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Simon à gauche, avec Mykki Blanco et Belle. Photos : Simon Thiébaut 

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La vie des autres

Dans la peau d'une personne transgenre

Une semaine dans la vie de l'artiste Simon Thiébaut, figure de la scène queer et trans parisienne.

Pour ce nouvel article tiré de notre série « La Vie des autres », on a filé un appareil photo à Simon Thiébaut, artiste visuel parisien transgenre – ou, on peut le dire comme ça, partisan du mélange des polarités sexuelles. Simon est disc jockey, mannequin, photographe, diplômé des Beaux-Arts, et jeune figure de la scène queer/trans de la capitale française. Depuis deux ans, il s’occupe principalement de l’organisation de ses soirées ParkingStone à Montreuil.

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Aujourd’hui, de plus en plus d’individus remettent en cause la rigidité de la frontière entre le masculin et le féminin. C’est le cas de Simon. Il fait partie de cette nouvelle génération, en besoin de reconnaissance, qui veut s’affranchir des normes du genre et lutter contre les préjugés qui vont avec.

Simon a donc photographié une semaine de sa vie, comme ça, à la volée. Puis, à la réception de ses clichés, on a échangé par e-mails pour évoquer son quotidien – le plus souvent nocturne –, sa vision du mouvement gender fluid, et la dimension politique de ce dernier.

Bryn Barnett lors d'une soirée ParkingStone

VICE : Salut Simon. Comment se déroulent tes journées, généralement ?
Simon : Elles débutent généralement en fin de matinée. Mon mode de vie est plutôt nocturne et il est rare pour moi de me coucher avant 4 heures du matin. Depuis que j'ai quitté Paris pour la banlieue proche il y a un an, je passe le plus clair de mon temps à travailler à distance depuis ma maison. Le temps s'allonge, j'ai plus d'heures devant moi pour tout ce que j'ai toujours voulu entreprendre. Loin de toute distraction futile. La nuit, c'est une autre histoire.

Il y a effectivement beaucoup de clichés de soirées dans tes photos.
C'est en effet majoritairement des clichés pris la nuit. On retrouve cinq soirées : un anniversaire entre amis, une soirée queer AmourAMort au Supersonic à Bastille, les 25 ans du festival Thunderdome à Utrecht, une soirée Halloween organisée au Palais des congrès de Liège, et un événement ParkingStone édition 12 que j'organisais au Chinois à Montreuil. Ces cinq évènements réunis reflètent plutôt bien ma vie et l'univers dans lequel j'évolue. Les photos parlent d’elles-mêmes.

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Margueritte Krüger, lors d'une soirée d'anniversaire

Je vois. Et qu’est-ce que le mouvement gender fluid, pour toi ?
C'est un terme très général qui représente la liquidation des frontières entre masculin et féminin. La binarité est remise en cause, comme tous les codes associés au genre. Il s'agit d'un phénomène de désidentification qui trouve aujourd'hui son nom et s'exprime sous un nouveau jour, avec plus d'intensité. Une nouvelle jeunesse s'affirme, décomplexée et libre, socialement et sexuellement, en s'affranchissant de la domination patriarcale.

Personnellement, j'assumais jusqu'à récemment une identité gender bender / fucker, mais je ne me considère plus que comme transgenre aujourd'hui. Je ne m'attache néanmoins pas trop à un terme ou une identité fixe car je considère l'expérience identitaire comme un voyage. J'ignore vers où mon identité me mène mais je sais que la catégorisation est un cloisonnement et un étiquetage des corps.

Beaucoup de termes s’entrecroisent, j’ai l’impression…
C’est le cas. Mais il faut aussi être précis. Le terme transgenre est encore bien trop souvent assimilé à l'univers drag-queen, ou aux travestis. Il y a donc encore beaucoup de boulot à faire. L'image transgenre dans la conscience collective reste encore trop associée à des personnages de productions télévisées – séries, porno, téléréalité, etc. – qui ne rendent pas compte de la réalité dans sa diversité.

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Andy Bradin, lors d'une soirée AmourAMort

Dis-moi, quel pronom personnel voudrais-tu qu’une personne utilise pour parler de toi ?
Pour ma part, mon pronom personnel reste neutre. Je refuse de m'identifier à un elle ou il. Mon interlocuteur choisira de lui-même le pronom qu'il aura décidé de m'attribuer. Je n'y attache aucune importance. Je ne suis pas un homme, je ne serai jamais une femme.

Tu penses que la binarité du genre peut devenir obsolète d’ici quelque temps ?
Je ne vis pas cette norme dans le milieu professionnel et social dans lequel j'évolue, ni dans mon entourage, donc je ne saurai répondre. La norme binaire sera rompue lorsqu'une personne transgenre sera considérée au même titre qu'une femme ou un homme, et pas uniquement pour sa supposée « transgression ». Combien de temps ? J'espère le moins possible ! Bientôt, avec les progrès scientifiques, nous n'aurons même plus besoin d'organes génitaux : ça évitera de se poser la question. En attendant Ghost in the Shell ou Blade Runner IRL, nous devons continuer à questionner les normes du sexe et du sexisme.

Casual Gabberz lors d'une soirée Halloween, à Liège

Le mouvement gender fluid, c’est principalement une révolution vestimentaire et culturelle, ou c’est plus que ça ?
L'apparence est un vecteur identitaire, c'est une certitude. Penser que sa seule expression est une révolution, c'est être naïf. Ces dernières années, de plus en plus de modèles transgenres défilaient pour de grands créateurs. Il aurait pu s'agir d'une passade, mais la tendance s'affirme. Outre les considérations politiques, je pense que l'apparence des gens est un outil fantastique d'expression.

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Dans tes photos, j’ai vu des images d’une manifestation. Tu milites ?
Il s'agissait de l'Existrans. Menons un combat à la fois. Les droits, le respect, la parole et la visibilité des personnes trans, ça reste le mien. Ce combat, j'ai choisi de l'aborder dans ma pratique artistique, dans mes soirées, dans ce que j'entreprends – mais peu dans une démarche « militante » et engagée au sens classique du terme. Il s'agit avant tout pour moi de donner à cette revendication une visibilité comme une autre.

Merci Simon !

Retrouvez Félix sur son site.

Simon a un site internet. Il est aussi sur Instagram.

Hall d'entrée du festival Thunderdome

Boe Strummer, lors du festival Thunderdome

Marche Existrans

Raya Martigny, modèle transgenre, lors de la marche Existrans

Théo Demans, lors d'une soirée d'anniversaire

Rich Aybar, lors d'une soirée d'anniversaire

Bianca Tanchay, lors d'une soirée d'anniversaire