Sexe

8 questions sur l’orgasme à une prof de tantra

Leen

Leen Scholiers (36 ans) est coach en amour et sexualité. Il y a cinq ans, elle a découvert le tantra, le yoga et le taoïsme pendant un voyage en Colombie. Là, elle s’est retrouvée plus ou moins par accident dans une école de tantra. Après avoir voyagé en Amérique du Sud pendant sept mois, elle est partie en Asie pour pratiquer le yoga et le tantra dix heures par jour pendant trois mois.

Après ça, elle a quitté son 9to5 pour se lancer pleinement dans la méditation. Aujourd’hui, Leen est une professeure de hatha yoga de renommée internationale et aussi une coach de sexe, d’amour et de relations.

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Dans son coaching, elle aide les gens à mieux se connaître ou à relancer leur relation à travers la découverte du corps et des désirs cachés. VICE lui a posé 8 questions brûlantes sur l’orgasme.

VICE : Salut Leen. Comment tu définirais le tantra ?
Leen :
La plupart des gens voient le tantra comme du slow sex et une version occidentale du Kama Sutra, mais ça c’est le néo-tantra, une méthode plus célèbre en Occident de pimenter votre vie sexuelle et d’améliorer l’intimité dans votre relation. Si certaines personnes aiment le néo-tantra, d’autres s’intéressent au message spirituel de la tradition.

Le tantra a été développé en Inde au 10ème siècle comme un chemin vers la réalisation de soi pour les gens « ordinaires ». En ce sens, il a transcendé le système des castes et brisé le tabou. Et c’est toujours le cas. Le tantra (et le Yoga qui fait traditionnellement partie du tantra) nous invite à interrompre notre flux de pensées et à ressentir ce qui se passe dans notre corps au moment présent. Cette connexion avec notre corps permet de se détacher de notre ego et de voir les choses avec une nouvelle perspective. Il s’agit d’une expérience dans votre corps, de se connecter avec la nature et les autres. Et ça peut être aussi un chemin spirituel, si vous le voulez.

Ce qui est cool avec le tantra, c’est qu’il embrasse pleinement la vie et l’humanité avec ses côtés dramatiques et extatiques. Donc les bonnes et les mauvaises émotions peuvent être acceptées. La vie normale devient intense et super intéressante grâce au tantra. Sentir la beauté dans les petites choses, expérimenter nos sens profondément, cela peut être sauvage et ludique. Le sexe y est aussi vécu comme une expérience libératrice et extatique.

Si la sexualité est célébrée dans le tantra comme l’une des façons de faire l’expérience de la profondeur de votre être, elle n’est en réalité qu’une petite partie de ce qui est considéré comme « le tantra traditionnel de gauche ». Dans le tantra traditionnel, vous avez également « le bon chemin », une école qui est complètement ascétique et ne permet pas les pratiques sexuelles.

Il se passe quoi dans notre corps quand on a un orgasme ?
L’orgasme le plus étudié est un orgasme explosif, c’est une expérience de climax qui suit une excitation intense. Sur le plan purement physiologique, grâce à l’excitation produite par les pensées ou la stimulation physique des organes génitaux ou d’autres parties du corps, il y a une augmentation du flux sanguin vers les organes génitaux, une augmentation de la pression artérielle et du rythme cardiaque, une respiration lourde et bien sûr des contractions musculaires rythmiques extrêmement agréables dans le bas de l’abdomen.

Ce qui est fou, c’est que la partie pensante de notre cerveau, le cortex préfrontal, qui fait de nous une personne pensante logique, devient inactive. C’est pour ça qu’on est moins rationnel·les pendant les rapports sexuels. De plus, on produit un cocktail d’hormones telles que la dopamine, la sérotonine et l’ocytocine. C’est ce qui fait que les orgasmes sont des moments de bonheur auxquels on peut aussi devenir accro.

Ces observations expliquent l’orgasme d’un point de vue scientifique, mais elles n’expriment pas l’expérience unique, sublime et transcendante qu’un orgasme est réellement, ou du moins peut être.

Qu’est-ce qu’un orgasme « full body » ?
Un orgasme complet du corps est un orgasme où tout votre corps se sent orgasmique et pas uniquement vos organes génitaux. Il y a aussi un changement mental où vous vous perdez.

