café blond gand safespace queer
Toutes les images par Laila Goyvaerts 
LGBTQ

Ce bar gantois se revendique comme safespace durant les Gentse Feesten

On a rencontré sa propriétaire, des habitué·es mais également des personnes qui s'y sont vues refuser l'entrée.

Ah, les Gentse Feesten… Dix jours durant lesquels le niveau de décibels de Gand atteint son maximum, où les gens pissent à chaque coin de rue et où votre trajet habituel à travers la ville devient cinq fois plus long, car vous tentez tant bien que mal d’éviter les masses de gens bourrés. Heureusement, le programme des Gentse Feesten est super varié et avec un peu de chance, vous ferez peut-être de nouvelles découvertes loin des foules. Le bar Blond, par exemple. Blond est un bar situé au bout d’une rue latérale à la place Vrijdagsmarkt. « These faggots kill fascists » ou encore, « Vous tapez sur mon CIS-tème »… Les tags sur la façade indiquent clairement qu’il s’agit d’un bar queer.

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Pour les Gentse Feesten, le café Blond a redonné une seconde vie à l'affiche officielle. « Quand j'ai vu l'affiche des Gentse Feesten, j'étais vraiment en colère. Un homme blanc cis typique et une femme blanche cis, clairement un couple hétéro. C’est juste plus possible d'utiliser de telles images. C'est pourquoi j'ai créé cette parodie, une sorte de réaction envers ça », a déclaré la propriétaire, Lise Goossens (31 ans).

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Blond se revendique comme safespace, c’est-à-dire un endroit où tout le monde peut s’exprimer pleinement et se sentir à l’aise et en sécurité, peu importe son origine, son orientation et son identité sexuelle, ou encore ses convictions religieuses. Quels critères pouvez-vous appliquer pour décider que telle ou telle personne est susceptible de perturber cette atmosphère de sécurité ? Tout cela ne se base malheureusement que sur des observations subjectives. Cette notion de safespace est-elle vraiment la solution ? VICE a discuté de ce concept avec Lise Goossens, la propriétaire de Blond, ainsi qu'avec certains clients qui préfèrent célébrer les Gentse Feesten chez Blond, ou pas.

Lise (31 ans), propriétaire

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VICE : Salut Lise, peux-tu nous expliquer en quoi consiste ton bar ?
Lise : Blond est un café, un bar, un espace d'exposition, une scène et une piste de danse pour les personnes qui ne se sentent pas toujours à l'aise ailleurs. C'est un espace sécurisé pour ceux qui doivent faire face au sexisme, au racisme, à l'homophobie ou à toute autre forme de discrimination.

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« Ce n’est pas normal de devoir changer son apparence à chaque fois qu’on sort, simplement par peur de tomber sur un sexiste, un raciste ou un homophobe. »

Pourquoi as-tu ressenti le besoin d'un tel espace à Gand ?
Parce que beaucoup de gens, généralement les plus privilégiés, trouvent toujours normal de dénigrer les autres. Et ce n'est tout simplement plus possible. Ce n’est pas normal de devoir changer son apparence à chaque fois qu’on sort, simplement par peur de tomber sur un sexiste, un raciste ou un homophobe. Il y a quelque temps, je vivais à Berlin. Le concept de safespace était plus courant là-bas. C’est là aussi que j’ai découvert l'eau du robinet gratuite. Dans la plupart des cafés et des bars de Gand, l’aspect commercial passe avant le concept et l’atmosphère. Même pendant les Gentse Feesten. On pourrait penser que la ville attache de l’importance aux initiatives locales, mais en réalité, la bière coûte 2,80 euros et les hamburgers sont importés des Pays-Bas ou un truc du style.

Comment t’assures-tu que Blond reste un safespace et que ta clientèle ne fasse aucune discrimination ?
Au début, j’ai voulu laissé ma porte ouverte à tout le monde. Mais j'ai vite remarqué que si vous laissez tout le monde entrer, beaucoup de gens ne se sentent pas à l'aise. C’était évident que les personnes « privilégiées » s’en prenaient à d’autres clients. J’ai dû jeter beaucoup de monde dehors, donc au final, j’ai décidé de me tenir à la porte de bar pour expliquer le concept à tous ceux qui veulent y rentrer : « C'est un safespace et si ça ne vous convient pas, n'entrerez pas. »

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Comment réagissent les clients ?
J’ai vu beaucoup de clients en colère. Plus ils sont privilégiés, plus ils se fâchent. Mais on ne peut pas nier la discrimination, désolée. Je n'ai jamais entendu une femme dire que le sexisme n'existe pas. Par exemple au Café Charlatan, en tant que femme, vous savez que si on vous y harcèle, la seule solution est de partir. Je veux être l'endroit où vous pouvez venir.

À quoi ressemblent les Gentse Feesten chez vous ?
Nous avons des performances, de la slam poetry, des DJs. Aux Gentse Feesten, la plupart des performances sont données par des hétérosexuels blancs - un bassiste, un claviériste et un chanteur - qui font des covers de chansons anglaises de trois minutes. Je garde ma scène pour tout, sauf ça.

Retrouvez sa programmation complète sur la page Facebook . Nous avons également discuté avec quelques consommateurs pour savoir ce qu’ils pensent de cette démarche.

