Six années dans les banlieues françaises, d’Amiens à Marseille

Cet article est extrait du numéro « De l’autre côté du miroir ».

Je ne l’ai jamais rencontré, en fait. Pourtant, je l’ai cherché sans relâche des années durant, au cours de mes entraînements de foot, quelque part dans une banlieue anonyme et tranquille de la région bordelaise. J’ai tenté de l’apercevoir en cours de maths, dans une salle de classe aseptisée d’un collège rénové de Bègles. Plus tard, j’ai tout fait pour le croiser dans des quartiers catalogués comme « chauds », des ruelles dites « coupe-gorge », des clubs jugés « tendus ». Toujours aucun signe. Lui, c’est le « jeune de banlieue », figure honnie et adorée, toujours essentialisée, jamais palpable.

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Arlésienne du discours médiatique et politique hexagonal, il est celui qui, à chaque élection, est systématiquement défendu – lorsque l’on parle politique de la ville, échec scolaire et intégration par le sport – ou dénoncé – dès lors que les termes « islam », « délinquance » ou « drogue » pointent le bout de leur nez. Pourtant, il n’existe pas. Il est l’ombre pour laquelle on lâche ses véritables proies que sont Yanis, Moussa et des milliers d’autres jeunes bien réels, qui vivent dans des quartiers périphériques, au taux de chômage élevé, abandonnés par les pouvoirs publics. Pas de jeune de banlieue, donc, mais des trajectoires uniques, dont certaines sont évoquées par Hervé Lequeux et Sébastien Deslandes dans leur ouvrage Une jeunesse française, disponible aux éditions André Frère.

Le premier, photographe, a passé près de six années en compagnie du second, journaliste. Six années, de multiples destinations, et une même logique : traverser la France du nord au sud, des quartiers nord d’Amiens aux quartiers nord de Marseille, pour décrire une réalité – des réalités, devrais-je dire – que l’on aborde très souvent sous un angle dramatique. Certes, rien de rose au pays des bâtiments vétustes, des écoles délaissées par l’État, et de l’absence de perspective économique. Sauf qu’Une jeunesse française dépasse les marronniers éculés pour s’attacher à décrire le quotidien de quelques jeunes, croisés au hasard des rencontres, des cooptations et des échanges.

Comment parler d’une jeunesse quand celle-ci relève bien plus de la construction médiatique que du monolithe sociologique ? Eh bien, en la laissant justement parler, en la poussant à évoquer d’elle-même ce qui l’anime, ce qui la frustre, ou ce qui la passionne. J’ai rencontré Hervé et Sébastien, pour en savoir plus sur ce projet, et sur ces jeunes.

Ali, 15 ans, et ses amis de la cité. La cage d’escalier reste le seul endroit où ils peuvent se retrouver la nuit. Villetaneuse, Seine-Saint-Denis.

VICE : Bonjour Hervé, Sébastien. Pouvez-vous me parler de l’évolution de votre projet ?
Hervé Lequeux :
La base de ce projet, c’est 2009. On se retrouve dans un énorme squat africain, rempli de personnes luttant pour avoir des papiers. Au bout de huit mois avec eux, on a compris que ceux qui arrivaient à choper des papiers finissaient par s’installer très souvent en banlieue. Autour de ces familles gravitaient des gamins, nombreux. Après avoir réalisé un documentaire multimédia sur le sujet, on a décidé d’aller plus loin et de s’intéresser spécifiquement à ces jeunes.

À l’été 2010, on a contacté une association qui allait chercher des gamins au pied des tours de Villetaneuse, dans le 93, pour leur proposer des formations, des conseils. Cette démarche-là nous intéressait, et on a suivi les éducateurs, avant de rencontrer les jeunes. L’accueil a été assez chaleureux, surprenant. Au final, on est restés deux mois et on a documenté le quotidien de ces jeunes, qui passaient l’été sur ce qu’ils appelaient « le parking », leur terrain de jeu situé sur le toit d’un parking. On a voulu bâtir un huis clos à partir de ça. Peu à peu, on a tissé des liens forts avec les membres de l’asso. On les a retrouvés en septembre, lors des formations de certains jeunes. On n’a donc pas suivi « la jeunesse des banlieues » mais simplement Yanis, Moussa, et d’autres. On a suivi quelques jeunes auprès de leur famille, de leurs amis, dans les cages d’escalier – même si ça n’a pas toujours été facile, vu qu’ils mettaient parfois des barrières.