Les orgasmes « full body » peuvent être vécus davantage comme des « orgasmes de la vallée » : c’est-à-dire qu’au lieu de sprinter vers l’orgasme, quand vous allez atteindre votre point de non retour (pour les hommes, l’éjaculation), vous réduisez puis reconstruisez et jouez avec ces vagues sans qu’elles deviennent explosives. Après un certain temps, ces vagues peuvent se répandre sur tout votre corps, créant des expériences uniques, sublimes et transcendantes.

« Les orgasmes sont des états mystiques dans lesquels vous vous abandonnez et l’esprit peut difficilement les décrire et comprendre. »

Quand j’entends « tantra », je pense tout de suite au « hand-free orgasm ». Comment on peut jouir sans se toucher ?
Ce sont des orgasmes énergétiques… C’est très mystérieux. C’est un état orgasmique où vous jouez avec votre énergie sexuelle et dirigez votre excitation vers certaines parties de votre corps uniquement en concentrant votre esprit.

Ça peut paraître étrange parce qu’on associe les orgasmes à notre corps physique et en particulier à nos organes génitaux, mais je pense que n’importe qui peut développer cette capacité orgasmique. En même temps, écouter de la musique peut vous transporter à cause des vibrations et du lien émotionnel, donc ce n’est pas si différent. Ce sont simplement des états mystiques dans lesquels vous vous abandonnez et l’esprit peut difficilement les décrire et comprendre.

Les yogis et les tantrika dissèquent cela comme une expérience dans laquelle vous transcendez les limites de vos koshas (les yogis distinguent 7 koshas, ou corps différents, du corps physique au corps spirituel dans lequel nous arrivons à la réalisation de soi).

Ces orgasmes sont-ils tout aussi puissants qu’avec un contact physique ? Ou c’est une sensation différente ?
Je n’aime pas vraiment l’idée qu’il y ait une hiérarchie entre les orgasmes. Dans mon coaching individuel et dans mes ateliers et programmes en ligne, l’accent est mis sur l’acceptation et la découverte de soi-même en tant qu’être sexuel·le, et de pouvoir vivre ça à votre manière. L’idée c’est d’étendre et renouveler ses connaissances sans se sentir mal à propos de ce que vous vivez ou non.

On peut les comparer à des rêves humides ?
Pourquoi pas. Quand les rêves sont très lucides et que le sexe devient méditatif et qu’on entre dans un état onirique. Dans les deux cas, les frontières entre notre conscience et notre subconscient, et entre ce qui se passe physiquement et ce qui se passe énergétiquement et intuitivement, sont floues.

D’ailleurs, les rêves humides dans lesquels les hommes éjaculent de manière incontrôlable peuvent se produire sans excitation érotique et cela se produit également pendant les rapports sexuels éveillés.

« Notre sexualité est super complexe et peut indiquer des problèmes d’intimité. »

Pourquoi c’est souvent plus facile d’avoir un orgasme seul·e qu’avec quelqu’un ?
Tout d’abord, il y a aussi des gens qui ne peuvent avoir un orgasme qu’avec quelqu’un d’autre et d’autres (surtout des femmes) qui n’ont jamais eu d’orgasme.

Toutes ces situations sont normales, la bonne nouvelle, c’est que dans la majorité des cas, il n’y a rien qui cloche physiquement chez ces personnes. Il s’agit plutôt de blocages émotionnels et mentaux qui peuvent être traités.

Notre sexualité est super complexe et peut indiquer des problèmes d’intimité. Ça peut être lié à l’image qu’on a de notre corps, à l’amour-propre, à la honte inculquée par la société et / ou nos parents, à des expériences sexuelles désagréables du passé… Tout compte.

S’il est difficile d’avoir un orgasme avec quelqu’un d’autre, cela peut être dû à un manque de confiance en soi et au fait de ne pas se sentir suffisamment en sécurité avec quelqu’un. Ça peut être inconscient. Pour les hommes, il arrive parfois qu’ils regardent trop de porno, et ne trouvent donc pas le sexe « normal » assez stimulant. Ces hommes peuvent développer des troubles de l’érection et la  jeune génération est très sujette à cela.

