Lévrier afghan
Toutes les photos sont de Mathilde Martin.
Culture

Week-end au poil avec les candidats d'un concours de lévriers afghans

Deux épreuves attendaient les chiens et leurs maîtres ; un concours de beauté et une course-poursuite avec leurre.

À Cérilly, dans le petit village où j’habite au milieu de l’Allier, il ne se passe pas grand-chose. Alors quand je suis tombée sur le flyer d’un concours canin de lévriers afghans et de salukis (l’autre nom pour désigner les lévriers persans) se déroulant à cinq minutes de chez moi, mon sang n’a fait qu’un tour : je devais en être.

N’ayant jamais vu ce type de chiens en vrai, c’est avec un vieil appareil caméscope Sony et mes yeux d’enfant que j’ai débarqué un samedi à 7 heures du matin au parc des Expositions de mon patelin, un grand espace vert entouré d’un bâtiment qui ressemble à une usine désaffectée, inexplicablement serti de drapeaux du monde entier.

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Là, à perte de vue, se côtoyaient lévriers afghans et salukis, accompagnés de leurs propriétaires qui n’attendaient qu’une chose : faire concourir leurs clebs et gagner.

Qu’est-ce qu’un lévrier afghan ? Selon Wikipédia, c’est une race canine originaire d’Afghanistan qui appartient au groupe de chiens n° 10, section 1 du classement établi par la Fédération Cynologique Internationale. Dans son pays d’origine et ceux limitrophes, il est utilisé principalement comme chien de chasse (l’une de ses proies n’est autre que la panthère des neiges, déso Sylvain Tesson) ou de berger. Les premières représentations de lévriers afghans qui attestent son existence remontent à plus de 2 000 ans avant J-C.

« Dans le film préféré de ma femme, il y avait un lévrier afghan, c’est pour ça que je lui ai offert son premier. Depuis on voyage dans toute l’Europe avec nos chiens, Alexandre Dumas et Karl Lagerfeld. »

En Occident, on le connaît surtout depuis les années 1970 comme un chien de luxe, dit « de salon ». Ce qui ne l’empêche pas de concourir comme chien de course sur cynodrome ou en milieu naturel. Personnellement, j’ai toujours trouvé que ce canidé, en photo, dans des films ou des dessins animés, dégageait une certaine classe.

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Le concours auquel j’assiste est organisé par le club Falapa (acronyme du club français des amateurs de lévriers d’Asie, persans et afghans) et se déroule comme suit : le premier jour est dédié à un concours de beauté, le lendemain à une course-poursuite à vue sur leurre (dit « coursing » en anglais) qui commence à 6 heures du matin pour que les chiens n’aient pas trop chaud en ces temps de canicule.

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Dans le parc, tout le monde s’affaire pour préparer son animal en attendant les juges. Ça passe par des coups de brosse, de sèche-cheveux ou de laques, ainsi que des achats de dernières minutes ; collier sertis de pierres brillantes et de broderies. Chaque chien est bichonné selon les standards mis en place par la Fédération Cynologique Internationale pour ces deux races. Parmi les critères de beauté choisis, la Fédération met notamment l’accent sur la dentition, la croupe et – pour les mâles – deux testicules d’aspect normal et complètement visibles.

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J’ai le temps de discuter avec quelques participants afin de mieux comprendre ce qui les a poussés à acheter un lévrier et à participer à ce concours : « Dans le film préféré de ma femme, il y avait un lévrier afghan, c’est pour ça que je lui ai offert son premier. Depuis on voyage dans toute l’Europe avec nos chiens, Alexandre Dumas et Karl Lagerfeld, et notre fils pour les concours », me raconte un éleveur venu de Suisse.

Plus loin, je rencontre Sauvage et ses maîtres : « Il est super photogénique, on prépare donc un tour du monde où on va le prendre en photo dans des endroits insolites et organiser une exposition itinérante. »

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Mes discussions sont interrompues par un drôle de klaxon et des clameurs : les juges arrivent à bord d’une Cadillac blanche décapotable avec les drapeaux de leurs deux nationalités : le Danemark et Israël. Sous mon regard halluciné et celui plein d’espoir des maîtres et de leur chien, la voiture fait plusieurs fois le tour du parc des Expositions.

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« L’idée c’est que mon chien se fasse remarquer par des élevages ou des propriétaires intéressés par l’achat de sa saillie pour assurer une descendance avec un pedigree plus élevé. »

La tension vient de monter d’un cran. Bientôt, le concours de beauté va pouvoir commencer et les coups de brosse se font plus fébriles. Il y a d’un côté les Salukis et de l’autre les lévriers afghans. Les chiens passent par série de cinq pour être jugés sur les critères susmentionnés. Les juges apparaissent sérieux et concentrés. Il ne faut surtout pas les contrarier et il ne faut pas que les chiens courent trop vite ou soient indisciplinés.

