En octobre dernier, à Abbotsford, en Colombie Britannique, une jeune femme nommée Kelly Ellard, condamnée à la prison à vie, s’est présentée devant la Commission des libérations conditionnelles du Canada afin de demander une libération anticipée. Dans la pièce exiguë, Kelly a expliqué aux membres de la commission qu’elle était enceinte de huit mois et que sa maternité prochaine l’avait changée – elle voyait désormais le monde « sous un nouveau jour ».
Pour les personnes nées dans les années 1990, le nom de Kelly Ellard n’est sans doute pas familier. Et pourtant, cette femme, surnommée « Killer Kelly » par les médias, a un jour été sous les feux de l’actualité et à la une de tous les journaux. Sa participation à un meurtre insondable et vicieux a déclenché une frénésie médiatique, attirant les journalistes de GQ, du New York Times et de Dateline dans sa ville natale, située sur l’île de Vancouver. Son affaire a fait l’objet d’illustrations, de poèmes, de pièces de théâtre, d’essais académiques, de documentaires, et est le sujet de mon nouveau livre, Under The Bridge. Vingt ans plus tard, ce crime, qui continue de fasciner et de déranger, souvent qualifié de « tragédie nationale », a été transformé en poésie dans le récent ouvrage nominé au prix Griffin, Tell, discuté dans les podcasts de « true crime », et étudié dans les salles de classe des lycées, des universités et des facultés de droit.
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En 1997, Kelly Ellard semblait être une candidate improbable à tant d’attention et d’infamie. Elle vivait alors à View Royal, une commune située à la sortie de l’autoroute qui mène à Victoria – une destination touristique pittoresque, pleine de jardins parfaitement taillés et de salons de thé au charme désuet. En 1997, Kelly avait 15 ans ; elle portait une coupe au carré brun et un piercing dans le nez.
Les mois qui ont précédé le meurtre, Kelly était aux prises d’une amitié intense et passionnée avec une délicate blonde nommée Josephine Bell*. Des deux, Josephine était la plus charismatique, la plus sûre d’elle. Elles avaient en commun un intérêt froid pour le gangsta rap, les serials killers et les hommes impitoyables à l’image du mafieux John Gotti. Josephine se vantait de voler des voitures et de sortir avec des Crips ; son rêve était de s’installer un jour à New York et de rejoindre la pègre. « Je vais devenir la première femme tueur à gages », avait-elle annoncé à Colin Jones, un garçon plus vieux qu’elle, qui la trouvait mignonne quoiqu’ « un peu tordue et perturbatrice ». Dans son casier, sa meilleure amie Kelly conservait les croquis qu’elle dessinait dans ses cahiers d’école : des gangsters tirant sur des flics, des têtes désincarnées, des mains amputées.
À l’automne 1997, lorsque le ciel insulaire s’est assombri, les deux amies se sont faites vengeresses. Il leur a peut-être semblé que leurs fantasmes de violence pouvaient enfin se réaliser, qu’elles pouvaient enfin se considérer comme des dures avec lesquelles il ne faut pas rigoler. Leur malheureuse cible était Reena Virk – une Sud-asiatique âgée de 14 ans, timide et nostalgique, aux épaules larges et au regard inquiet. Elle était révoltée contre les règles de son foyer (ses parents étaient des Témoins de Jéhovah) et admirait l’assurance insouciante et la liberté de Josephine. Elle peignait ses ongles en bleu et écoutait Notorious B.I.G. et Puff Daddy dans la voiture de son oncle. Elle était vulnérable, tendre, téméraire. Jusqu’au jour où elle a mis la main sur le carnet de Josephine et appelé certains des garçons qui figuraient dedans, leur expliquant que Josephine n’était pas aussi belle qu’elle le pensait ; que Josephine avait le SIDA, que les sourcils de Josephine étaient faux.
