Durant trois mois et à raison d’un article par semaine, la rédaction de VICE Sports vous fait découvrir les truands du sport. Des hommes et des femmes issus de différentes disciplines, dont le talent certain est éclipsé par leur comportement sur et en dehors des terrains, des courts, des parquets et mêmes des greens. Des arnaqueurs, des séducteurs, des aboyeurs, des méchants qui ont des penchants pour la picole, la drogue ou les crasses en tout genre.
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386 matches professionnels, 13 ans d’une carrière passée exclusivement dans des clubs britanniques, 9 sélections en équipe du pays de Galles, une FA Cup et un titre de champion de Championship : un CV et un palmarès honorables pour n’importe quel footballeur anonyme des années 90 qui se retirerait ensuite dans son pays de Galles natal pour y ouvrir un pub et couler des jours heureux. Sauf que ces références sont celles de Vincent Peter Jones, alias Vinnie Jones, l’un des footballeurs anglais les plus médiatiques des années 90. Et comme n’importe quel connaisseur du foot le sait, Vinnie Jones s’est plus taillé un nom dans le foot à coups de crampons qu’en brillant par sa technique. Pire, il a fait de sa violence et de sa forte propension à péter les plombs et cisailler tout ce qui passe à moins de 3 mètres de lui un argument marketing sur le marché. Une forte personnalité qui lui a permis ensuite de faire carrière dans le cinéma, mais aussi de devenir l’une des figures les plus connues des années Thatcher.
Vinnie Jones sur un terrain, ceux qui en parlent le mieux, c’est peut être ceux qui ont affronté le milieu défensif aux punchlines dignes des catcheurs les plus audacieux. Comme par exemple Paul Gascoigne en 1988.« Il s’est approché de moi pour me dire : “Je m’appelle Vinnie Jones, je suis un gitan, je gagne beaucoup de fric et je vais t’arracher l’oreille avec les dents puis tout recracher dans l’herbe. Tu es seul mon gros, tout seul avec moi !” Tout le temps, j’ai senti son souffle derrière moi, comme un dragon. Je ne me suis jamais plaint d’être taclé, mais il s’agissait à chaque fois de pures agressions ! À un moment, il m’a craché au visage en me disant : “Je vais juste tirer le corner mais ne t’inquiète pas, mon gros, je reviens !” ». Ça pose le personnage, qui s’est construit autour d’un jeu plus que rugueux. Quitte à attraper les testicules de son adversaire, comme l’a expérimenté Paul Gascoigne encore une fois.
Pour expliquer la carapace d’agressivité et de brutalité dont s’est entouré Vinnie sur le terrain, les plus humanistes mettront en avant une enfance difficile et bagarreuse dans les bas-fonds de Watford. D’autres conclueront que ce tempérament sanguin et belliqueux ne permet qu’une observation: le mec est tout simplement un cramé, un vrai. Mais un cramé qui gagne. Cette même année 1988 durant laquelle il victimise Gascoigne, il remporte en effet le titre le plus marquant de sa carrière, la FA Cup avec son Wimbledon FC, surnommé le Crazy Gang… Une équipe de têtes brûlées avec Dennis “Ratboy” Wise, John “Fash” Fashanu, Lawrie Sanchez, Nigel Winterburn et Jones en chef de meute. Des mecs pas mauvais balle au pied, mais surtout des artistes du tacle assassin et de l’esbrouffe arbitrale qui font passer cette petite équipe de la 4e division à la victoire en FA Cup face au grand Liverpool. Avec un jeu à base de coups bas, d’agressions, de tacles à la glotte, de provocations et intimidations, le Crazy Gang mérite un film à lui tout seul. Ce qu’ils ont eu, d’ailleurs, avec un documentaire retraçant leur périple.
