La carrière de Mike Clay en est une à deux faces. Le frontman charismatique du groupe Clay and Friends compose des chansons derrière la scène en tant que ghostwriter pour les stars de la pop du monde entier. Quand il est question de ghostwriting, il ne faut pas laisser de trace ni dire qui a vraiment composé quoi. À la manière d’un fantôme musical…
Du haut de ses 27 ans, Mike Clay navigue entre l’intensité de la scène et la sérénité relative du camp d’écriture. VICE l’a rencontré dans un resto philippin de Saint-Henri pour en apprendre plus sur sa vie de compositeur secret.
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De retour d’une semaine d’écriture à Los Angeles, Mike explique ce qui le distingue des autres. « Moi, je suis un gars de topline. Je peux te sortir des riffs à n’en plus finir. Mais je pense que ce qui me rend unique, c’est ma versatilité et mon parcours. J’écris en anglais et en français. Je suis à la fois chanteur et compositeur, et je passe de la pop gomme balloune au jazz en un clin d’œil. » Pour Mike, ce qui fait un bon compositeur fantôme, c’est l’humilité : « Tu dois accepter et même aimer laisser quelqu’un d’autre être la star. »
Le ghostwriting, c’est quand un artiste achète les droits complètement et que le nom de Mike Clay s’évapore des crédits de chansons. Ce dernier écrit, vend et distribue ses compositions régulièrement et se fait payer un pourcentage des revenus tirés d’une chanson basé sur son apport dans la création de celle-ci.
La participation du ghostwriter varie énormément. « Parfois, je vais juste contribuer deux phrases dans un bridge ou un refrain. Des fois, j’écris tous les couplets, explique Mike Clay. Que ce soit deux notes ou tout un album, j’amène une touche qui sert à débloquer le processus créatif. C’est pour ça qu’on fait appel à moi. »
Malgré la confidentialité entourant son travail, on peut mentionner que Mike a secrètement écrit pour une superstar de la musique québécoise ainsi que le fils d’une voluptueuse actrice canadienne, entre autres. Ironiquement, c’est grâce à une composition officielle, Ghostboy de Robotaki en 2016, que tout a commencé pour le jeune artiste.
Après avoir attiré l’attention de la SOCAN avec ce hit, Mike est invité à un camp d’écriture, un des premiers en son genre dans la province. « C’est là où tout a changé! J’ai rencontré Ruffsound et Realmind qui m’ont mis en lien avec plein d’autres artistes. J’ai écrit à côté de Geoffroy, Soran et Laurence Nerbonne. C’était super inspirant. On était tous dans un chalet et on travaillait non-stop. » Après le camp, la S.A.C. (Songwriters Association Canada) contacte Mike, et il écrit pour des participants de La Voix, dont Soran pour qui il prévoit de grosses choses en 2019.
Petit à petit, ses chansons, autant celles écrites dans l’ombre que celles officielles, amassent les écoutes. Il dépasse les 40 millions d’écoutes sur Spotify. Les rumeurs d’un jeune prodige très efficace se propagent rapidement et de hautes pointures approchent Mike pour des compositions fantômes. Il se fait inviter à Los Angeles pour travailler avec Kojak. « C’était une des sessions les plus intenses auxquelles j’ai participé, côté expérimentation. Ça m’a fait comprendre que, même après beaucoup de succès, il ne faut jamais arrêter d’essayer des nouvelles choses. »
Le moment marquant de son trip californien demeure la fois où il a écrit une track pour le compositeur James Di Salvio. « C’était fou, j’étais littéralement en train de prendre un verre avec le dude qui a écrit Drinking in L.A.! » Même si le prolifique Mike préfère osciller entre Montréal et d’autres métropoles plutôt que de s’installer à L.A., il est en grande demande. « Ma dernière semaine de writing, 100 % des tracks que j’ai composées ont été retenues et ils m’ont déjà réinvité. Mon but ultime a toujours été de vivre et de voyager grâce à la musique. I am living the dream. »
Mike voit son rôle de ghostwriter comme celui d’un coach. « C’est comme un entraîneur Pokémon, tu travailles avec l’artiste, tu connais ses forces et tu essayes de le faire performer au plus haut niveau. L’important n’est pas qui reçoit la gloire, mais si la musique aura de la longévité. » Pour lui, il reste un artiste au service de la musique et non pas un outil de l’industrie. « Il y a de la magie dans tous les styles de musique, et quand je ghostwrite, je traverse un large spectre d’émotions. Je peux me motiver en construisant une chanson super solide en soit ou en essayant de pousser la créativité de l’artiste et l’aider à se dépasser. » Reste qu’il faut livrer, et c’est son efficacité qui fait que les labels, gérants d’artistes et producteurs le rappellent. « J’adore le studio. Je peux y passer des jours entiers. Toutefois, quand on me fait une requête, j’ai un shot-clock mentality. Je me mets au défi de donner un résultat dans un délai rapide pour être sûr que ça débloque et que je livre la marchandise. »
Son succès dans l’industrie permet aussi à Mike de réinvestir dans des projets qui lui tiennent à cœur comme son groupe de fusion jazz-soul-hip-hop Schemes qui vient de sortir un album éphémère et éponyme. « Schemes est entièrement composé de musiciens de session studio. On s’est dit pourquoi on prend pas l’argent de la pop et de l’industrie, et on finance un projet créatif le temps d’un seul et unique album. »
C’est en restant impliqué dans de multiples projets que Mike trouve un certain équilibre. Il est déterminé à pousser encore plus loin. Il vise une chanson dans le Billboard 100 avant la fin de l’année et cherche à collaborer avec une brochette d’artistes variés comme Rihanna, Billie Eilish, Charlotte Cardin et Jessie Reyez. « Je me donne des objectifs, et ça me motive à me dépasser et croire que tout est atteignable, tout en me gardant les pieds sur terre. » Mike dit qu’il souhaite être la personne que les musiciens contactent s’ils veulent un hit, mais aussi s’ils veulent explorer de nouveaux territoires et dépasser les frontières.
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De plus en plus présent à Toronto et L.A., Mike rêve de lancer son propre camp d’écriture un jour. « Je veux offrir un environnement où d’autres artistes et compositeurs peuvent grandir et se ressourcer et où on coupe les middlemen pour simplement faire de la musique. » En finissant sa bière, Mike Clay nous quitte avec une strophe qui tombe à point : « I’m a ghost to most even those I keep close, keep it movin’. »