Kaja (30 ans), première fois au Blond

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VICE : Salut Kaja, je viens d’entendre que c’était ta première fois au Blond. Comment se passe ta soirée ?
Kaja : J'avais déjà entendu parler du Blond par le biais d'amis, et je sais qu’il a ouvert il y a longtemps, mais je n’y avais encore jamais mis les pieds. Je suis contente d'y être enfin arrivée. J'adore la façade.

Blond a un concept et une message très clairs. T’en penses quoi ?
Je trouve que c’est génial qu’il y ait un bar comme ça, surtout à Gand. Mais c’est aussi un bar où tout le monde est le bienvenu. C'est comme ça que je le vois.

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Pendant les Gentse Feesten, Blond se revendique comme safespace et accueille toute personne qui se sentirait mal à l'aise à l'extérieur. C’est nécessaire ?
Pas pour moi, car je ne me sens pas en danger. Je ne prends jamais ça en compte. Je ne vais certainement pas m’enfermer ou laisser mes peurs me guider. Je ne suis peut-être pas la bonne personne pour ce concept, je ne sais pas. Mais je peux parfaitement imaginer qu'il y a des gens qui ont peur et pour qui Blond est un espace génial.

Tu penses venir ici plus souvent ?
Oui, je pense bien !

Louis* (27 ans), ancien habitué

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VICE : Salut Louis, tu vas souvent au Blond ?
Louis : Oui, je venais souvent. Mais depuis quelque mois, plus beaucoup.

Pourquoi ?
Parce qu’il s’est passé quelques trucs stupides. Pour des raisons mystérieuses, je ne suis plus autorisé à y entrer.

Que s’est-il passé ?
Il y a quelque temps, il y avait une fête queer-only à Blond. J'y suis allé avec un groupe d'amis. Je pense qu'une fête réservée aux personnes queer c’est étrange, mais bon, c'est une autre histoire. La propriétaire se tenait à la porte, un de mes amis pénètre avant moi dans le bar, je me tenais derrière lui mais j'ai été refusé. Juste comme ça. Visiblement, il semblait assez queer pour entrer et moi, trop hétérosexuel. Entre temps, j’ai vu deux de mes amis, qui ne sont pas non plus queer, sortir de Blond.

« Mais ne pas laisser entrer quelqu'un parce qu'il n'a pas l'air assez gay, c'est juste sinistre. Qu'est-ce que ça veut dire, avoir l'air gay ? »

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Tu en as parlé avec Lise ?
J’ai commencé à discuter avec elle. Quels sont les standards ? Qu'est ce que cela signifie ? C'est un non-sens complet. C’est juste stupide. Je comprends le concept et c’est l’un des seuls cafés à Gand qui en est doté, mais en tant qu’hétéro, vous êtes censé être sur vos gardes car vous risquez de faire quelque chose de mal perçu. Il y a aussi des cafés qui adoptent une approche différente. Au Mother’s and Daughters par exemple, tout le monde est autorisé à entrer. Mais ne pas laisser entrer quelqu'un parce qu'il n'a pas l'air assez gay, c'est juste sinistre. Qu'est-ce que ça veut dire, avoir l'air gay ?

Penses-tu que tu vas réessayer de rentrer au Blond ?
Je pense que ça finira pas arriver. Mais j’ai été fâché très longtemps.

Que vas-tu faire pendant les Gentse Feesten?
Rien. Je n’aime pas les Gentse Feesten.

Astrid (39 ans), habituée

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VICE : Hey Astrid, tu connais le concept de Blond ?
Astrid : Le fait que c’est queer ? Oui, C'est quelque chose de très atypique à Gand.

Comment l'as-tu découvert ?
Par hasard. Je me promenais et je me suis retrouvée ici, puis j’ai continué à y venir. Il y a toujours de bonnes performances, tout le monde est à l'aise et c’est agréable de s'éloigner de l'agitation de Gand. C'est un endroit pour tous, sans jugement.

Est-ce un sentiment qui manque à Gand ?
Parfois oui. Gand est une ville touristique. Ce bar est vraiment différent des autres. Il devrait y en avoir plus.

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Tu vas venir ici pendant les Gentse Feesten ou tu vas plutôt te mêler à la masse ?
Je pense que je vais commencer ici, et finir ici. Entre les deux, vous pourrez probablement me retrouver sur une place.

Matthieu (30 ans), habitué

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VICE: Hey Matthieu, pourquoi es-tu là ce soir ?
Matthieu: La raison principale est que je connais déjà Lise depuis les secondaires et nous sommes restés amis. Acheter cet endroit était une sage décision. Elle a tout jeté pour repartir de zéro et je l’ai aidée. C'est chouette de s'asseoir dans un bar auquel vous avez contribué.

Que penses-tu du concept ?
Le concept est très large, non ? Mais je pense qu'elle est en train de le modifier pour le moment.

Comment ?
Elle veut évoluer davantage vers une sorte de collectif plus activiste. Avant, l'idée était que ce soit ouvert à tout le monde. Mais ça a causé des problèmes.

Quels genre de problèmes ? Que penses-tu du fait qu’elle devienne plus activiste ?
Oui, elle est vraiment visée par la police gantoise. Je pense que Blond est le seul café de Gand doté d'un sonomètre. Elle reçoit souvent des sanctions pour rien. C'est vraiment bizarre.

Tu vas faire quoi pendant les Gentse Feesten?
Je suis originaire de Gand, donc je me fiche du Vlasmarkt. Je vais rester ici la majorité du temps.

* Le prénom a été modifié. Le vrai prénom est connu de la rédaction.

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