Sean (22 ans), artiste et étudiant à l’ERG
Je sentais mes mains qui commençaient à s’endormir et on me disait qu’elles commençaient à devenir blanches voir bleues. Ceux qui m’ont sorti de la première cellule, c’étaient des sucres. Perso, je suis du genre à dire qu’il y a des bons et des mauvais flics. Mais ces bons flics n'ont pas bougé quand leurs collègues tabassaient les petits. Dans la deuxième cellule où on m’a foutu, il y avait des petits en face de nous. À un moment, une dame est rentrée et je pense qu’un petit lui a dit quelque chose. Elle lui a mis une gifle et ses deux collègues lui ont mis des tartes et des coups de poing. Le petit s’est mangé des coups de coude, des coups de genoux, il s’est fait étrangler tout en se faisant tabasser. D’autres types m’ont dit avoir vu des flics lui cracher dessus. Iels avaient une vue directe sur la scène. Ça m'a choqué. Ils ont tapé deux ou trois autres mecs dans cette cellule mais lui, iels l’ont rentré à plusieurs.« Le petit s’est mangé des coups de coude, des coups de genoux, il s’est fait étrangler tout en se faisant tabasser. D’autres types m’ont dit avoir vu des flics lui cracher dessus. »
Steph* (22 ans), photographe
Quand le van est arrivé, iels nous ont entassé·es dedans – y’a eu zéro respect des mesures tout le long de l’arrestation. Il était déjà 18 heures et on était toujours dans la camionnette. À la caserne, iels étaient en sous-effectif. Quand on est entré·es dans la caserne, j’ai entendu une policière s’énerver sur son collègue : “Pourquoi vous en ramenez encore ?”, pendant que sa collègue s’inquiétait de louper son dîner raclette.On est arrivé·es dans une cellule bondée. On devait être une cinquantaine. Tout le monde fumait, y’avait zéro respect des consignes, et on entendait blindé de mecs crier. Au fur et à mesure, on a dû changer de cellule et nos affaires ont été confisquées entre-temps. Sur le chemin d’une cellule à l’autre, j’ai vu plusieurs mecs se faire violenter et un gamin se faire traîner par des flics, il devait avoir 15 ans, grand max. En voyant ça, la policière qui m’accompagnait a dit à son collègue : “Ça donne envie de donner des coups !”« J’ai vu plusieurs mecs se faire violenter et un gamin se faire traîner par des flics, il devait avoir 15 ans, grand max. En voyant ça, la policière qui m’accompagnait a dit à son collègue : “Ça donne envie de donner des coups !” »
Siham (33 ans), prof d’éducation à la citoyenneté
Au moment où j’allais déposer mes affaires pour qu’iels les scellent, j’ai vu un mec au sol avec quatre flics autour de lui qui lui shootaient dedans. J’ai demandé au flic qui m’accompagnait s’il cautionnait ça. Il m’a dit : “non”. Quand je lui ai demandé pourquoi il n’intervenait pas, il m’a répondu qu’on “ne dénonçait pas les collègues”. On a eu droit à autant de discours qu’il y avait de flics : on nous a dit qu’on allait passer la nuit au poste, qu’on devait attendre l’avis du bourgmestre, qu’on aurait une amende, puis qu’on n’en aurait pas... Je suis sortie vers 21h20 mais je sais que d’autres personnes sont restées plus longtemps.La semaine dernière, j’étais à la manif pour la culture. Il y avait 500 personnes tolérées, et je n’ai vu quasi aucun dispositif policier. Mais là, comme c’était une manif contre l’État, la justice et les violences policières, le dispositif était là pour décourager. Quand on est arrivé·es, il y avait déjà plein de contrôles et de l’intimidation pour nous empêcher de nous rendre à la manif. Hélico, chiens, autopompes, renforts… le dispositif était disproportionné. »« Quand je lui ai demandé pourquoi il n’intervenait pas, il m’a répondu qu’on “ne dénonçait pas les collègues”. »
