Avec la « food designer » qui invente la bouffe que vous n'avez pas encore mangée

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Avec la « food designer » qui invente la bouffe que vous n'avez pas encore mangée

À travers différents projets, Chloé Rutzerveld montre comment utiliser la technologie pour produire dans le futur de la nourriture plus saine et plus rentable.

Je n'ai pas fait d'école ou de licence de design comme les autres. J'ai d'abord étudié à l'Université technique d'Eindhoven aux Pays-Bas. Ma spécialité ? Le design industriel. Une formation normalement requise pour les gens qui veulent dessiner des meubles ou faire du code.

Perso, ça me faisait chier de faire des chaises. Lors de ma deuxième année, je suis tombé sur un projet de viande cultivée. Un élément déclencheur qui m'a permis de faire le pont entre mes connaissances en design et mon attrait pour la bouffe. J'ai appris comment associer ma passion pour la technologie, la science et les arts.

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Le projet Digestive Food qui s'intéresse aux nutriments non absorbés. Toutes les photos via Chloé Rutzerveld.

À partir de ce moment-là, j'ai regardé de manière un peu différente les techniques derrière la production de nourriture. Je me suis demandé comment faire pour obtenir des résultats sortant de l'ordinaire grâce à la technologie. C'est ce qui fait la base de mon métier aujourd'hui. Je cherche en permanence de nouveaux moyens de produire des aliments plus sains et plus rentables. C'est simple, j'utilise la technologie pour faire de la meilleure bouffe du futur.

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Tout est très abstrait – un peu comme In vitro ME [son projet de « bijou bio-réacteur » qui, placé dans les cavités du corps humain, cultive des tissus musculaires]. Je ne pense pas vraiment qu'un jour, on finira par faire de la viande cultivée à partir de nos propres corps. La question, c'est plutôt de savoir jusqu'où les gens sont prêts à aller pour manger de la viande dans le futur. C'est plus facile quand ça vient d'un animal non ?

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Le projet In vitro ME s'interroge jusqu'où les gens sont prêts à aller pour manger de la viande.

Avec mon projet Edible Growth, j'explore la bouffe imprimée en 3-D et nourrissante et je m'interroge : pourquoi cette technologie n'est utilisée pour ne faire que des cookies, du chocolat ou des sucreries ? Pour moi, ce n'est pas vraiment de la nourriture. Si l'on veut prendre cette technologie au sérieux et produire vraiment quelque chose de nutritif dans le futur, que doit-on faire ? L'idée, c'était de montrer l'étendue de nos possibilités.

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Ce message est véhiculé à travers des ateliers et des dîners expérimentaux où vous pouvez utiliser tous vos sens. Si je fais une présentation pour parler de ces enjeux, c'est trop passif. Quand les gens peuvent mettre la main sur le produit de cette technologie, ils comprennent vraiment de quoi je parle et comment je suis arrivée à ces idées. On peut ensuite avoir une discussion pertinente à propos de la viande cultivée, du futur ou de l'alimentation par imprimante 3-D.

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Le projet Edible Growth et sa bouffe imprimée en 3-D.

Quand j'ai commencé dans le design, tout était plus spéculatif. Après mon diplôme, j'ai lancé ma propre entreprise et j'ai réalisé que je devais penser de manière beaucoup plus réaliste et concrète. Tracez un trait. D'un côté, vous avez les choses qui existent déjà. De l'autre, vous avez celles que l'on voit dans les ouvrages de science-fiction ou les films futuristes. Au milieu de ces deux catégories se trouve l'innovation.

Mon nouveau projet, STROOOP! se situe à ce croisement. Ce n'est ni fou, ni infaisable.

Je collabore avec une entreprise qui fait des jus de légumes en utilisant le sous-produit de carottes de supermarché. Moi j'utilise leur sous-produit ; la fibre. Je voulais créer quelque chose avec le moins d'additif alimentaire possible. Je voulais montrer qu'en utilisant les caractéristiques naturelles des produits de manière intelligente, on pouvait en créer un autre.

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Le dernier projet, STROOOP!, des gaufres bataves faites avec des déchets végétaux.

J'ai décidé de faire des stroopwafel, ces gaufres néerlandaises. Un choix logique puisque j'utilise un produit hollandais et qu'elles sont une spécialité du pays. Leur forme familière me permet de toucher plus de monde aussi.

Je crois que le futur de l'alimentation ira dans plusieurs directions. Il y aura par exemple une branche très high-tech articulée autour du corps humain – la nourriture n'aura pas un super goût mais sera blindée en nutriments. Je pense qu'il y aura aussi de plus en plus de fermes urbaines et que les particuliers devront faire pousser une partie de leurs aliments. De manière générale, il faudra être plus attaché à la nature.

J'espère qu'on continuera à manger moins de viande et qu'on sera de plus en plus concerné par ce qu'on mange. Il y a une énorme perte au niveau de l'expérience de la nourriture par les sens à cause de la production de masse. J'espère que, dans le futur, on se concentrera plus sur les textures et les goûts.

Propos rapportés par Daisy Meager.

Chloé Rutzerveld travaille au Pays-Bas. Diplômée de l'Université technique d'Eindhoven en 2014, elle a ensuite monté sa propre société de design et de conceptualisation autour de la nourriture. Elle aborde les questions sociétales posées par la bouffe à travers des dîners et des ateliers.