microdosing LSD
Photo : Adobe
Drogue

Le micro-dosing de LSD a sauvé ma relation avec mon père et ma dépression

« Le LSD a débloqué mes frustrations et j’ai enfin réussi à m’ouvrir à lui. On a développé une relation père-fils dans la confiance et le respect. »
Marie Pilette
Brussels, BE

Vous avez peut-être tenté le LSD lors d’un festival de trance Goa, où vous avez parlé aux arbres, résolu le mystère de la vie et ouvert vos chakras. C’est super. David* (22 ans), vidéaste et photographe bruxellois et ancien dépressif, en a fait un usage tout à fait différent.

Pour vaincre sa dépression, il a pratiqué le micro-dosing de LSD pendant un an, suivant les recommandations d’anonymes sur Reddit ou sur des forums similaires. Le LSD a été pour lui un moyen de faire disparaitre petit à petit le voile noir qui s’était abattu sur son quotidien, et de renouer avec son père, avec qui le lien s’était quelque peu brisé.

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Cette démarche n’est pas sans risque. Le psychologue Michel Gottschalk, spécialisé dans les troubles de l’humeur, l’anxiété et les troubles stress post-traumatique, souligne qu’il n’existe pas encore d’études sérieuses sur le LSD et son effet sur la dépression : « À titre hypothétique, il est possible que le LSD aide dans le cas de l’alcoolisme et des troubles de stress post-traumatique, cependant, aucune étude réelle n’a encore été faite pour la dépression. Certaines expériences expérimentales démontrent que le mélange de LSD avec des cultures de neurones favorise la formation de nouveaux liens neurologiques. C’est donc la raison pour laquelle le LSD régulerait l’humeur. Mais encore une fois, tout cela reste hypothétique car ces expériences ne sont pas assez abouties. »

Sans référence scientifique fiable à laquelle s’accrocher, David* nous a raconté son expérience personnelle.

« À l’époque, j’étais parti vivre seul à Lisbonne pour finir mes études. J’ai fait une grosse dépression, celle qui te fait voir la vie en noir et que te fait sentir comme une merde. Un psychologue m’avait déjà diagnostiqué une dépression par le passé, donc j’ai reconnu les symptômes quand elle est revenue. Le problème, c’est que je ne savais pas comment gérer mon état dans une ville que je ne connaissais pas, et surtout, où je ne connaissais personne. J’ai eu ma première dépression à l’âge de 16 ans. À ce moment-là de ma vie, je n’avais pas ressenti le besoin de prendre de médicaments pour me soigner, mais cette fois, elle était beaucoup plus intense.

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« Certaines personnes écrivaient sur le forum que le LSD avait aggravé les symptômes de leur dépression. En gros, ça passait où ça cassait. Et si ça devait casser, je savais que ça pouvait être particulièrement violent. »

J’ai commencé à m’intéresser aux personnes qui micro-dosent le LSD à fréquence régulière. J’avais déjà entendu parler de cette pratique par le passé, mais uniquement dans des documentaires ou des échos assez flous. Pour en savoir plus sur le sujet, j’ai commencé à traîner sur Reddit où des utilisateur·ices anonymes partagent leurs expériences et les vertus du micro-dosing : état d’esprit plus positif, augmentation de la créativité, sensation de bien-être. Bref, tout ce qui me manquait.

Évidemment, je savais que le micro-dosing comportait des risques. Certaines personnes écrivaient sur le forum que le LSD avait aggravé les symptômes de leur dépression. En gros, ça passait où ça cassait. Et si ça devait casser, je savais que ça pouvait être particulièrement violent. Le LSD peut avoir des « répercussions de longue durée sur le cerveau et l'état émotionnel ». Il peut aussi provoquer des psychoses, de la paranoïa et des « retours en arrière ». Logiquement, je ne voulais pas acheter n’importe quoi chez le premier dealer du coin. Je suis tombé sur un site internet où il est possible de commander des cartons de LSD facilement. Je devais juste inscrire mes coordonnées et payer une dizaine d’euros pour que le LSD arrive dans ma boîte aux lettres, sans devoir aller sur le dark net.

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Une fois l’enveloppe arrivée, j’ai commencé à micro-doser en suivant les consignes des forums. Pour consommer le LSD, je mettais 10 millilitres de vodka dans un verre, puis je rajoutais 100 microgrammes de LSD. J’utilisais de la vodka car l’alcool permet de conserver la drogue, à l’inverse de l’eau distillée ou minérale abîme le LSD à cause du chlore et des minéraux. Ça peut paraître étrange car on sait que mélange d’alcool et de drogue n’est pas recommandé, mais on parle ici de doses tellement minimes que cela en devient inoffensif. Je laissais le mélange se diluer pendant 48 heures et je prenais une seringue de 1 millilitre pour doser ma consommation. Je gardais le reste du verre dans mon frigo.