Un jour, un magazine nous a contactés pour publier nos photos, puis nous a demandé d’aller à Asnières, dans un quartier touché par la mort d’un gamin de 15 ans après une rixe. On évitait alors ce genre de situations tendues, avec une police omniprésente. On a quand même dit oui, et on a été surpris de constater que les jeunes sur place nous ont acceptés, alors qu’ils rejetaient les autres médias. En fait, on leur montrait les images de ce qu’on avait fait avant, et ça avait tendance à les rassurer.

« L’islam permet à certains quartiers de ne pas sombrer dans l’anarchie, en préservant un semblant d’ordre, c’est un fait. » – Sébastien Deslandes

Ces jeunes étaient hyper tendus, malheureux après la mort de leur pote. Ils ne comprenaient pas qu’une simple dispute entre quartiers ait abouti à ça. On a donc évoqué une nouvelle problématique de ces quartiers : la violence. Sébastien, avec son don éditorial, a compris qu’on commençait à avoir pas mal de matière. Un gars que j’avais connu il y a 20 ans à Paris, un mec du milieu du rap de l’époque, de la Ouf Mafia, m’a coopté et m’a dit de me rendre dans un bar du quartier, dans lequel des jeunes se rendaient très souvent. Là, on tombe sur Saber.

À partir de ce moment-là, on est sans filet. On ne bosse pour aucun magazine. Un appel à candidatures du Centre national des arts plastiques, le CNAP, nous pousse à envoyer un dossier, dans lequel on disait qu’on aimerait bien continuer notre projet, et de l’étendre à la France – en proposant la ligne imaginaire Amiens nord/Marseille nord. Le CNAP valide et débloque un petit budget. On continue notre projet dans le 78 au côté de Saber, habitant des Mureaux – juste à côté de Poissy, des usines Renault de Flins. On était en plein dans les cités ouvrières. Pour les jeunes du coin, les opportunités sont maigres, hormis dans la manutention. C’est pour cela qu’ils passent tous leur CACES. Ils ont un côté très pragmatique : faire de l’intérim, et conserver des projets en parallèle. C’était notamment le cas de Saber, qui gérait sa propre société de vente de sandwiches à la sortie des boîtes parisiennes. Tout ça est hyper symptomatique d’une jeunesse débrouillarde, qui cumule les petits jobs.

Nous, la problématique qui nous intéressait le plus à l’origine, c’était la déscolarisation des jeunes de 15 ans. À partir de là se sont greffés d’autres enjeux. Certes, on connaissait tout ça, mais de loin. Une fois sur place, vous comprenez que ces jeunes veulent bosser dès 16 ans pour gagner du fric, pour remplir le frigo – très souvent vide.

Sébastien Deslandes : En fait, c’est le terrain qui a fait émerger les problématiques. Au début, on n’avait aucune idée de l’ampleur du projet. C’est avant tout une question de rencontres, de cooptations. Notre apprentissage des quartiers a été progressif. On se départit peu à peu de nos préjugés. Avec Saber, on comprend certains codes, certaines règles tacites – du genre, quand tu rentres dans un quartier, mieux vaut aller voir un ancien pour être accepté.

Là, je saute quelques étapes, mais on a réussi à accéder à certains quartiers de Marseille grâce à des contacts faits aux Mureaux. Un mec qu’on connaissait du bar, via une connexion faite en prison, nous a permis d’accéder aux quartiers nord. « Accéder », c’est un bien grand mot, hein. Tout reste à faire sur place. C’est surtout pour un premier contact. Après ça, il faut que tu tiennes ta parole, que les mecs te sentent, que tu tiennes les murs avec eux. Ça demande du temps.

Hervé Lequeux : Oui, on passait beaucoup de temps à les écouter. On était surtout dans le recueil de paroles. Surtout, ce qu’on ne voulait pas, c’était venir avec nos questions et nous contenter de recueillir des réponses.

