On a tapé la discute avec les mecs qui ont fait du parkour à Tchernobyl
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On a tapé la discute avec les mecs qui ont fait du parkour à Tchernobyl

Pénétrer sur l'ancien site nucléaire de Tchernobyl est passible de deux ans de prison, mais un collectif de parkour a décidé que ça en valait la peine.

Plus de cinquante morts durant l'explosion, un incendie de 10 jours qui a engendré l'évacuation de 350 000 personnes, près d'un million d'individus qui ont subi les conséquences de cet accident, dont la moitié a lutté pour éviter que la catastrophe ne touche plus de personnes. Et ceux qui ont survécu ont une espérance de vie beaucoup plus courte que celle de leurs ancêtres.

C'était Tchernobyl, au mois d'avril 1986. Bien que certains aient décidé de rester vivre là-bas, il a été décrété que la zone touchée ne pourrait être habitée pendant 40 000 ans. Rester dans la région est toujours considéré comme du suicide.

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Ou peut-être pas en fait ?

Hit the Road, un collectif de parkour formé par quatre jeunes Parisiens, s'est rendu l'été dernier au centre de la vieille centrale nucléaire de Tchernobyl. « Nous voulions voir par nous-mêmes comment la nature avait occupé cet espace urbain que nous ne connaissions que grâce à ce qu'on en avait entendu », a expliqué à VICE Sports Clément Dumais, l'un des membres de la bande.

Clément est un des fondateurs de Hit the Road avec Nico Mathieux et Paul BRD. Ils ont commencé en 2012 et deux ans plus tard, ils ont été rejoints par un autre fou de parkour, Leo Urban. Une fois le groupe au complet, un objectif s'est imposé à eux en priorité : escalader la Tour Eiffel. Pari réussi.

La piscine publique de Pripiat, la première ville évacuée après la catastrophe.

« Ça valait la peine d'aller à Tchernobyl, affirme Leo. Mais nous ne savions pas ce que nous allions y trouver. Et en arrivant, nous avons été surpris ». Avant de se rendre dans la ville fantôme, le groupe a passé quelques jours à Kiev pour découvrir la ville et rencontrer d'autres "traceurs" - nom donné à ceux qui pratiquent le parkour – de la capitale ukrainienne.

Ils ont cherché, puis trouvé des bunkers abandonnés. « Nous avons pris des habits et des masques que nous avons portés jusqu'à la zone infecté, explique Nico, tout en nous montrant un des masques typiques que vous avez l'habitude de voir dans les films. Tous datent de la Guerre Froide car il y avait à l'époque des risques d'attaques nucléaires. Ils n'ont jamais été utilisés, on les a trouvés dans des boîtes fermées ».

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À Kiev, ils ont rencontré une personne qui était déjà allée trois ou quatre fois à Tchernobyl. « Il connaissait la route et savait comment éviter les contrôles de sécurité », explique Paul. Il y a en effet de nombreux checkpoints autour de l'ancien site nucléaire afin d'empêcher quiconque de pénétrer dans cette zone morte. Si quelqu'un se fait attraper, il va directement en prison, sans procès.

« Depuis Kiev, on a roulé jusqu'à un endroit situé à une vingtaine de kilomètres du premier point de contrôle, se souvient Léo. On est entré par un trou fait dans la clôture et on a commencé à marcher ». Le premier soir, ils ont marché pendant 12 heures.

Dans l'ancienne centrale, le travail pour recouvrir le réacteur 4, à l'aide d'un sarcophage, se poursuit avec des risques importants d'exposition à la radioactivité, d'oû la présence de gardes et l'interdiction de pénétrer sur le site.

« Pour éviter les militaires, on a dû passer par des sites irradiés, admet Clément. Léo s'est coupé la main et quand on a calculé sa radioactivité avec le compteur Geiger, on a vu qu'elle était très élevée ». Certaines plantes qu'ils ont touchées étaient 14 fois plus radioactives que les limites de sécurité.

Ils l'appellent la zone morte car il n'y a pas de vie humaine, mais la nature a investi tout l'espace.

La limite d'exposition à la radioactivité pour un être humain dans une journée est de à 0,30 mSv. Le groupe a atteint un chiffre de 5,20 mSv dans la forêt même si ces expositions ont été brèves. Ils ont dormi dans des endroits où elle ne dépasse pas la limite, mais ils se devaient de faire preuve de prudence. « On était heureux de vivre ça mais on voulait aussi revenir en bonne santé », dit Léo.

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Pour atteindre Pripiat, la ville fantôme située à cinq kilomètres de l'usine, qui a été évacuée 36 heures après l'accident, les membres de Hit the Road ont été obligés de traverser des rivières et des forêts radioactives et de suivre une vieille ligne de chemin de fer. « On était épuisés de toute cette marche. On a juste fait un tout petit peu de parkour et on s'est contentés d'explorer la ville et son environnement, affirme Nico tout en regardant les chaussures qu'il porte. C'est celles que je portais. Elles sont bien pour le parkour mais pas pour marcher autant de kilomètres. »

Pendant quatre jours, les membres du groupe ont marché presque 160 kilomètres dans des zones radioactives.

« Le plus dur a été d'accepter d'être exposés à des radiations tout en continuant à marcher », explique Léo. Ses partenaires hochent la tête. Le parkour fait partie de leur vie. Cette discipline va bien au-delà des limites physiques et mentales de chacun. Et c'est ce qu'ils ont démontré en allant dans une des zones les plus radioactives du monde.

Voyager de Paris jusqu'à Tchernobyl au XXIe siècle c'est aussi se plonger dans un pays du bloc soviétique du milieu des années 1980. La zone n'a pas changé : tout ressemble à ce qu'ont quitté des familles qui ne reviendront jamais. Il y a des symboles communistes partout.

Les arbres et les plantes sont dans tous les coins de Pripiat.

« Tout le monde pense que c'était il y a une éternité, mais ça ne fait que 30 ans », lance Clément, avant de nous quitter.