Ce méfait a provoqué la colère de Josephine. Elle a élaboré un plan de revanche, appelé les filles de la réserve Songhees et les a convoquées le vendredi soir devant l’école pour une baston. Quelques jours avant le meurtre, sa mère l’avait surprise au téléphone avec Kelly – elles parlaient de creuser une tombe et d’enterrer une fille. Le plan était désordonné, incohérent, et semblait relever, comme une bonne partie de la violence des filles jusqu’à présent, du désir plus que de la menace.
Ce vendredi soir de novembre, un satellite russe s’est disloqué dans le ciel. Cinquante à soixante adolescents se sont rassemblés dans le champ situé derrière l’école, comme ils avaient l’habitude de le faire tous les vendredis. Ces soirs-là, toutes les cliques se mêlaient : skateurs, jolies filles, membres de gangs. Tous ou presque ignoraient le plan de Kelly et Josephine ; la plupart n’avaient jamais rencontré Reena et n’avaient aucune idée du danger qu’elle encourait, si bien qu’ils n’ont fait que regarder les lumières qui parcouraient le ciel en se demandant s’il s’agissait d’un OVNI.
Après que la police est venue pour mettre fin à la fête, le groupe d’adolescents s’est déplacé sous le pont. C’est dans cet endroit froid et humide, exigu, avec des graffitis sur le béton et un sol incliné vers une arrivée d’eau salée appelée la Gorge, que la bagarre a éclaté. Josephine a écrasé une cigarette allumée sur le front de Reena. Tandis que Reena pleurait et oscillait, Kelly l’a frappée, le poing fermé. Bientôt, six filles se joignaient à elles, ainsi qu’un garçon, Warren Glowatski.
Mais la plupart des adolescents se sont enfuis et ont regardé, horrifiés, leurs amies adopter un comportement sauvage, donner des coups de pied et des coups de poing à la pauvre Reena qui était allongée dans la boue et les suppliait d’arrêter. Finalement, une fille, Laila*, kickboxeuse égyptienne, a ordonné à tout le monde d’arrêter. La foule s’est dispersée. Certains enfants du quartier ont aperçu Reena dans la boue, en sang et en pleurs. Personne n’a daigné lui venir en aide. Certains ont observé, un peu plus tard, Reena qui, effarée, traversait le pont en direction de chez elle. Elle n’est jamais rentrée ; huit jours plus tard, les plongeurs de la police récupéreraient son corps meurtri dans les eaux froides et sombres.
Au cours de ces huit jours, les rumeurs se sont propagées à travers les écoles, les champs et les chambres à coucher de View Royal. En 1997, avant l’avènement des médias sociaux, les adolescents vivaient dans un monde où leurs faits et gestes n’étaient pas likés, partagés ou traqués. Sans Facebook ou textos, ils avaient la possibilité de protéger une certaine omerta. Tandis qu’ils spéculaient dans les chambres et sur les parkings sur ce qui était arrivé à cette pauvre fille nommée Reena, les parents, les enseignants et la police ne se rendaient compte de rien. « Tout le monde restait discret sur le sujet », m’expliquera par la suite un adolescent.
Le 24 novembre, dix jours après la disparition de Reena, le Dr Laurel Gray, coroner sérieuse à la voix calme et posée, aux cheveux gris coupés court et aux lunettes en métal doré, a conduit l’autopsie. Elle a constaté les dégâts importants causés sur le corps de la jeune fille. De multiples coups portés dans la région abdominale. Une lésion par écrasement comme on en voit souvent sur les victimes d’accident de voiture. Des meurtrissures sévères sur la peau de son visage. Une ecchymose de la taille d’une chaussure à l’arrière de son cerveau. Dans les poumons de Reena, huit cailloux. Leur présence lui a permis de conclure que la jeune fille était en vie lorsqu’elle est tombée dans l’eau. Son verdict ? La mort par noyade.