Sébastien Deslandes : Après, il nous a fallu isoler certains jeunes pour pouvoir discuter avec eux. En groupe, la parole est moins libre, évidemment.

Au fil de nos discussions, de nouvelles problématiques ont germé. C’est ce qui nous a conduits jusqu’à Lyon – ville dont la dimension historique nous a toujours intéressés. On s’est dit que trente ans après la marche des Beurs, il fallait interroger l’héritage de cet événement.

Moidam, un jeune des quartiers nord de Marseille, dévoile une arme qu’il utilise pour dissuader la concurrence dans la rue.

Vous évoquez tous les deux des problématiques qui ont peu à peu germé. Tout au long du livre, une question semble tout de même apparaître avec régularité : celle de l’emploi. Pourquoi avoir privilégié ce thème ?
Hervé Lequeux : En fait, on n’a absolument pas choisi de parler d’emploi, d’économie ou de chômage. On parle de ce dont on nous a parlé. Après, on évoque d’autres thématiques importantes, comme le deal, très présent à Marseille. Malgré tout, prendre en photo des sacs remplis de drogue, ça ne nous passionnait pas – sachant qu’évidemment, cette thématique du deal est fortement liée à la question de l’emploi. Pas mal de gars de la Busserine, à Marseille, bossent dans le deal comme s’il s’agissait d’une agence d’intérim : quatre heures par ci, trois par-là. Ils ne sont pas à temps plein.

Sébastien Deslandes : Ces gars jonglent avec ce qu’on leur propose. Saber, par exemple, se rend à des formations au cas où. Ça lui permet d’avoir plus de cordes à son arc.

Hervé Lequeux : En plus de ça, le réseau professionnel se fait dans le quartier, sur le bitume. Quand un type a besoin d’un gars pour déménager des trucs, faire quelques travaux, il demande aux gars du quartier.

Yanis et Gavou marchent au pied de la cité Félix-Pyat, à Marseille.

Et quel regard portent-ils sur la religion, et notamment l’islam ?
Hervé Lequeux :
Disons que la plupart des jeunes rencontrés dans ces quartiers ont tendance à affirmer haut et fort leur foi, de manière plus « véhémente » que leurs parents. Comme ils ont l’impression de n’être ni Français, ni Marocain, ni Algérien – et que sais-je encore – ils trouvent une identité de substitution : l’islam. On a croisé de nombreux jeunes en quête d’identité, tout simplement.

Après, il faut relativiser cela : ces jeunes, s’ils revendiquent leur foi, fument des joints en parallèle.

Sébastien Deslandes : Ils sont loin du salafisme, c’est clair. Après, ils sont généralement conservateurs. L’islam permet à certains quartiers de ne pas sombrer dans l’anarchie, en préservant un semblant d’ordre, c’est un fait. Tu as des règles, un code de conduite.

« Quand on a commencé notre travail dans ces endroits, Uber n’existait même pas en France, mais on avait déjà remarqué la surreprésentation des idées libérales parmi ces jeunes. Tu fais face à des mecs qui cumulent les jobs, qui sont ultra-débrouillards et qui, surtout, n’attendent plus rien de l’État. » – Sébastien Deslandes

Il faut également noter la montée en puissance des églises évangéliques dans ces quartiers. On parle très souvent de l’islam, et à raison, mais ce n’est pas que ça. C’était notamment le cas à Clichy-sous-Bois.

Hervé Lequeux : La communautarisation des quartiers existe, il ne faut pas se voiler la face.

Sébastien Deslandes : Je vais quand même apporter une petite nuance, qui dépasse la simple fumette. Un mec des Mureaux qu’on connaissait bien, qui affirmait être très religieux, nous a avoué un jour qu’il venait d’avoir un gamin hors mariage ! On voit que les choses ne sont jamais aussi simples. Le fait religieux est là, de manière parfois très visible – comme à Marseille ou à Vaulx-en-Velin. Ces jeunes sont bien souvent conservateurs moralement, et libéraux sur le plan économique.

