A l’heure du 16e anniversaire de Facebook, le plus grand réseau social au monde ressemble fort à un ado de 16 ans. Ce jeune tout mignon, innocent, toujours à traîner avec ses amis proches s’est métamorphosé en un monstre qui n’en fait qu’à sa tête, propageant mensonges et rumeurs, sans prendre aucune responsabilité du chaos qui en découle.
En 2020, c’est sans conteste Facebook – propriétaire d’Instagram et de WhatsApp – qui domine le monde des réseaux sociaux. Ça fait bizarre de se remémorer l’époque d’avant Facebook, l’époque de MySpace, MSN et Copains d’avant, ce temps où les jeunes utilisaient toutes sortes de réseaux sociaux, souvent très localisés, à travers le monde. Pour célébrer le 16e anniversaire de notre cher Facebook, j’ai interrogé cinq personnes de différentes parties du monde sur leurs plateformes favorites de l’époque pré-Zuckerberg. Beaucoup d’entre elles ont été complètement abandonnées, mais certaines sont toujours actives.
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Orkut
Origine : Mondiale. Surtout populaire au Brésil et en Inde.
Durée de vie : 2004 – 2014.
Utilisateurs : 66 millions à son apogée en 2011.
La plateforme a reçu le nom de son créateur, un ancien employé de Google nommé Orkut Büyükkökten. Orkut était d’abord un réseau social sans fil d’informations ou de messagerie. Tous les messages étaient publics sur le profil des utilisateurs, comme dans les premières versions de Facebook. Ça peut avoir l’air horrible, mais selon Daniel, jeune de 25 ans originaire de Sao Paulo, c’était ce qu’il y avait de mieux sur la plateforme. « Quand on a un fil comme sur Facebook [aujourd’hui], l’algorithme décide à peu près de tout ce qu’on voit, a-t-il dit. A l’époque, on contrôlait à 100 % ce qu’on voulait voir et avec qui on voulait interagir. »
« On ne s’attendait pas à tout pouvoir faire sur la même plateforme, a poursuivi Daniel. On ne lisait pas les journaux et on ne suivait pas d’influenceurs sur Orkut. » En 2006, Facebook a commencé à mettre toutes les fonctionnalités sur un seul site. Orkut a essayé de s’adapter, mais la plupart des Brésiliens l’ont abandonné en 2011. « Ce qui me manque le plus, c’est de ne pas avoir mes interactions enregistrées 24 heures sur 24, 7 jours sur 7 », a-t-il conclu.
VKontakte (En Contact)
Origine : Russie, populaire dans les pays russophones
Durée de vie : 2006 – aujourd’hui
Utilisateurs : 500 millions
VK est toujours le plus grand réseau social en Russie. Malgré les similarités avec Facebook, la plateforme autorise également les utilisateurs à télécharger illégalement de la musique et des films et à les regarder en streaming. Ani, jeune moscovite de 25 ans, pense que c’est la raison pour laquelle VK a explosé quand elle était ado. « A l’époque, on n’avait ni Spotify ni Netflix et tout le monde s’en foutait des droits d’auteur », a-t-elle expliqué.
Depuis 2013, la compagnie a été rachetée par le moteur de recherche Mail.ru, fidèle au gouvernement russe. Ani et beaucoup d’autres utilisateurs ont arrêté de l’utiliser par peur que le gouvernement russe ne les espionne via la plateforme. Au cours des dernières années, certains utilisateurs de VK ont été arrêtés et emprisonnés à cause de leurs publications, likes et même partages de publications citant des lois antiterroristes.
« Ça fait plus “conscient” d’être sur Facebook parce que beaucoup d’intellectuels libéraux russes l’utilisent », a dit Ani. « Ça fait un peu comme Twitter pour nous, c’est là où tu suis des gens parce que tu veux voir ce qu’ils pensent. » Aujourd’hui, elle n’utilise VK que pour parler à une amie qui habite loin. « Ça m’a permis de conserver notre amitié. »
Votamicuerpo (Vote Mon Corps)
Origine : Espagne
Durée de vie : 2005 – aujourd’hui
Utilisateurs : Trois millions (selon leur propre site).
