Tout le monde aime les hôtels. Dans un hôtel, on retrouve cette vibe qui va bien au-delà des simples serviettes propres, des bonbons à la menthe forte ou des chaînes porno gratuites. Lorsqu’on entre dans une chambre d’hôtel et que l’on referme la porte derrière soi, on retrouve un calme particulier, une sensation de se mouvoir dans un monde parallèle, différent de notre misérable vie quotidienne. Nous vivons, au moins le temps d’une nuit, dans un endroit propre, insonorisé et parfaitement éclairé.
Ce qui nous amène droit à l’hôtel Anus. Enfin, plus précisément, vers l’Atelier Van Lieshout, CasAnus, 2007, un hôtel d’une chambre conçu et designé par l’artiste hollandais Joep van Lieshout. Cet hôtel laisse ses habitants réaliser leur rêve de toute une vie, celui dans lequel ils arpentent en toute liberté les parois d’un trou de balle de la taille d’une maison.
Videos by VICE
Bâti sur une petite île belge entre Anvers et Gand, l’hôtel Anus se tient là, au beau milieu des fourrés ; à l’origine, il avait été commandé dans le cadre de la Fondation Verbeke Sculpture Park – un projet architectural de 12 hectares –, la collection privée du couple Geert et Carla Verbeke-Lens. Je me suis longtemps demandé à quoi pouvait bien penser Joep lorsqu’il construisait ce truc, c’est pourquoi je lui ai demandé de m’en dire plus à propos de son colon ridiculement grand qui trône quelque part au milieu d’une clairière belge.
VICE : Salut Joep. Tout d’abord, comment as-tu eu l’idée de bâtir un hôtel en forme d’anus au milieu d’un pré ?
Joep van Lieshout : Eh bien, parmi les thèmes récurrents dans mon travail, on trouve celui des systèmes – les systèmes économiques, politiques, etc. – et celui du corps humain, que je considère comme un système parfait. Entre 2005 et 2008, j’ai travaillé sur une série de boulots ayant pour thème le corps humain et plus particulièrement les organes internes du corps humain, du cœur au foie, en passant par le rectum et les organes génitaux mâles et femelles. Le CasAnus fait partie de cette série – il reprend la forme du tube digestif. Il commence avec la langue, puis l’estomac, les intestins (le petit et le gros) et se clôture sur l’anus.
L’anus est-il anatomiquement exact ?
CasAnus est anatomiquement correct en effet, mais la dernière partie du gros intestin a été enflée, grossie, afin de pouvoir accueillir une chambre d’hôtel.
Comment l’avez-vous construit ? Avec quels matériaux ?
Nous l’avons bâti dans notre espace de travail, l’Atelier Van Lieshout, puis nous l’avons installé sur le site. Il est fait de bois, de mousse de polyuréthane et est recouvert d’une couche de fibre de verre naturelle – ou polyester renforcé – et colorée. Ce matériau, c’est la marque de fabrique de notre studio.
Combien de temps ça vous a pris pour construire l’anus entier ?
Quelques mois, tout au plus. Notre studio est habitué à bosser sur des projets de grande ampleur et des commandes de ce genre. Cet été, nous construisons une structure métallique de 12 mètres de haut qui sera à la fois une œuvre d’art, un haut-fourneau et un espace à habiter. Nous avons également fait une machine à milkshake/scierie de recyclage de viande humaine, une usine à fromage et d’autres pièces du même genre.
Quelles ont été les réactions vis-à-vis de CasAnus ?
Je dirais qu’elles ont été en grande partie positives. Les invités adorent dormir dans une œuvre d’art, surtout dans un environnement si calme, si isolé. La presse s’intéresse toujours à nous huit ans après la finalisation du projet.
Combien de personnes accueillez-vous chaque année ?
Quelque chose comme 200, 250 personnes.
Pouvez-vous me parler brièvement du BarRectum, qui fait également partie de votre série ?
Le BarRectum vient d’une idée similaire à celle de CasAnus, à ceci près que celui-ci contient un bar et pas une chambre d’hôtel. Le BarRectum possède aussi une trappe qui permet de se servir des cocktails. C’est aussi la propriété de l’Atelier Van Lieshout et il a été exposé partout dans le monde – à chaque fois, il était utilisé en tant qu’œuvre et en tant que bar, simultanément.
N’avez-vous jamais ressenti la moindre culpabilité à l’idée d’exhiber un anus géant dans les prés ?
Oui, parfois – je regrette de ne pas l’avoir gardé pour nous !
Suivez Benjamin sur Twitter.