’Attila, roi des Huns. D’Attila, on disait que là où il passe, l’herbe ne repousse pas. Aujourd’hui, l’herbe est tellement puissante qu’elle a pris sa revanche. Aujourd’hui, Attila serait un stoner boutonneux épanchant sa soif de puissance en jouant à des RPG en réseau dans le salon de sa mère. Parce que oui, et vous l’avez sans doute remarqué, l’herbe a bien changé depuis votre premier joint au goût d’interdit échangé dans une soirée au collège.

Publicité

Avec le temps, les cultivateurs d’herbe se sont concentrés sur les taux de THC, et à peu près uniquement sur ça. Une bonne partie des variétés qui se vendent aujourd’hui présentent un taux de tétrahydrocannabinol d’environ 25 %. Le THC est le principe actif présent dans la weed – c’est lui qui vous envoie sur Mars. Plus le taux de THC est élevé, et plus vous allez planer haut. Ce qui est plutôt cool si vous voulez vous défoncer la gueule, explorer l’hyperespace à la Félix Baumgartner et avoir envie de rire et chier en même temps.

Mais si c’est pas trop votre truc – et c’est le cas de pas mal de gens –, alors vous êtes baisé. Tout ce que vous cherchez dans un petit joint d’herbe, c’est l’ivresse que procure un petit verre de vin à la fin d’une longue journée, pas cette claque monumentale qui vous rend aussi euphorique que paranoïaque, aussi créatif qu’aboulique. Vous préféreriez consommer une herbe à disons 10 %, avec différents terpènes (agents qui influencent l’effet planant et les expériences sensorielles ressenties suite à la consommation d’herbe), ce qui vous permet d’obtenir ces effets conviviaux que vous connaissez bien. Mais quand le marché est inondé de grosse weed surpuissante (on n’arrête pas le progrès), le choix est le suivant : soit vous saupoudrez prudemment votre cigarette roulée de petits bouts de weed, soit vous tentez l’impossible : trouver de la « locale » qu’un hippie consentant aura bien voulu mettre sur le marché.

Publicité

Vous vous êtes probablement déjà retrouvé dans cette situation : vous êtes posé avec des gens sympas quand un énorme spliff atterrit devant vous. On vous dit que c’est de l’indica surpuissante, alors vous y allez doucement. Du moins, c’est ce que vous croyez. Et là, vous ne savez plus où vous en êtes. Vous vous dites : « Wow putain, cette herbe m’a graaave défoncé. J’en suis où, là ? 20 piges, et sans emploi ? Bon dieu. On pourrait pas juste avoir une herbe un peu moins forte ? »

Par « moins forte », j’entends qui fasse planer et pas une herbe de merde. Eh bien, bon courage dans la quête de cette mystérieuse medium ganja. En effet, chez les cultivateurs, deux courants de pensée sont en train de s’affronter : c’est soit Purple Haze, soit de l’herbe pas terrible-terrible ; soit de a weed grasse et collante, cristallisée comme les salines de Guérande, une herbe tellement bonne qu’on en mangerait, soit de l’herbe de merde, verte foncée, toute sèche et pleine de graines, qui défonce pas. Et entre les deux, c’est le vide intersidéral. Choisissez votre camp.

Mais ça pourrait changer. Les États de Washington et du Colorado esquissent les premiers pas vers une ère post-prohibition. Dans leur sillage, une frange croissante de cultivateurs expérimentés et de consommateurs qui le sont tout autant soulignent une lacune, un manque cruel dans les gammes de weed : une herbe pas très puissante, mais de bonne qualité, le genre d’herbe qu’Emma Marris glorifie dans un article publié dans Slate. Ce qui nous ramène à cette fixette généralisée sur le THC.

Publicité

Emma Marris écrit : « Cette obsession pour le THC a créé une offre à deux faces. » Elle poursuit : « Il y a l’herbe soigneusement cultivée, avec un goût et un parfum délicieux, qui produit une série d’effets agréables, des effets tellement forts que le consommateur occasionnel risque d’halluciner et de ne plus voir le temps passer. Et il y a l’herbe de merde, la pelouse, l’herbe du mexicain moyen. Celle-là, vous pouvez la fumer autour d’un feu de camp jusqu’à ce que les étoiles disparaissent, mais elle sent mauvais, elle a un goût lui aussi mauvais, et personne ne prendra la peine de la tester ou de l’améliorer. »

C’est que les chercheurs et les techniciens de labo qui testent l’herbe doivent suivre la mode et produire de la weed avec des taux de THC prodigieusement élevés, parce que c’est celle-là qui rapporte depuis qu’on a confondu la puissance et la qualité. Et ce n’est pas tellement catastrophique, mais en fin de compte, ce taux de THC ne va faire qu’augmenter, encore et toujours, progrès aidant. Todd Ellison, producteur de longue date et cofondateur du site Colorado Marijuana Marketing expliquait à Emma Marris : « La puissance de notre herbe va au-delà de ce que vous pourriez imaginer. »

« Quand j’étais jeune, on pouvait prendre le temps de fumer un joint. Maintenant, on prend deux taffes et on est sens dessus dessous. »

Pour les gros fumeurs qui ont une tolérance héroïque et beaucoup de temps libre, docteur, qu’on augmente le taux de THC. À l’opposé, on trouve Louis CK qui, lui, la préfère douce. Ses remarques, qui commencent à partir de la 50e seconde de la vidéo ci-dessus, trouveront un écho chez bon nombre de fumeurs occasionnels qui ne peuvent pas planer tranquille et agréablement avec des herbes surpuissantes.

Publicité

Ce qui pourrait leur plaire, et ce que de plus en plus de consommateurs attendent, c’est une herbe bien équilibrée, qui tape dans le mille en procurant un effet décontractant sur les muscles et qui booste la créativité, un effet de convivialité qui résulterait de divers mélanges de cannabinoïdes et de terpènes. Ça relève d’une chimie complexe, mais ça implique un changement dans la façon de voir l’herbe : « Pourvu que l’industrie s’épanouisse avec la légalisation et qu’elle dépasse cette obsession pour le THC », conclut Emma Marris.

Prenons le myrcène, un terpène présent dans des variétés comme la White Dawg mais aussi dans les mangues (les fruits). Muraco Kyashna-Tocha, directrice de l’Evergreen State Cannabis Trade Alliance, a expliqué à Emma Marris : « On va bientôt comprendre qu’une lemon haze à 15 % de THC avec du myrcène est préférable à une lemon haze à 20% sans myrcène. »

Alors oui, c’est certainement une histoire d’effets. Mais c’est aussi une histoire de business. Il est question de faire des sous, et peut-être, pourquoi pas, qu’il sera bientôt question de voir une Silicon Valley de l’herbe à l’ouest des Rocheuses. Derrière tout ça, presque éclipsé par les histoires de légalisation, il y a un marché assez conséquent qui demeure inexploité. C’est celui des consommateurs qui rêvent d’une herbe plus légère dont le taux de THC serait raisonnable. Mais tant que la weed restera trop bonne, ça restera du domaine de l’utopie.

Plus de fumette :

BONNE NOUVELLE POUR LES SHITHEADS URUGUAYENS L’Uruguay est sur le point de devenir le premier pays d’Amérique Latine à vendre du cannabis à ses citoyens

LE ROI DU CANNABIS (vidéo) – On a rencontré le mec qui a inventé la féminisation des graines

COMMENT VENDRE DE LA DROGUE (vidéo) – Fringes