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Culture

Kristian North a composé la douce fin du rock n' roll

« Après des années d’improvisation et de bruit dans Babysitter, c’était un défi pour moi de faire de la musique plus accessible, plus composée – ça me fait plus peur de jouer doucement et lentement que l’inverse. »
Crédit photo / Georgia Graham

Auparavant leader de la formation punk garage Babysitter, le Montréalais aux racines britanno-colombiennes Kristian North livrera le 9 mars un premier album solo aux sonorités années 80 – boogie, ballade, DOR – campées et senties, qui résonne avec les propensions soft rock montréalaises tout en conservant une écorchure punk originelle. The Last Rock N Roll Record, c’est une expérimentation composée plutôt qu’improvisée, menée par une plume érudite, plus amusée et cynique que pompeuse. North y traite de la sincérité dans la création en relevant la complexité de la psyché humaine tout en s’interrogeant, un peu railleur, sur les thèmes universels – celui de l’amour, notamment.

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VICE l’a rencontré pour jaser de processus créatif, du spectre du rock et de ce qu’est l’authenticité.

C’est il y a quatre ans, au terme d’une tournée précédant la parution du pas-pour-rire deuxième album de son estimé exutoire, l’extraordinaire punk-jam band Babysitter que Kristian North a troqué Victoria, B.C., pour Montréal : « Parce que c’est la dernière ville au Canada », entame-t-il – et ça serait bien suffisant comme ça – « où les loyers sont encore cheap. » Tout le monde s’entend là-dessus.

De retour ici après la subséquente tournée de promotion dudit album, il accusait une saturation du punk, en avait assez vu et entendu, voulait s’essayer à autre chose. « J’avais un son en tête, je voulais explorer le moment où le rock a dérivé dans les années 80, où les auteurs-compositeurs consacrés des décennies précédentes – comme Lou Reed ou Joni Mitchell – ont traversé une période plus creuse, m’explique-t-il. J’ai l’impression qu’en musique, les ‘ 70s, c’est intemporel, alors que les ‘80s, c’est un moment isolé. Donc, quand j’enregistrais, je voulais pas un drum qui sonne comme Fleetwood Mac dans les années 70, je voulais un drum de 1989. »

Un cheminement d’écriture et d’enregistrement (appuyé par Renny Wilson de Faith Healer) qui aura duré deux ans et traversé deux moutures victimes d’autodafé (une première version de l’album a été volontairement détruite dans un feu de camp POUR VRAI) avant d’en venir à l’ultime et humble The Last Rock N Roll Record. « Après des années d’improvisation et de bruit dans Babysitter, c’était un défi pour moi de faire de la musique plus accessible, plus composée – ça me fait plus peur de jouer doucement et lentement que l’inverse, me raconte-t-il. Ça m’a poussé vers un perfectionnisme – je suis allé repêcher plusieurs collaborateurs montréalais, je voulais que chacun excelle à son instrument, que les chansons bénéficient de leur apport au maximum. »

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Le passage des habitudes punk exploratoires aux musiques plus accessibles s’est fait sans différence ni compromis, sinon que North reconnaît que, vu son background, il est vraiment plus expérimental pour lui de faire un album pop. « Il y a des genres musicaux – le punk, par exemple – où l’authenticité semble plus implicite, dit-il. J’ai beaucoup pensé à ça, pendant la création de l’album – j’aborde le sujet dans la chanson Boxed In Set –, de la sorte de pression implicite de faire ce que le monde peut aimer. Selon moi, la chose la plus dure, en musique, c’est d’être émotionnel – je pense avoir trouvé une façon de m’exprimer authentiquement à travers une certaine pop. »

C’est passé le cap des 70 % de l’élaboration de l’album que North a réalisé le thème récurrent qui en ressortait. Il se traçait un arc narratif avec celui, corollaire, de l’éponyme fin du rock’n’roll. « Cet album-là était une affaire très consciente, appliquée, contrairement aux jams collaboratifs de Babysitter. Le rock, ce n’est plus très populaire; lorsque j’ai cerné l’idée de la fin du rock’n’roll, elle est devenue définitive – comme le besoin d’une apocalypse personnelle, qui est un peu traversée par le malaise qui me venait de faire de la pop. C’est pour ça que l’album se termine avec une explosion », m’explique-t-il.

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Plutôt que comme une provocation, le nom de l’album se lit davantage comme une question – serait-ce le dernier, l’ultime effort de cette musique populaire, usée, surannée? – vu que le rock n roll est, peut-être, déjà mort. « Je ne veux pas être un revivaliste. Je pense qu’il y a un certain humour à soulever dans ce qui est tragique – comme Dostoïevski, par exemple, ou, dans ce cas-ci, la fin d’une ère – comme on peut rire de ce qui est grandiose, comme un solo de guitare. » Parce qu’on accorde une importance triviale à l’authenticité, selon lui : « Tout le monde vend quelque chose; tu ne peux pas être authentique quand tu te donnes en spectacle, quand tu performes. Je veux être authentique, c’est le but, mais peut-être que ça serait plate si je l’étais vraiment. » Le rock’n’roll : peut-être déjà mort, peut-être agonisant, aux prises avec son bien-fondé et son identité – mais encore un divertissement bien défendu par sa comique majesté, nommément par ce The Last Rock N Roll Record.

The Last Rock N Roll Record de Kristian North sera en vente le 9 mars en vinyle sous Lone Hand et sera célébré le 15 mars au Balattou avec The Pink Noise + Wetface .

Benoit Poirier est sur Twitter .