Peut-être que vous avez stocké des expériences négatives du passé dans votre corps (votre vagin est comme une éponge, il retient tout) ? Donc votre corps vous sabote en quelque sorte et vous empêche de vous lâcher. En réalité, votre corps n’est pas conscient que vous connaissez les limites et que vous pouvez les garder. Je pense que le vrai problème pour presque toutes les femmes cis hétéros, c’est qu’elles ne sentent pas leurs limites et sont encore moins aptes à les communiquer à un·e partenaire. Du coup, de nombreuses femmes ressentent des douleurs pendant les rapports sexuels ou une sensation de brûlure ou même un engourdissement. Ces types de sensations indiquent toutes des émotions bloquées.

Les femmes hétérosexuelles cis sont encore souvent conditionnées à avoir des relations sexuelles pour l’homme et à plaire à l’homme, alors elles n’osent pas dire non ou simulent un orgasme parce qu’elles n’osent pas admettre qu’elles ont besoin de plus de préliminaires.

Il arrive aussi que des femmes ne puissent jouir qu’avec un vibro et sa stimulation mécanique. Ça peut faire disparaître la sensibilité du clitoris et par conséquent, le toucher de votre partenaire devient inintéressant.

Encore une fois, toutes ces situations sont très courantes. Il existe des moyens de les gérer afin que votre sexualité puisse s’épanouir en toute sécurité.

« Un point très important, c’est la masturbation. C’est essentiel de pouvoir expérimenter sa propre sexualité et de ne pas la rendre dépendante d’une autre personne. »

T’as des conseils à partager pour avoir des orgasmes plus puissants (seul·e ou avec quelqu’un) ?
Oh oui ! Ce qui est très important, c’est la masturbation, ou l’auto-cultivation, comme le décrivent si éloquemment les taoïstes. Faut s’y mettre, et il n’est jamais trop tard. C’est essentiel de pouvoir expérimenter sa propre sexualité et de ne pas la rendre dépendante d’une autre personne. Écrire votre propre histoire érotique vous permet de savoir ce que vous voulez ou ne voulez pas (apprendre à dire non est crucial).

La masturbation augmente aussi la confiance en soi, le sentiment d’être autonome et la libido. Pour les célibataires, rien ne vaut de se sentir pleinement aux commandes sexuellement. Si vous vous sentez bien dans votre peau et que vous appréciez qui vous êtes, vous n’irez pas en date par manque ou désespoir, mais parce que vous vous sentirez bien.

Voici quelques conseils cochons rapides :

  1. Abandonnez l’objectif d’avoir un orgasme. C’est ainsi que vous relâchez la pression. Explorez sans objectif. Écartez-vous de votre structure classique et laissez chaque instant vous surprendre. Les mecs, découvrez ce que c’est que de se masturber ou d’avoir des relations sexuelles sans éjaculer.
  2. Ralentissez, allez très lentement. Prenez le temps de toucher tout votre corps. Il faut en moyenne 40 minutes à une femme pour préparer la pénétration, alors attendez assez longtemps, presque jusqu’à ce qu’elle soit tellement excitée qu’elle vous supplie de la pénétrer, et demandez-lui avant de le faire.
  3. Restez présent dans votre corps à chaque fois que vos pensées prennent le dessus, ressentez ce qui se passe, toutes les sensations.
  4. Travaillez sur votre image corporelle – regardez votre chatte ou votre pénis dans le miroir. Soyez conscient·e de votre auto-critique et prenez du plaisir à vous regarder.
  5. Utilisez votre respiration : une respiration profonde et complète par la bouche permet aux sensations de plaisir de vos organes génitaux de se répandre dans tout votre corps.
  6. Faites du bruit, gémissez, criez ! Ça aide à faire circuler votre énergie sexuelle et à mettre en pause votre cerveau rationnel. Laissez la bête sortir. Ça rendra votre partenaire encore plus excitée.
  7. Bougez votre corps, tordez votre colonne vertébrale, bougez vos bras et votre tête.
  8. Autoriser les émotions : le sexe peut être effrayant car il nous rend extrêmement vulnérables. Des émotions réprimées plus profondes peuvent également faire surface lorsque vous vivez le sexe comme une expérience sauvage et libératrice. La tristesse ou encore la colère peuvent aussi faire surface.

Merci, on en fera bon usage.

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