Avec les femmes qui ont fait de la prison à cause de leur mec manipulateur
ILLUSTRATION DE JENNIFER KAHN

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Crime

Avec les femmes qui ont fait de la prison à cause de leur mec manipulateur

Vicki Shaw a été condamnée à 15 ans de prison, en partie à cause d'un chum possessif. Et elle n'est pas la seule.

« Si je rentrais à la maison sans drogue ou sans argent, ça lui arrivait de me frapper, se souvient Lacey*. Je n'ai jamais levé la main sur lui en premier, c'était toujours lui qui commençait à être violent avec moi. Je me sentais obligée de sortir récupérer de l'argent. Ce n'était pas que de la violence physique : la violence psychologique était patente. Du coup, je sortais pour voler dans des magasins. Il m'est également arrivé de me prostituer. »

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Lacey m'explique qu'en cherchant à approvisionner son ex-copain en drogue elle est tombée dans une spirale autodestructrice qui l'a menée en prison. Elle-même consommatrice d'héroïne et de crack à l'époque, elle reste persuadée que si elle n'avait jamais connu Paul*, elle n'aurait jamais succombé aux sirènes du vol.

« Il fallait que je joigne les deux bouts, que je m'assure qu'on ait assez de drogue pour tous les deux, me dit-elle. Il me mettait une pression terrible. Si j'avais été toute seule, je n'aurais pas fait tout ça. »

Lacey n'est pas la seule dans cette situation. Selon le Prison Reform Trust (PRT, association conduisant des études dans le milieu carcéral britannique), 48 % des femmes incarcérées en Angleterre et au Pays de Galles le sont pour des actes commis pour satisfaire l'addiction d'un proche. Pour les hommes, le chiffre tombe à 22 %.

Très souvent, ces femmes ne se rendent pas compte qu'on s'est joué d'elles pendant plusieurs années : c'est le cas de Lacey. « Il m'a énormément manipulée, raconte-t-elle. Toute cette pression pour se procurer de la drogue, c'était sur mes épaules. » Elle explique que, puisque Paul était connu des services de police de leur petite ville anglaise, c'était à elle de voler.

« Je me mettais tout le temps en danger. On allait dans un magasin, il volait tout un tas de trucs, et après c'était à moi de les cacher en sortant, l'air de rien. C'était tout le temps comme ça. » Parfois, Paul disparaissait un temps – soi-disant pour réclamer de l'argent à sa mère – et sa compagne devait voler à l'étalage en son absence.

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« Il me disait des choses comme : "Pourquoi tu ne vas pas en ville, voir ce que tu peux choper ?" Il savait que j'étais douée pour le vol à l'étalage. Il me culpabilisait toujours, du coup j'y allais, se souvient Lacey. Je risquais de me faire arrêter pendant qu'il était tranquille "chez sa mère". Il partait juste pour ne pas avoir à être impliqué dans les vols. » Tout ce qui était volé était vendu, et l'argent servait à acheter de la drogue.

Même si on peut noter quelques progrès, les systèmes judiciaires britannique et américain ne reconnaissent que très rarement l'influence qu'un compagnon drogué peut avoir sur une femme. « La grande différence entre les hommes et les femmes en prison, explique Jenny Earle, membre du PRT, c'est que, pour beaucoup de femmes, les délits sont commis en raison de leurs relations ; pour les hommes, les relations sont un général un facteur contre la criminalité. »

D'après une étude d'Harvard publiée en 2006, être marié réduit de 35 % les risques qu'un homme commette un crime ou un délit. Jenny Earle explique que pour les femmes, c'est tout le contraire : les femmes mariées, notamment à des drogués, ont plus de risques de commettre une infraction. « Les femmes ont bien plus tendance à mêler la consommation de drogue dure aux infractions », explique Jenny Earle.

Inévitablement, Lacey a été arrêtée en 2000 pour vol à l'étalage, avant d'être incarcérée. « Je ne me rappelle même pas de ce que j'ai volé, raconte-t-elle, C'était probablement des vêtements, ce genre de trucs, ou peut-être de la viande, pour la revendre après. » Lacey a vu les multiples accusations de vol à l'étalage portées contre elle être rassemblées en un seul chef d'accusation : elle s'est retrouvée incarcérée pour 12 mois à la prison de Holloway, à Londres. Des années plus tard, désormais clean et en couple avec un homme stable, Lacey comprend mieux comment sa jeunesse, sa naïveté et son problème avec la drogue l'ont piégée. « C'est comme un cercle vicieux. Vous retournez en rampant vers cette personne qui vous offre un peu de confort, et ça se dégrade en quelques mois, puis ça redevient agréable, et ainsi de suite : c'est une vraie spirale infernale. »

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La plupart du temps, les femmes comme Lacey commettent des infractions de « bas étage » plutôt que des crimes violents : par exemple, 36 % des femmes condamnées en Angleterre et au Pays de Galles le sont pour vol à l'étalage. Une étude récente du Ministère de la Justice britannique a conclu que les femmes sont susceptibles de commettre des infractions moins graves que les hommes. Mais certaines femmes se retrouvent à devoir commettre certains crimes pour subvenir aux besoins d'un conjoint drogué et manipulateur.