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Je me demande au fond, ce que gagnent les maîtres à participer à ces concours : « Pas grand-chose, me répond celui d’Alexandre Dumas en riant, mais, plus sérieusement, l’idée c’est que mon chien se fasse remarquer par des élevages ou des propriétaires intéressés par l’achat de sa saillie pour assurer une descendance avec un pedigree plus élevé. »

« C’est aussi à cela que servent ces concours. Les prix d’une saillie peuvent aller jusqu’à 1 500 voire 2 000 euros. C’est là qu’on gagne vraiment. Des vétérinaires peuvent envoyer des saillies partout dans le monde, jusqu’en Australie. En revanche, si ça ne marche pas la première fois, le second essai est offert. » 

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Je m’attarde sur les lévriers afghans, leurs démarches élégantes autour du ring, leur poil brillant qui bouge au rythme du vent et je réalise que je suis complètement hypnotisée comme quand j’étais petite devant une pub pour un shampoing à la télé. Je remarque que les propriétaires sont aussi complètement obsédés par le poil de leurs chiens (on me souffle que le secret d’une robe soyeuse est un savant mélange de shampoing pour chien et de shampoing pour humain), c’est presque comme un fétiche.

Malgré la compétition, l’ambiance est plutôt sympa. Les gens discutent entre eux avec bonne humeur même s’il peut y avoir des rivalités, surtout au moment des résultats. « Les juges ont tendance à donner les points à leurs amis… », finit par lâcher, amer, le propriétaire de Karl Lagerfeld. J’ai quand même l’impression d’assister à une grande réunion de famille, ce qui n’est pas complètement faux puisque plusieurs chiens proviennent du même élevage.

Le concours de beauté se termine et je réalise que ça fait cinq heures que je suis là, sans avoir vu le temps passer.

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Le lendemain, je me rends à la course à 6 heures du matin (en vrai je suis arrivée à 7 h 30) qui se tient au milieu d’un champ. L’idée d’une poursuite à vue sur leurre est de créer les conditions d’une chasse au lièvre avec des changements de direction, des obstacles, etc.

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Une machine à moteur, aussi archaïque qu’incroyable, déploie un fil avec au bout un leurre (normalement une peau de lapin mais ici des bandes de papier Royal Canin) que les chiens doivent à tout prix chasser le plus vite et le mieux possible pour l’attraper.

« Il y a un côté un peu plus violent, plus agressif dans la course en cynodrome avec un public plus banlieusard si j’ose dire. »

Je suis aux premières loges à côté du juge qui m’explique tous ses critères de notation et ce qui fait une bonne course : « la rapidité, bien sûr, mais pas que. Il y a aussi la technique ou l’agilité. Il faut sentir que le chien a envie de gagner, qu’il n’est pas là par hasard et qu’il se donne l’opportunité de réussir. Moi ce que j’attends, c’est la course qui va me donner des frissons quoi. »

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À chaque course, qui oppose soit deux lévriers afghans soit deux salukis, le juge est à fond. Il crie « Allez, allez ! Oh non, c’est pas vrai ! Voilà, voilà » ou encore « Il a raté sa course, il a raté sa course. » Au bout d’une heure, je me mets à crier aussi. Je finis par reconnaître une bonne d’une mauvaise course et je donne mon avis sur les points. Parfois, des incidents viennent émailler le parcours. Ils arrivent que des chiens se sautent dessus plutôt que de suivre le leurre ou que le fil de la machine s’embourbe. Il faut alors tout recommencer à zéro.

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Certains salukis et lévriers afghans (comme Alexandre Dumas) concourent à la fois pour la beauté et la course : « ceux-là, ce sont juste des champions », me fait remarquer le juge.

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Je lui demande si la course en milieu naturel est similaire en termes d’ambiance à la course en cynodrome. Il me répond : « Il y a un côté un peu plus violent, plus agressif dans la course en cynodrome avec un public plus banlieusard si j’ose dire. Les chiens aussi sont physiquement différents des chiens de concours de ce genre. Il n’y a pas les mêmes besoins. » 

Plus tard dans la journée, c’est le moment tant attendu de la remise des prix. Médaille, dossard brodé en daim, croquettes, bâtons à mordiller, vins aromatisés au fruit : je vous laisse deviner à qui reviennent la plupart de ces cadeaux.

Les grands gagnants de ce week-end sont Chantal et son saluki - qui a remporté le concours de beauté ainsi que la course. Il se dit que le juge israélien serait très intéressé par l’achat de sa saillie. Moi, je quitte les participants et les organisateurs comme si je faisais partie de la famille, des étoiles plein la tête et l’envie de me faire un bon shampoing.

Plus de photos ci-dessous :

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