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Interviews

L'Avocat du Diable

Giovanni di Stefano a défendu Saddam Hussein et Slobodan Milosevic – et il n'aurait pas été contre l'idée de plaider pour Hitler.

Giovanni di Stefano est probablement l'avocat et le musicien le plus controversé du monde. Surnommé l'Avocat du Diable, il a plaidé pour Saddam Hussein, Slobodan Milosevic, Harold Shipman et Gary Glitter. Il a aussi dirigé une équipe de football serbe dans les années 1990. J'ai appelé Giovanni la semaine dernière, et on a discuté de l'époque où il traînait avec Saddam et celle où il commandait une armée pendant la guerre des Balkans, puis de la vie sexuelle de mes parents.

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VICE : Comment c'était de grandir en Angleterre dans les années 1950, en tant qu'Italien ?
Giovanni di Stefano : Quand j'avais neuf ans, j'avais réussi mon 11-plus [NDLR : l'examen final donné à la fin de l'école primaire en Angleterre], mais ils m'ont forcé à le refaire car pour eux, il était impensable qu'un Italien puisse avoir son examen. De toute évidence, je l'ai réussi à nouveau. Le directeur à l'époque, Mr. Corby, a écrit dans mon bulletin : « Ce garçon ne sera jamais quelqu'un ». Quand je l'ai montré à mes parents, j'ai effacé deux mots de façon à ce qu'on lise : « Ce garçon sera quelqu'un ». Qu'il aille se faire foutre, il nous détestait. Il a été prisonnier de guerre au Japon, et les Italiens n'ont rien à faire là-dedans. Ils l'ont pendu par les pouces, ce qui fait qu'il avait les pouces inversés, mais ce que peut bien faire un gamin de huit ans dans cette histoire, j'en ai aucune idée. J'étais même pas né, putain.

Vous avez défendu certaines des figures les plus détestées de la planète. Comment en êtes-vous venu à travailler avec eux ?
Ce sont eux qui m'ont demandé. Je ne suis pas venu vers Milosevic, et encore moins vers Saddam. Pareil pour Tariq Aziz et Nicholas van Hoogstraten. Ce sont eux qui m'ont approché.

Avez-vous défendu des causes que vous étiez certain de perdre ?
Oui, toutes. Mon dernier client était Kenny Starr, le comptable des célébrités. C'était une espèce de mini Madoff, mais j'ai pu négocier avec les procureurs de New York pour qu'il écope de six à huit ans de prison, au lieu de 442. C'est parce qu'au tribunal, j'ai expliqué que si je devais comparaître en justice, j'amènerais tous ses gros clients, comme Uma Thurman, Wesley Snipes et Stallone, qui ont eu confiance en cet homme et lui ont confié de l'argent, pour leur demander : « A-t-il été prouvé scientifiquement que vous étiez fou ? Si ce n'est pas le cas, vous êtes tout à fait sain d'esprit. Pouvez-vous vous permettre la perte d'argent qui a eu lieu ? » Ils gagnent tous beaucoup d'argent, ce n'est pas comme l'affaire Madoff qui a volé de l'argent à des retraités. À la fin, nous nous sommes mis d'accord et nous avons passé un marché.

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J'ai défendu Ian Brady, et c'était un honneur, parce que je travaillais pour lui alors qu'il cherchait à mourir. Cet enfoiré aurait dû mourir depuis longtemps, à cause de ce qu'il a fait. Je lui ai dit que s'il devait mourir, je serais prêt à lui tirer en pleine tête si l'État me le demandait. Dans ce cas, nous avons évalué son droit de mourir, un droit totalement légitime, qui pourrait arrêter de faire payer les gens qui paient 800 000 livres d'impôts par an rien qu'en frais de justice. De l'argent dont je ne vois jamais la couleur, au fait.

Saddam Hussein

Comment êtes-vous devenu ami avec Saddam Hussein ?
En mars 1998, je devais lui donner des renseignements sur les inspecteurs qui allaient venir chez lui pour chercher des armes. C'était absurde de leur part de penser que quelqu'un pourrait avoir des armes de ce calibre chez lui. Ses serviteurs auraient pu mettre la main dessus, et ceux qui voulaient la mort de Saddam seraient aisément arrivés à leur fin.

Qu'est-ce que faisait Saddam pour s'amuser ?
Comme tous les hommes, il lui fallait du vin – ou plutôt du whisky –, des femmes et de la musique. Et du football.

Vous vous êtes déjà bourrés la gueule ensemble ?
De toute évidence, je ne me suis jamais bourré la gueule avec Son Excellence le Président Saddam Hussein. Et ce, parce que je ne bois pas.

Vous a-t-il déjà parlé d'armes de destruction massive ?
Tout le monde savait très bien qu'il n'avait pas d'armes de destruction massive. Je n'ai jamais même vu une seule Game Boy chez lui, alors des armes de destruction massive, pensez donc.

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Dans un combat à mains nues, qui l'emporterait entre Saddam et George W. Bush ?
Un combat contre Bush ? Saddam, quand il veut.