Bali (23 ans), danseur professionnel
« C’est révoltant parce que t’entends plein de trucs racistes mais tu sais que si tu te révoltes, tu vas te prendre des coups. On est face à des gens qui n’ont pas assez de capacité cognitives pour regarder en dehors de leur schéma. »
Maryan (26 ans), photographe
Iels ont confisqué nos papiers et nous ont fait monter dans un grand bus. La raison ? “Vous verrez au commissariat, peut-être trouble de l’ordre public.” Une vingtaine de personnes nous ont rejoint dans le bus. On a roulé jusqu’à la caserne d’Etterbeek et on a poireauté environ une heure dans la camionnette. Il faisait super froid, et mes mains étaient gelées et serrées par les colsons. Un mec a fait une crise d’angoisse et les flics l’ont laissé comme ça, à le regarder par la fenêtre.« J'ai vu un mec tomber et convulser juste devant une cellule et cinq flics l’ont fait entrer dedans. »
Quand iels ont voulu vérifier mon identité, je leur ai expliqué que mes papiers avaient été confisqués et iels ont trouvé ça bizarre. Apparemment, c’est pas la procédure. Iels m’ont prise en photo. J’ai donné toutes mes affaires et signé un document pour pouvoir les récupérer après, et j’ai ensuite été transférée dans une autre cellule où je suis restée au moins quatre heures. Au total, ça a duré environ sept heures. Sept heures sans recevoir aucune information sur les motifs de l’arrestation ni les conséquences. Iels ont laissé sortir les gens un à un, cellule par cellule. Je ne sentais plus mes mains et j’étais épuisée et dégoûtée de voir à quel point peu importe tes droits, iels peuvent faire ce qu’iels veulent. Mais j’ai eu de la chance : j’ai pu aller aux toilettes, j’ai même reçu une gaufre et de l’eau et je n’ai pas été violentée. Par contre, j’ai vu des mecs mineurs sortir de là en boitant. »« J’étais épuisée et dégoûtée de voir à quel point peu importe tes droits, iels peuvent faire ce qu’iels veulent. »
Sylvain (31 ans), prof de math
On a attendu quelque temps dans le bus, puis on a été escortés jusqu’à la cellule. Quand je suis arrivé, la cellule était déjà pleine de pisse. On était une trentaine, dans une cellule pour laquelle c’était écrit : “Max 20 personnes”. Iels nous gueulaient dessus : “Fermez vos gueules”, “Asseyez-vous”. On s’est tous enlevé les colsons. J’ai fumé une cigarette. Il y avait beaucoup de cris, les gens étaient hors d’eux. Les jeunes de 16, 17, 18 voire 20 étaient nerveux. J’étais aussi stressé mais j’ai 31 ans donc je peux peut-être plus garder mon calme. Un groupe de policiers est arrivé, attiré par le bruit, et nous a provoqué. Le seul qui a osé répondre s’est fait descendre comme une merde. On nous a aussi fait comprendre que plus on voulait boire et aller pisser, plus on allait devoir attendre pour être libérés. Vu qu’iels m’avaient fait comprendre que j’allais subir un autre traitement si j’étais à la manif, j’ai dit que je n’y étais pas et que j’accompagnais juste quelqu'un à la gare. Sans doute par rapport à mon âge et mon boulot – les jeunes avec qui j’étais enfermé ont dit aux flics que j’étais prof de math –, iels m’ont bien considéré. J’ai signé un papier, que j’ai pas lu, et je suis parti. »*Noms d’emprunt.VICE Belgique est sur Instagram et Facebook. VICE France est aussi sur Twitter, Instagram, Facebook et sur Flipboard.« Quand je suis arrivé, la cellule était déjà pleine de pisse. On était une trentaine, dans une cellule pour laquelle c’était écrit : “Max 20 personnes”. Iels nous gueulaient dessus. »