Oumar (à gauche), 29 ans, travaille comme ouvrier dans le bâtiment. Il multiplie ainsi les travaux de réhabilitation dans le quartier du Chêne-Pointu, à Clichy-sous-Bois.

On a effectivement l’impression que les jeunes rencontrés sont très favorables à des entreprises comme Uber, et au principe de « flexibilité » du travail.
Sébastien Deslandes : Tout à fait, et c’est d’ailleurs pour cela que j’ai toujours beaucoup de mal à comprendre pourquoi les quartiers votent à gauche. Quand on a commencé notre travail dans ces endroits, Uber n’existait même pas en France, mais on avait déjà remarqué la surreprésentation des idées libérales parmi ces jeunes. Tu fais face à des mecs qui cumulent les jobs, qui sont ultra-débrouillards et qui, surtout, n’attendent plus rien de l’État. C’est ça le point le plus important, celui sur lequel ils se retrouvent.

Et vous n’avez jamais été confrontés à une politisation de certains jeunes qui, conscients de l’abandon de ces quartiers par l’État, auraient décidé de prendre les choses en main en choisissant, pourquoi pas, de conquérir une mairie ?
Sébastien Deslandes :
Ça, ça commence à émerger ! Des gars de Vaulx-en-Velin avaient en tête de faire une grève générale dans le quartier, par exemple. Mais il est certain que la révolte est plus souvent identitaire que sociale – on tombe dans la lutte « ethnique », alors qu’on pourrait être dans la lutte de classes pure et simple.

Le jour de l’Aïd, Wafa accueille les femmes a la mosquée. Saint-Étienne

Ce qui frappe également – même si ce n’est pas surprenant – c’est la proximité du mode de vie de ces jeunes. Un gars de Clichy-sous-Bois a plus de points communs avec un mec des quartiers nord de Marseille qu’avec un type du XIe arrondissement parisien.
Sébastien Deslandes : Évidemment. Ça, on n’en a pas vraiment conscience dans les centres-villes. Il faut vraiment passer du temps dans ces quartiers pour le comprendre. Ces types, dès leur plus jeune âge, sont confrontés à la violence, et ça se sent.

Hervé Lequeux : Quand tu tombes sur le regard de certains gamins de 9 ou 10 ans, tu comprends qu’ils n’ont absolument pas eu la même enfance que les autres.

Sébastien Deslandes : En effet, à Marseille, certains gars du quartier sont très jeunes, mais ça reste un cas un peu à part. Il faut savoir que ces gars-là se connaissent depuis le bac à sable. Quand tu as 25 ans, tu connais tes amis depuis plus de 20 ans.

N’avez-vous pas eu de mal à vous intégrer, quand on sait que la plupart des journalistes qui se rendent dans les banlieues y vont comme s’ils allaient au zoo, pour des périodes très courtes et des images sensationnalistes ?
Sébastien Deslandes :
Tu sais, nous, quand on arrive, on est des flics aux yeux de ces jeunes. Après, on a choisi d’avoir toujours sur nous un petit fascicule qui résumait le travail qu’on avait effectué dans d’autres quartiers, pour être acceptés. Mais ça prend du temps, la faute à pas mal de choses, dont des journalistes qui avaient promis de revenir dans ces quartiers mais qui ne l’ont jamais fait. Tu arrives, tu es en terrain miné. C’est pour ça qu’il faut s’y rendre à de nombreuses reprises, et pendant longtemps. Et puis il faut y aller progressivement, de zone en zone, en respectant ce qu’on te dit.

Hervé Lequeux : Une fois, à Vaulx-en-Velin, ça s’est mal passé, et c’était ma faute. Une voiture venait juste de brûler, et comme on était dans le coin j’ai décidé de prendre quelques photos en allant voir un groupe de jeunes dont je connaissais un membre. Là, ils m’ont caillassé sans attendre, parce que j’avais repris mes réflexes de photographes de breaking news et que je n’avais pas demandé l’autorisation.

Quel regard ces jeunes portent-ils sur les forces de l’ordre ? En parlent-ils souvent ?
Sébastien Deslandes :
Disons qu’ils ont tellement intégré cette thématique qu’ils n’en parlent presque pas.