C’est lors d’une conférence de presse que le procureur de la Couronne Don Morrison a révélé les faits qui allaient abasourdir la communauté et les reporters criminels même les plus chevronnés. Contrairement aux crimes dépeints dans la culture populaire, que ce soit dans Twin Peaks ou dans les innombrables films d’horreur, et contrairement aux célèbres meurtres commis par des tueurs en série comme Clifford Olson ou Gray Ridgway, le tueur de Reena n’était ni un membre de la famille, ni un psychopathe vicieux. Au lieu de quoi huit adolescents ont été arrêtés. Six filles, dont Josephine, ont été accusées de voies de fait graves pour l’attaque initiale sous le pont. Deux autres adolescents ont ensuite suivi Reena, l’ont battue à nouveau, avant de tirer son corps dans la Gorge pour la noyer de force. Au vu de la gravité du crime, les deux adolescents allaient être traités en justice en adultes, si bien que Morrison a divulgué leur nom. Les six filles, en revanche – de jeunes délinquantes –, resteraient anonymes. Les noms, a-t-il annoncé avec une pointe de dégoût, étaient ceux de Kelly Ellard et Warren Glowatski.
De tous les adolescents arrêtés, Warren collait le plus aux préjugés sociétaux de ce qu’est un criminel. Ce garçon de 16 ans était petit et léger, avec des yeux de biche et des boucles foncées – un look androgyne de tombeur adolescent. Sa vie était, en langage stéréotypé, « compliquée ». Sa mère, alcoolique, l’avait abandonné il y a de cela des années. Avec son père, soudeur, il avait déménagé constamment, s’installant à Medicine Hat, Estevan, Nanaimo et, plus récemment, dans un parc à roulottes de View Royal. Durant les mois qui ont précédé le meurtre, il a vécu chez son ami Chris, son père l’ayant abandonné à son tour pour s’installer en Californie avec une femme rencontrée dans un casino de Las Vegas. Warren aimait les baggys blancs, Too $hort, et se vantait d’être un Crip.
Bien qu’il n’ait jamais rencontré Reena auparavant et qu’il n’ait pas eu vent du plan de Josephine et Kelly, il l’a lui aussi frappée sans pitié sous le fameux pont. Le lendemain, il s’est rendu chez sa petite amie, Syreeta, et lui a demandé de nettoyer son jean couvert de sang. Il lui a avoué qu’il avait suivi Reena, avec Kelly, et que « quelque chose est arrivé… Kelly lui a fait quelque chose ». Selon la déclaration de sa petite amie, la police a arrêté Warren et l’a interrogé pendant des heures, sans avocat ou parent à ses côtés. Ils se sont moqués de son aveu selon lequel il était resté impassible pendant que Kelly traînait et noyait Reena. Comme s’ils l’avaient pressenti, ils lui ont annoncé : « Tu es le mec dans l’histoire… Tu vas prendre perpète ». Le système de justice a lui aussi montré peu de sympathie pour « le mec dans l’histoire ». Au printemps 1999, lors d’un procès rapide et sans jury, le juge Malcolm MacAulay a qualifié le témoignage de Warren d’« incomplet et improbable » et l’a condamné à la prison à vie à Matsqui – une prison réputée difficile, entourée de brouillard et d’élevages ovins. Devant le palais de justice, sa mère, ivre, a déclaré en larmes aux journalistes : « Il est tout bonnement impossible qu’il ait tué cette fille ».
Lors de ses interviews et de son procès, Kelly Ellard a proposé une version des événements très différente de celle de Warren. Lorsqu’elle a été entendue pour la première fois par le sergent Krista Hobday, une amie de la famille, Kelly a allègrement affirmé n’avoir « aucun doute » quant au fait que le tueur de Reena « ait pu être Josephine. Elle dit toujours des trucs dingues – des trucs bizarres et démesurés. Elle voulait enterrer quelqu’un. Josephine pense qu’il est cool de blesser les gens, alors que ce n’est pas le cas ». En jouant sur les stéréotypes qu’elle avait toujours défiés, elle a insisté sur le fait que « les dames ne font pas ce genre de choses ». Dans une interview ultérieure, elle s’est dépeinte comme un bouc émissaire, une stratégie que ses avocats ont par la suite employée de manière habile. Alors même que la police a trouvé, dans son placard, une veste en nylon noir Calvin Klein dont les manches étaient imbibées d’eau salée, la même que celle prélevée dans la Gorge, elle a affirmé que cela datait d’une autre fois où elle été allée nager dans l’eau glacée. Confrontée au fait que, au fil du temps, un nombre croissant d’adolescents a témoigné contre elle et expliqué qu’elle s’était vantée de « l’avoir finie » et d’avoir « maintenu la tête d’une fille sous l’eau », elle a rétorqué avec véhémence : « On est au lycée ! Ce ne sont que des rumeurs ! Des rumeurs ! ».