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Cette finale de FA Cup est le parfait exemple de l’état d’esprit de cette bande de lascars. Déjà, la veille de la rencontre, ils se sont mis la tête à l’envers au pub, avant de débuter leur entreprise d’intimidation avant le coup d’envoi du match. « On voyait à la télé des supporters de Liverpool qui nous chambraient, a raconté Dennis Wise, joueur de Wimbledon, à BBC Sport. On s’est dit ok, on va leur faire vivre l’enfer. »
Alors que les Reds se préparent, le Crazy Gang frappe sur les murs du vestiaire de son adversaire, insultant les joueurs et l’encadrement de Liverpool. Et lorsque les joueurs de Liverpool s’impatientent pour pénétrer sur la pelouse, les Dons, surnom des joueurs de Wimbledon, vocifèrent et hurlent dans leur vestiaire. « Nous sommes sortis vers le tunnel en criant comme des cowboys “Yihou, Yihou”, a précisé à la BBC Lawrie Sanchez, unique buteur de la finale. Nous nous attendions à une réponse, mais les joueurs de Liverpool ont baissé la tête. » Certains racontent même que Vinnie Jones se serait approché de Kenny Dalglish en le menaçant de lui « arracher l’oreille. »
Toute l’Angleterre rêvait de voir le grand Liverpool battre les mauvais garçons de Wimbledon. On connaît la suite et le Petit poucet de la compétition à battu l’ogre.
Une équipe aussi détestable qu’adulée, dont l’esprit peut être résumé en une citation de son capo Vinnie : « Si vous êtes dans la tranchée et que vous voyez un gars avec son fusil pointé sur vous, le doigt sur la gâchette, que faites-vous ? Vous tirez le premier ! »
Sa réputation faite sur les terrains, Vinnie va s’imposer à la face de l’Angleterre en 1992 avec un documentaire Soccer’s Hard Men dans lequel il promeut le jeu viril et le tacle à la gorge. Pas tout à fait du goût de la fédé anglaise qui lui inflige 30 000 euros d’amende bien vite rentabilisés par les ventes de cassettes et la promo que cette amende lui a donnée.
Sa carrière se poursuit néanmoins avec des passages par Leeds, Sheffield United, Chelsea et les Queen Park Rangers où il met un terme à sa carrière en 1998, à 33 ans. Avec à son actif quelques records à la clé, comme celui du carton jaune le plus rapide de l’Histoire de la Premier League ( 3 secondes) ou encore ses 104 cartons jaunes et ses 12 cartons rouges qui font de lui le 2e détraqué de la Premier League derrière Roy Keane (bon par contre Roy Keane a joué deux fois plus de matches…). Pour vous aider à prendre conscience de la réputation du bonhomme outre-Manche, Patrick Vieira, un autre milieu de terrain craint en Angleterre, considère Vinnie Jones comme le joueur un des joueurs les plus rugueux qu’il a affronté durant sa carrière.
Mais force est de constater qu’au-delà de ses crampons bien aiguisés et de sa langue bien pendue, le mec a une gueule et le cinéma commence à lui faire les yeux doux. Guy Ritchie lui offre ainsi le rôle de Big Chris dans Arnaque, Crime et Botanique. Un rôle de bourrin, évidemment, qui fait dire au réalisateur que « ce qu’il se passerait, s’il y avait l’Apocalypse, c’est qu’un certain nombre de choses survivraient… dont Vinnie Jones ! ». Une prestation convaincante en tout cas (pas vraiment un rôle de composition) puisqu’il remportera l’Empire Award du meilleur espoir britannique. Un rôle qu’il reprend deux ans plus tard dans le cultissime Snatch du même Guy Ritchie où il incarne Tony Dents de Plomb.
Oui, le Jones est un acteur talentueux. Il devient une valeur sûre d’Hollywood en enchainant les seconds rôles dans des grosses productions comme Opération Espadon, X-Men 3 ou même Garfield où il double la voix de Rommel… le rottweiler.
Un talent et un second degré qu’il met aussi eu service de causes comme la réanimation cardio-pulmonaire en 2011 pour la British Heart Foundation où il insiste « pas de bouche-à-bouche, les baisers, c’est uniquement pour vos copines ».
Au final, c’est peu dire que malgré son palmarès sportif finalement honorable mais limité, Vinnie Jones aura marqué le football anglais des années 80-90. Mais il est quand même plus réaliste de dire qu’il aura surtout marqué quelques tibias.