Hervé Lequeux : Les liens sont très particuliers entre la police et les jeunes, presque schizophréniques. Tu sais, quand on s’est rendus dans les quartiers nord de Marseille, les jeunes nous ont parlé de la façon dont ils graissaient la patte de la BAC. Quelques mois plus tard, la BAC Nord de Marseille tombait…

Cette schizophrénie est partout, dans leur identité aussi. Hamza, un type que l’on a rencontré, m’a dit que tous ces jeunes, qui affirment être rebeus, péteraient un plomb s’ils allaient au bled.

Justement, cette question d’identité, parlons-en. Comment ces jeunes se positionnent-ils vis-à-vis du pays d’origine de leurs parents, ou grands-parents – pour ceux qui descendent d’immigrés, évidemment ?
Sébastien Deslandes :
Quand on évoque ce sujet, il faut faire preuve de finesse. Leur première identité, c’est le quartier, et pas un pays étranger, dont il porte le maillot de foot, mais qu’ils connaissent à peine. Tu es d’abord d’un quartier, puis d’une ville, avant d’être d’un pays. Tu remarques ça rien qu’au niveau du vocabulaire : les jeunes utilisent un argot différent.

Hervé Lequeux : De toute façon, ces jeunes adaptent leur vocabulaire à leur interlocuteur. Souvent, on discutait avec eux, et d’un coup ils se mettaient à parler entre eux dans un jargon incompréhensible.

Sébastien Deslandes : Saber avait une capacité extraordinaire à modifier son vocabulaire suivant son interlocuteur, oui. Il faut dire que sa trajectoire est tout de même assez unique, vu qu’il a fini par rejoindre les Indignés en Grèce. Quand tu arrives à maîtriser autant les codes du quartier que les codes du « reste » de la société, tu es le roi du monde. C’est d’ailleurs ceux qui y arrivent qui s’en sortent le mieux.

À l’opposé, tu as Ali de Villetaneuse, dans le 93, qui ne s’exprime qu’en monosyllabe et qui ne sort jamais du quartier, par peur de faire une mauvaise rencontre dans le quartier d’à côté. Quoi qu’il en soit, il serait incapable de modifier son comportement, de l’adapter à son environnement.

Pendant une fête foraine, Saber et un ami s’amusent comme des enfants. Saint-Étienne.

Ces jeunes, que pensent-ils de l’école ? Dans le livre, ils semblent souvent répéter qu’ils détestent s’y rendre.
Sébastien Deslandes :
Il y a plusieurs éléments. D’abord, les jeunes que tu évoques sont âgés de 15 à 17 ans. Je suis à peu près sûr que n’importe quel jeune de cet âge n’aime pas spécialement aller à l’école. Il faut avoir ça en tête. Ensuite, ce qui est choquant, et ce qui me soûle en tant que passionné d’histoire, c’est d’entendre à tous les coins de rue que « Charlemagne, ça ne sert à rien », que les classiques ne servent à rien. Pour eux, l’école, c’est une perte de temps.

Hervé Lequeux : Je vais sans doute me répéter, au risque d’être chiant, mais on ne parle pas de la « jeunesse des banlieues ». On parle de Yanis, de Saber, de Moussa – des jeunes qu’on croisait au pied des tours, dans des quartiers difficiles. Après, il y a tout un tas de jeunes que tu ne vois jamais, parce qu’ils ne traînent jamais dans le quartier. Ils vont en cours, ils bossent, etc. Le gars qui fait maths spé aux Mureaux, tu ne le croises jamais. Il ne faut pas oublier que les « jeunes de banlieue », comme on les appelle, sont nombreux à passer le bac sans aucun problème.

Tout ça ne doit pas occulter le fait que les écoles dans ces quartiers sont complètement ghettoïsées, remplis d’élèves ayant des difficultés sévères, de profs sans expérience. C’est ça la réalité : devoir partager sa chambre de Clichy-sous-Bois avec ses frères et sœurs, ne pas pouvoir étudier, et donc choisir de passer ses soirées avec ses potes en bas des tours plutôt que de tenter de réviser sans succès.

Merci beaucoup, Messieurs.

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