« Cette drogue, c’est comme un cheval que tu dois dompter. Tu dois avoir une force mentale pour ne pas te laisser surmonter par ses effets. »

Au bout de deux semaines, les effets positifs se sont fait ressentir. Je voyais la vie de manière positive et je me sentais réveillé, plus apaisé. C’est d’ailleurs à ce moment-là que j’ai choisi d’en parler à ma famille et à mes proches. Je ne voulais pas en faire un secret d’Etat ; je voulais partager mon expérience car elle faisait partie intégrante de ma vie. Étrangement, mes parents ont réagi de manière assez neutre : ni encouragements, ni remarques négatives. En fait, je crois que dans leurs têtes iels se disaient : “C’est bizarre, mais fais tes bails.”

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D’ailleurs, un des changements les plus drastiques dans mon quotidien se situe dans la relation que j’ai aujourd’hui avec mon père. Depuis mon micro-dosing, mes rapports avec lui se sont grandement améliorés. Avant ça, notre relation était gênante et sans complicité. On aurait dit deux inconnus qui n’arrivaient pas à communiquer. Y’avait beaucoup de tabous et de non-dits que nous ne pouvions pas aborder ensemble. Je ne lui parlais jamais de ma vie, et lui non plus. Cette impossibilité à communiquer était due à la timidité que j’avais développée lorsque je me trouvais en sa présence. Le LSD a débloqué mes frustrations et même certains de mes traumatismes liés entre autres à mes relations amoureuses. J’ai enfin réussi à m’ouvrir à lui et on a développé une relation père-fils dans la confiance et le respect.

Depuis le micro-dosing, j’arrive à pardonner, chose que je ne faisais pas dans le passé. Et plus important encore, j’arrive aujourd’hui à me pardonner moi-même. Je vivais avec des rancœurs que je n’arrivais pas à effacer. Aujourd’hui, j’ai une bien meilleure capacité à communiquer mes émotions. Aussi, je comparais mes notes après chaque session de micro-dosing afin d’avoir du recul et pour suivre mes progrès. Je vois cette période de ma vie comme une expérience scientifique dont j’étais le cobaye.

« Je vois cette période de ma vie comme une expérience scientifique dont j’étais le cobaye. »

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Au-delà de l’aspect idyllique de mon récit, je tiens à souligner que tout n’était pas rose. Cette drogue, c’est comme un cheval que tu dois dompter. Tu dois avoir une force mentale pour ne pas te laisser surmonter par ses effets. Il m’est aussi arrivé une expérience très désagréable. La deadline de ma thèse approchait à grands pas et j’étais dans un état de stress intense. Pour essayer de me relaxer, j’ai décidé de micro-doser ce jour-là. Grossière erreur car mon stress s’est décuplé. C’était vraiment horrible. Du coup je sais que je ne dois pas micro-doser les jours où je suis très anxieux. En fait, tout dépend de ton environnement et de ton état d’esprit car la drogue reste imprévisible.

En faisant d’autres recherches sur l’histoire du LSD, je suis tombé sur les études du psychologue et auteur américain James Fadiman. Dans les années 1960, Fadiman remarque que de très petites doses de drogues comme le LSD donnent des effets complètement différents. Le régime qu’il préconis est alors suivi de près par les micro-doseur·ses : une dose de 10 à 15 microgrammes de LSD tous les trois jours.

En bref, le micro-dosing permettrait d’adopter un état d’esprit plus positif et créatif car le LSD agit principalement sur la production de sérotonine et de la dopamine - les hormones liées à la régulation des humeurs et du plaisir naturellement présente dans notre organisme. Mais là encore, l’efficacité au long terme du LSD sur notre corps n’est pas 100 % avérée.

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« Je réalise que si le LSD m’a aidé, il ne pourra jamais tout guérir. »

Je suis au courant que mon expérience fait très “freestyle”, c’est pour ça que je préfère parler de tout ça avec précaution et insister sur le fait que ce n’est pas un produit miracle. Quand l’on me demande si je recommande le micro-dosage autour de moi, je suis mitigé. Oui car le LSD peut mettre le doigt sur des problèmes enfouis en soi, et non car le danger que comporte une telle substance sur l’organisme est important.

D’ailleurs, je suis désormais de retour à Bruxelles et même si je me sens mieux, j’ai décidé d’entamer une thérapie. Ça fait des mois que je ne prends plus de LSD et je sentais que je redevenais mélancolique, donc ma mère m’a recommandé de commencer une thérapie. Je réalise que si le LSD m’a aidé, il ne pourra jamais tout guérir. Certes, j’assimile cette expérience à un réveil, mais parler, analyser et se dévoiler me semblent être des démarches primordiales pour se soigner. »

*À la demande du témoin, le prénom a été modifié.

Avertissement : VICE n'encourage pas l'utilisation de drogues, quelles qu’elles soient. InforDrogues fournit des informations complémentaires sur la législation et les risques liés à l’usage de drogues.

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