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Condamné pour avoir tué un Palestinien, le sort d'un soldat israélien divise le pays

Le soldat Elor Azaria a tiré dans la tête d'un assaillant palestinien pourtant désarmé et maîtrisé.
REUTERS/Heidi Levine

En Israël, une cour de justice militaire a reconnu coupable ce mercredi le soldat Elor Azaria d'avoir exécuté en mars dernier un assaillant palestinien non-armé. Ce verdict risque relancer la controverse dans un pays qui est de plus en plus divisé sur l'utilisation de la force létale dans les territoires occupés.

Le débat sur ce cas a scindé la société israélienne en deux. D'un côté, on trouve les Israéliens de la vieille garde qui disent que le soldat Azaria a commis un acte grave en tuant un assaillant déjà blessé et qui ne représentait plus une menace. De l'autre côté, une faction de la droite dure avance que les soldats stationnés dans les territoires palestiniens occupés ont besoin d'un soutien inconditionnel des leaders israéliens.

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Après l'annonce de la décision, des hommes politiques d'Israël ont demandé la grâce immédiate pour Azaria, à l'instar du très droitier ministre de l'Éducation Naftali Bennett. Quelques heures plus tard, le Premier ministre Benyamin Nétanyahou les a rejoints et a également demandé que le soldat soit gracié. Nétanyahou a sans doute fait cette déclaration pour répondre à son aile droite et de couper l'herbe sous le pied de ses rivaux politiques, comme Bennett.

Pour le moment, les demandes de grâce restent dans le domaine de la politique politicienne : le président israélien, Reuven Rivlin, est le seul qui peut accorder le pardon à Azaria.

Les faits remontent à mars dernier, quand Abdel Fattah al-Sharif, un Palestinien de Hébron, a poignardé un soldat. Un soldat a ensuite tiré sur Al-Sharif, le blessant. Une vidéo le montre à terre pendant que les soldats israéliens se tiennent debout autour de lui. Environ dix minutes après l'attaque au couteau, on voit Azaria armer son arme et tirer calmement dans la tête d'Al-Sharif, qui ne portait plus d'arme et n'était donc plus en état de nuire.

Les critiques de l'occupation ont cité cet incident comme un exemple de la politique du « Tirer pour tuer » pratiquée par Israël et employée lorsqu'il s'agit d'assaillants palestiniens. Les images ont immédiatement réveillé la haine partout dans le pays et dans une bonne partie de la Cisjordanie.

Les juges militaires ont rejeté les arguments contradictoires de la défense selon lesquels Azaria avait pensé qu'il était en danger ou qu'il pensait que l'assaillant était déjà mort avant même de tirer sur sa tête. Le tribunal l'a inculpé de meurtre et il pourrait encourir jusqu'à 20 ans de prison ferme. Il est pourtant peu probable qu'il soit condamné à la peine maximale.

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« Ce n'est pas un jour heureux pour nous. J'aurais préféré que ceci n'ait jamais eu lieu. Mais le mal est fait et l'infraction est grave », a dit Nadav Weissman, procureur militaire, à des journalistes.

Le verdict d'Azaria est devenu le dernier symbole du renforcement de la droite israélienne. Certains leaders de droite ont réagi immédiatement au jugement et à la décision de la justice concernant Azaria. Selon eux, il devrait être soutenu comme un soldat qui a essayé de protéger Israël d'une attaque. Des milliers d'Israéliens semblent être d'accord : ils ont affiché leur soutien au soldat pendant tout le procès et des heurts ont éclaté avec la police à l'extérieur du tribunal militaire à Jaffa lors de la lecture du verdict.

Selon un sondage publié en septembre par l'Institut de la démocratie en Israël, 47 pour cent des Israéliens sont favorables au fait de tuer des assaillants palestiniens sur le fait — même s'ils ne représentent pas ou plus une menace.

Pour Yoahanan Plesner, le président de l'Israel Democracy Institute, la vague d'attaques aux couteaux de Palestiniens contre des Israéliens depuis 2015 a « créé un sentiment de peur et de rage parmi les Israéliens. » Cette tendance est inquiétante, explique-t-il, mais il s'attend que le soutien à de tels actes perde du terrain au fur et à mesure que les attaques deviennent moins nombreuses.

En contraste avec l'extrême-droite israélienne, des personnalités comme l'ancien ministre de la Défense Moshe Yaalon ont condamné les actes du soldat. « Cela ne se fait pas de simplement tirer sur des gens », a dit Yaalon la semaine dernière. Il avait été renvoyé de son poste en mai dernier après avoir prononcé un discours qui critiquait une « minorité extrémiste » qui essayait de rendre la société israélienne favorable à des soldats à « la gâchette facile » qui agissent au nom de la « vengeance ».

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Yaalon a ensuite été remplacé par Avigdor Lieberman, qui a soutenu Azaria mais a depuis modéré ses propos.

La condamnation d'un soldat pour meurtre est quelque chose de rare. Depuis 2000, l'armée a enquêté sur 262 cas de soldats ayant tué des Palestiniens ou des ressortissants étrangers. Mais pour le moment, un seul soldat israélien en a été reconnu coupable, selon le groupe israélien de défense des droits de l'Homme, Yesh Din.

L'armée israélienne se doit d'ouvrir automatiquement une enquête quand un Palestinien est tué en dehors d'une situation de combat. En 2015, 99 Palestiniens ont été tués par l'armée d'Israël en Cisjordanie, selon l'ONG israélienne de droits de l'Homme dans les territoires occupés B'Tselem. Mais seulement 21 enquêtes ont été ouvertes cette année-là. Pour Gilad Grossman, le porte-parole de Yesh Din, cet écart invite à s'interroger sur ce que l'armée israélienne considère comme une situation de « combat ». Car de nombreux incidents sont survenus pendant des tentatives d'attaque au couteau, non pas dans une zone de guerre ouverte.

Selon Grossman, l'armée « ne suit pas jusqu'au bout sa propre promesse — à savoir d'enquêter sur la mort de Palestiniens. »

Dans un communiqué, Adalah (le Centre légal pour les droit des minorités arabes) a déclaré que, quotidiennement, l'armée israélienne « ferme les yeux sur les mises à mort de civils palestiniens par des soldats et officiers de police ». Selon le groupe, l'inculpation d'Azaria est « l'exception qui confirme la règle. »


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