Josephine s’est avérée être un suspect plus malin et loyal. Elle a refusé de témoigner contre Kelly, a refusé d’incriminer sa meilleure amie. (« Est-ce que j’ai l’air d’une balance ? » a-t-elle demandé à sa mère.) Lorsque la police a passé les enregistrements sur lesquels Kelly l’accusait du meurtre, elle est restée imperturbable et a feint la naïveté. « Nous ne parlons pas de meurtre, a-t-elle déclaré aux détectives. Nous parlons seulement de cigarettes et de maquillage. Il n’est en aucun cas question de violence. »
À l’instar du système judiciaire, les médias et la communauté ont été déconcertés par le comportement des adolescents de View Royal. Avant les coups de couteau infligés sous les ordres de Slenderman, avant le massacre de Columbine, l’affaire Reena Virk a créé un état de panique morale face à l’intimidation et la violence chez les adolescents. Dans un article de couverture intitulé « Bad Girls », l’hebdomadaire canadien indigeste Maclean’s mettait en garde contre une vague de filles enragées, « désespérées de copuler », possédées par « une fièvre [qui] semble aggravée par les garçons ». À mesure que la peur de l’agression féminine a prospéré dans les émissions de radio et de télévision, un expert de la violence chez les jeunes a rassuré le public en expliquant que « la grande majorité des jeunes filles font ce que les jeunes filles ont toujours fait : elles vont à l’école, s’adonnent à leurs passe-temps, flirtent ».
À bien des égards, le malaise et l’ignorance délibérée concernant la vie des adolescentes, leurs impulsions violentes, leurs désirs insensés, ont contribué au drame juridique étrange et sans précédent entourant le cas Kelly Ellard. Elle a finalement eu trois procès, et il a fallu près d’une décennie pour qu’elle soit condamnée. Lors du premier, elle s’est présentée comme une écolière discrète et s’est exprimée d’une voix silencieuse, avec de faibles touches d’accent britannique. Sa famille a assisté au procès tous les jours, assise dans la première rangée. Si Warren a été représenté par un défenseur public spécialisé dans les conduites en état d’ivresse, la famille de Kelly a engagé l’un des avocats les plus réputés du Canada, Adrian Brooks, pour représenter leur fille qui était, selon eux, injustement accusée. Avant la délibération du jury, il a souligné avec précision que « la Couronne ne vous a fourni aucun ADN, aucune empreinte digitale et aucun vêtement ensanglanté. Une rumeur plus une rumeur est toujours égale à zéro ».
Après que le jury l’a reconnue coupable en 2000, la juge Nancy Morrison a salué « l’amour débordant de Kelly pour les animaux », et l’a condamnée à la peine la plus légère possible, la qualifiant de « jeune, intelligente » et « issue d’une famille merveilleuse ». En 2001, la Cour suprême du Canada a annulé cette condamnation au motif qu’elle avait été mal interrogée. En 2004, lors de son deuxième procès, la procureur Catherine Murray, une blonde bronzée et athlétique, surnommée « California Cathy » par ses amis, a fermement défié Kelly dans la salle d’audience. Une autre facette de Kelly a commencé à émerger. Elle a levé les yeux au ciel et parlé avec sarcasme. « Je ne suis pas un monstre, a-t-elle crié. Je continuerai de dire que je n’ai pas tué Reena Virk jusqu’à ma mort ! » Le procès a été déclaré nul lorsque les jurés sont tombés dans une impasse à 11-1. Lors de son troisième procès, en 2005, de nouveau présidé par Murray, Kelly a été reconnue coupable et s’est vu refuser d’autres appels.