Comment était Saddam pendant son procès ?
Il savait qu'il allait mourir. J'avais énormément de respect pour lui, il était très digne lors de son procès, il est mort avec dignité, une dignité qui aurait pu manquer dans une situation pareille. Il a donné l'exemple - il est mort pour son pays. Quand il est mort, l'Irak est mort aussi, et il n'y a pas de jour sans bombe désormais. Il a beau avoir tué 50 000 personnes en 30 ans, ces salauds ont fait périr près d'un million de personnes en cinq ans.

Étiez vous présent pendant l'exécution de Saddam ?
Non, mais j'ai vu Barzan Al Tikriti et Awad al-Bandar mourir. Ce n'était pas très sympa, parce que la tête de Barzan a été arrachée par la corde. Il avait un cancer de la colonne vertébrale et j'ai dit à ces connards qu'il allait mourir dans six mois. Avec un cancer pareil, il suffit d'un coup dans la tête pour briser le cou, parce que la colonne vertébrale est pourrie. C'était stupide, et du sang a été inutilement versé. Un autre de mes clients, Chemical Ali, a été exécuté, mais j'étais en voyage à l'étranger à ce moment-là. Après mon départ, il a renoncé à se défendre et a accepté sa peine, mais je n'étais pas là et ils l'ont fait sans me consulter. J'étais très en colère. Il faut savoir que Chemical Ali a une femme et une fille qui ont été violées et éventrées en Syrie, il n'avait plus aucune raison de vivre. C'était un acte pour se venger de quelque chose qu'il avait fait. Personnellement, si je faisais quelque chose de mal, je me demande bien pourquoi ce serait à ma famille d'en payer le prix ?

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J'ai lu que vous aviez aussi défendu la SMP Blackwater lors d'un procès qui les accusait d'avoir tué des civils irakiens. Selon vous, était-ce un conflit d'intérêts ?
Pour être honnête, ils m'ont protégé lors de mes premières années là-bas, puis l'Armée américaine a pris le relais. Je n'ai jamais fait confiance aux SMP, mais comme le dit le proverbe : « S'il y a une robe, il y a une défense. »

Vous défendriez n'importe qui ?
Oui, n'importe qui. Même vous. Si on me demande, c'est mon devoir d'accepter, je n'ai pas d'autre choix et je ne peux pas dire non. Cela dit, quand Ian Huntley m'a demandé des conseils sur les deux meurtres qu'il avait commis - ça peut vous sembler controversé - j'étais sûr que Mr. Huntley était coupable d'homicide la première fois, et de meurtre avec préméditation la seconde. Mais si j'avais dû le défendre, il aurait fallu plaider coupable d'homicide pour le premier cas, et il aurait écopé de dix ans. Dans le second cas, il aurait fallu plaider coupable pour meurtre, et il aurait eu une peine à perpétuité, donc franchement c'est quoi la différence ? Ça ne servait à rien.

Avec une liste de clients aussi détestés, vous n'avez jamais reçu de menaces ?
Bien sûr que si, tout le temps. Maintenant, en 2010, je travaille pour l'ETA, le Jihad islamique, le Hamas, le PLO, les Tamouls, les FARC, j'ai été ami avec Arafat pendant des années, l'IRA, les Brigades rouges, et pour beaucoup de groupes terroristes aux quatre coins du globe.

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Vous pouvez me dire pourquoi vous avez défendu Gary Glitter ?
Là, il est nécessaire de relativiser les choses. Qu'a fait Gary Glitter ? Il a téléchargé 2000 photos de gosses qui prennent des poses inhabituelles et pornographiques sur son ordinateur. Et dans un pays étranger - que l'Angleterre aille se faire foutre -, il aurait couché avec des mineures. Maintenant, on peut se demander pourquoi les compagnies de cartes de crédit n'ont pas été traînées en justice, pourquoi les personnes qui ont pris les photos, et les parents des enfants n'ont pas été recherchés ? Une fois qu'on peut répondre à ces questions et qu'on traite le problème à sa racine, il n'y a plus de problème.

Au Viêt Nam, il a couché avec une fille de 15 ans, et je ne cautionne pas du tout cet acte. Ce n'est, et ce ne sera jamais ma tasse de thé. Enfin j'en sais rien, peut-être quand j'aurai 70 ans et que je serai devenu sénile, mais pour l'instant ça ne m'excite en rien, et l'homosexualité non plus. Il faut s'arrêter pour réfléchir un peu, est-ce que vos parents sont mariés ?

Oui, il fut un temps.
Et bien, votre père a le droit d'avoir une relation homosexuelle avec un homme qui a plus de 16 ans. Cela dit, si votre père a une relation anale avec votre mère, c'est une offense criminelle, même s'ils sont mariés.

En Angleterre ou au Viêt-nam ?
On parle de l'Angleterre mon cher ami, c'est une offense criminelle. Votre père ne peut pas pratiquer la sodomie sur votre mère ou n'importe quelle femme du pays - alors que les relations homosexuelles sont tolérées et même encouragées. Si je réfléchis bien, la seule façon des homosexuels d'avoir une relation sexuelle est de mettre leur pénis dans une bouche ou un anus. On peut faire ça avec une femme aussi, alors où est la différence ? Pourquoi est-ce qu'on ne changerait pas la loi ? L'État britannique a un passé judiciaire, et la loi progresse avec le temps. Conneries ! La loi en Angleterre est valable pour tout le monde et interprétée pour quelques élus, c'est un fait.