Votamicuerpo était un réseau social où les utilisateurs pouvaient télécharger une photo de tout leur corps, pour que les autres utilisateurs votent anonymement sur une échelle de un à dix. Votre score personnel était la moyenne de points que vous receviez, et il était public. « J’avais 8,3 ou 8,4, a rappelé Carlos, jeune de 28 ans originaire de Tolède. Le score était important pour moi, mais les commentaires encore plus. C’était sympa de recevoir un coeur ou que quelqu’un me dise que j’étais beau. »
Même si la plateforme semble un terrain fertile au harcèlement et au manque de confiance en soi, Carlos et son ami Joel ont insisté pour dire qu’elle était bien faite. « Tout le monde savait que c’était une blague, a lancé Joel. Je pense qu’utiliser Votamicuerpo aujourd’hui doit être bien plus dangereux parce que les gens prennent les réseaux sociaux beaucoup plus au sérieux. »
Endless Fantasy
Origine : Allemagne
Durée de vie : Inconnue – aujourd’hui. Apogée autour de 2004-2005.
Utilisateurs : Inconnus
Endless Fantasy permettait aux gens d’entrer en contact avec d’autres personnes de leur région, en inscrivant des distances comme sur Tinder. « Je n’ai jamais compris d’où venait le nom, a avoué Pia, une jeune femme de 28 ans originaire de Cologne. C’était probablement destiné à être un site de rencontres. » Comme on ne communiquait qu’avec des gens près de chez soi, Pia sentait qu’avec Endless Fantasy, une communauté très soudée se construisait. Les réseaux sociaux mondiaux comme Facebook ne peuvent pas recréer cela.
Les gens publiaient des photos d’eux et de leurs amis, et des albums qui reflétaient leurs personnalités et leurs intérêts. « Par exemple, je cherchais sur Internet la photo la plus cool d’un de mes artistes préférés comme Kurt Cobain ou Die Ärzte, je la téléchargeais et la mettais dans mon album “Musique”, a-t-elle expliqué. J’avais flashé sur un gars qui était dans un groupe et je mettais des photos de groupes cool pour qu’il soit impressionné en regardant mon profil. »
Renren (Le réseau de tout le monde)
Origine : Chine
Durée de vie : 2005 – aujourd’hui
Utilisateurs : 56 millions à son apogée en 2012, 21 millions en 2017.
Renren était le réseau le plus populaire des étudiants d’université chinois. Yije*, jeune homme de 30 ans originaire de Pékin, l’a utilisé pour se lier d’amitié avec ses futurs camarades de classe avant son premier semestre et l’a trouvé encore plus utile lorsqu’il a commencé l’université.
« Parfois, on pouvait avoir une véritable amitié virtuelle avec quelqu’un qu’on avait rencontré qu’une seule fois sur le campus », a-t-il dit.
Yije a eu son diplôme d’’université à peu près quand WeChat est devenu populaire et que tout le monde a quitté Renren. Depuis que Facebook est bloqué en Chine continentale, WeChat est toujours le réseau social le plus populaire. La « super application » offre une messagerie traditionnelle, des conversations vidéo en tous genre, pour commander de la nourriture ou prendre des rendez-vous avec le gouvernement. « Il est devenu très difficile de s’en passer », a conclu Yije.
A l’avenir, Yije pense que des plateformes plus mondiales seront chinoises. « La Chine a 1,4 milliard de personnes qui se fichent pas mal qu’on ne respecte pas leur vie privée, donc les compagnie technologiques ont accès à plus de données. » Il pense que la croissance de Tiktok montre que les Occidentaux sont désormais prêts à accepter des applications de divertissement chinoises. « A mon avis, la plupart des gens ne doivent pas savoir que Tiktok est devenu chinois, a-t-il lancé, et c’est peut-être ça, la stratégie des grandes compagnies technologiques chinoises. »
* Le nom a été changé.
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