« Rien ni personne ne vaut la peine de perdre votre liberté. » – Vicki Shaw

« C'était comme être aspirée dans un vortex, sans aucun moyen d'en sortir », précise Vicki Shaw au sujet de son expérience au sein d'un trafic de méthamphétamine aux États-Unis. Elle est actuellement emprisonnée pour 15 ans et demi à Waseca, une prison pour femmes du Minnesota ; nous avons pu discuter par e-mail.

Tout comme Lacey, Vicki se sentait obligée d'entretenir la dépendance de son copain Richard*. « Si j'avais été toute seule, je n'aurais pas eu ce besoin d'avoir de la meth en permanence, écrit-elle. Richard était marié à l'époque, mais il avait des problèmes dans son couple. On a commencé à traîner ensemble et à prendre de la meth tous les deux. Avec le recul, je me rends compte que Richard était un sociopathe, un égoïste. Je l'ai laissé me retourner le cerveau. Il m'a menti sur presque toute la ligne. »

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Quand Vicki ne ramenait pas de drogue à Richard, celui-ci devenait distant et cruel. « Lorsque je n'avais pas de meth, il me traitait comme de la merde, se souvient-elle. Quand j'en avais, il me traitait comme la reine du monde. À l'époque, j'avais besoin de ça. Pour m'apprécier moi-même, j'avais besoin qu'il ait besoin de moi. Je pensais que la seule manière d'y arriver, c'était de lui fournir de la méthamphétamine. »

Photo de Studio Firma via Stocksy.

Photo de Studio Firma via Stocksy

Bien que Richard n'ait jamais levé la main sur Vicki, son comportement s'apparente à ce que les psychologues appellent la « persuasion coercitive ». « Il me trompait, refusait de me parler ou me mentait », ajoute Vicki.

Malgré tout cela, Vicki assume la responsabilité de ses actes : « C'est moi qui ai décidé de me lancer dans le crime organisé, j'ai pris l'initiative. »

Comme on pouvait s'y attendre, Vicki s'est fait arrêter par les autorités fédérales ; à ce moment-là, Richard a disparu. Vicki a été la seule à être condamnée par le tribunal : son petit ami n'a jamais été inquiété car on ne le pensait pas assez intelligent pour gérer un trafic de drogue. « Ce n'est pas juste, rajoute Vicki. Il livrait de la came à des gens, parfois. Il était impliqué dans le trafic. »

Si Richard a joué un grand rôle dans le comportement criminel de Vicki, elle seule a été jugée et emprisonnée. C'est comme si Richard n'avait jamais existé.

« On aimerait que l'impact d'une relation coercitive sur les femmes soit reconnu, explique Jenny Earle. Pour cela, il faudrait que les informations relatives à ces relations perverses soient fournies aux tribunaux à l'avance. » Des progrès ont été faits : en Grande-Bretagne, suite à de nouvelles directives émises en 2016, la contrainte, l'intimidation ou la violence sont désormais considérées comme des circonstances atténuantes lors des procès pour vol.

Pour Vicki et Lacey, les conséquences de l'addiction d'un ex peuvent se faire sentir tout au long de la vie. Vicki, libérée du joug de son partenaire pervers, voit désormais à quel point Richard s'est joué d'elle et de son addiction à la meth. Malheureusement, cela ne changera en rien sa peine de prison. Elle espère désormais pouvoir aider d'autres femmes dans le même cas.

« Je n'aurais jamais pensé être emprisonnée aussi longtemps dans ma vie, raconte-t-elle. Rien ni personne ne vaut la peine de perdre votre liberté. Malheureusement, nos addictions sont tenaces et on ne peut pas s'arrêter tout seul ; c'est quand on touche le fond qu'on y voit plus clair. Je voudrais dire à ces femmes : pensez à vos enfants, à votre famille, pensez à l'impact que vos actions vont avoir sur eux. »

* Les noms et prénoms ont été changés.