En prison, Kelly et Warren ont pris des chemins différents. Warren a évité les ennuis et s’est porté volontaire pour parler aux jeunes à risque. Il a participé à des programmes de justice réparatrice, qui visent à faciliter la réconciliation entre les victimes et les délinquants. Il s’est entretenu en privé avec les parents de Reena Virk. Dans un acte de pardon extraordinaire, ils ont accepté ses excuses et ont appuyé sa demande de libération conditionnelle totale (qu’il s’est vu accorder en 2010). « De tous les accusés dans cette histoire, a déclaré Suman Virk aux journalistes, Warren est le seul à assumer la responsabilité de ses actes. »
Kelly, au contraire, a continué de clamer son innocence et de se comporter de manière erratique et menaçante. Les dossiers de prison révèlent de nombreuses infractions. Elle a accumulé des dizaines de brosses à dents, apparemment destinées à fabriquer des surins de fortune ; elle a confessé une addiction d’un an à la crystal meth de contrebande. Peu de temps après avoir eu trente ans, Kelly a abandonné la drogue, trouvé un boulot dans la bibliothèque de la prison et entretenu une correspondance avec un homme de 41 ans nommé Darwin. En octobre 2016, Kim Bolan, reporter criminel originaire de Vancouver, a révélé le fait que Kelly, désormais âgée de 33 ans, était enceinte de huit mois de Darwin, un « ancien criminel affilié à un gang ». En février dernier, lors de sa demande de libération conditionnelle, Kelly a assumé pour la première fois son rôle dans le meurtre, avec une version des faits plus que douteuse – elle aurait soi-disant mis Reena dans l’eau pour « asperger de l’eau sur son visage » afin de voir si elle allait « se réveiller ». On lui a accordé des mises en liberté avec escorte de sorte qu’elle puisse emmener son bébé aux rendez-vous médicaux. La naissance de son fils, a-t-elle déclaré à la commission des libérations conditionnelles, a été « très motivante… la meilleure des thérapies ».
À View Royal, le meurtre de Reena Virk fait toujours écho et hante la communauté à la manière d’un mythe ou d’une légende urbaine. Alors même que l’affaire a levé le voile sur le monde caché des filles comme Josephine qui, après avoir été abandonnées, deviennent vulnérables et instables, peu d’efforts systémiques ont été réalisés en termes de conseils ou de refuges. Seven Oaks, un foyer géré par le gouvernement pour les filles en fuite, où Reena et Josephine ont passé du temps, a été fermé peu de temps après le meurtre et n’a jamais rouvert ses portes. Les services sociaux dédiés aux filles maltraitées ou traumatisées (l’une des filles impliquées dans l’attaque de Reena avait été témoin du meurtre de son père commis par sa mère) restent rares. Bien que les éducateurs et les experts aient souligné la nécessité d’un centre de jeunesse, les politiciens locaux ont préféré investir dans le développement d’un casino, désormais situé non loin du pont que Reena a traversé vingt ans auparavant. Cinq cents machines à sous, promet le site. « Là où commence le plaisir ! »
Beaucoup de filles qui ont observé ou participé à l’attaque de Reena sont actives en ligne, comme nous tous, et partagent des photos de leurs enfants, de leur mari et de leur maison. La victime de l’histoire, Reena Virk, reste étrangère à ce pan de la modernité. Il n’existe qu’une seule photo d’elle, maladroite mais émouvante. Après que Reena a été battue sous le pont, les filles ont fouillé dans son sac à dos, jeté sa bouteille de parfum et son journal intime dans les eaux sombres. Les plongeurs ont récupéré son journal, et je repense souvent à ces pages, scellées dans un laboratoire judiciaire, au sec. C’est tout ce qui reste de Reena : ses phrases, ses paroles, inconnues du monde, mais conservées quelque part, saines et sauves.
*Les noms ont été modifiés conformément à l’interdiction de publication ordonnée par le tribunal.
Rebecca Godfrey est l’auteure de Under the Bridge : The True Story of the Murder of Reena Virk.