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Après des années de galère, Parme tente de se reconstruire

9 avril 2017, Stade Ennio-Tardini : après trois victoires de suite, Parme tombe sur sa pelouse face au dernier du championnat Ancône. Score final 0-2. À quatre journées de la fin, les Gialloblù peuvent faire une croix sur la première place du groupe B de Lega Pro (3e division italienne), occupée par Venise. Rageant, quand on sait que seuls les premiers des trois groupes de cette Lega Pro monteront directement en Serie B. Pour les autres, il reste un seul ticket, et ce sont le les neuf deuxièmes de chaque groupe qui devront batailler sur le système des play-offs pour l’obtenir.

Mais si les Gialloblù, surnom des joueurs de Parme, perdent du terrain en championnat, ils remontent progressivement la pente, plus longue, de la rédemption. Car le Parma Calcio 1913 revient de loin. En mars 2015, le club est officiellement déclaré en faillite. Depuis plusieurs mois déjà, les problèmes financiers du club apparaissent progressivement au grand jour. Sixième de la saison 2013-2014, le Parma FC (son nom d’alors) est recalé de la Ligue Europa pour cause de non-respect du fair-play financier mis en place par l’UEFA. En octobre 2014, le club, qui appartenait à Tommaso Ghirardi depuis huit ans, est vendu à l’Albanais Rezart Taçi. Après avoir réalisé l’ampleur des dettes parmesanes, ce dernier revend le club quelques mois plus tard pour 1 euro symbolique à Giampietro Manenti. Ce sombre personnage, qui avait affirmé renflouer les caisses et payer les cinq mois de salaire en retard aux joueurs, terminera à la fin de la saison en prison pour une affaire de détournement de fonds publics et de blanchiment d’argent.

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Plus payée, totalement démobilisée, l’équipe termine dernière de Serie A. De son côté, la justice décide de rétrograder administrativement Parme en Serie D, quatrième division italienne et première division amateure. Les contrats sont rompus, et les dirigeants, le staff et les joueurs quittent le navire parmesan.

Lorsque l’on repense aux années dorées du Parma FC des années 90, on se demande ce qui a bien pu se passer. Fausto Pizzi, ancien baroudeur de la Serie A et joueur de Parme, se souvient avec bonheur de cette Coupe des coupes remportée contre Anvers en 1993. « C’est le premier trophée européen qu’a remporté le Parma FC. Jouer devant 13 000 supporters parmesans à Londres dans le stade mythique de Wembley reste l’un des plus beaux souvenirs de ma carrière. Nous avons en quelque sorte initié la belle histoire du Parme des années 90 ».

En 1999, Parme remportait la Coupe de l’UEFA avec dans ses rangs des joueurs de renoms comme Fabio Cannavaro, Lilian Thuram, Juan Sebastian Veron ou encore Crespo… Photo Reuters.

Lors de la décennie 90, le club remporte quatre trophées européens, dont deux coupes de l’UEFA en 1995 et 1999, et termine vice-champion d’Italie en 1997. Avec des joueurs comme Fabio Cannavaro, Lilian Thuram ou encore Hernan Crespo, le Parma FC fait partie des meilleures écuries italiennes. Un certain Gianluigi Buffon fait aussi la fierté du club à cette époque : le gardien de but emblématique de la Nazionale, qui a joué jusqu’en 2001 à Parme avant de partir pour la Juve, est en effet un pur produit du centre de formation parmesan. La formation parmesane est alors reconnue comme l’une des meilleures d’Italie. Mais avec le naufrage de 2015, elle aussi prendl’eau, et plus de 120 jeunes partent pour les autres clubs de la région.

À la fin de la saison 2014-2015, le club est donc au plus mal. « C’était une période de grand malaise, décrit Fausto Pizzi, alors entraîneur des jeunes pousses parmesanes, et désormais responsable du secteur Jeunes. Le club était sur le point de mourir. » Mais c’était sans compter sur l’entrepreneur dans les télécoms Marco Ferrari, qui décide de relancer la machine économique sur des bases saines et un nouveau projet. Il fait reprendre le club par ceux que l’ex-président du club Nevio Scala, parti fin novembre 2016, appelait les « Sept magnifiques ». Les Sept magnifiques, ce sont sept investisseurs de la région, dont le chef de file est Guido Barilla, PDG du groupe alimentaire du même nom. Avec ce projet, intitulé “Nuovo inizio” (nouveau départ, ndlr), une nouvelle société apparait, le Parma Calcio 1913, qui remplace désormais le Parma FC.

Mais surtout, Ferrari lance l’idée d’un actionnariat populaire, calqué sur le modèle des socios en Espagne. Ainsi naît le PPC, le Parma Participazioni Calcistiche, groupe de socios parmesans qui se pense comme contre-pouvoir au conseil d’administration. C’est en tout cas ce qu’espère Sandro Squeri, délégué administrateur du groupe : « Nous ne voulions plus que des personnes s’approprient une équipe de foot à des fins personnelles. Avec le PPC, nous voulons affirmer que l’équipe de Parme fait partie intégrante du patrimoine de la ville ».

La Curva Nord du stade Ennio-Tardini. Photo via Facebook.

Dès ses débuts, plusieurs centaines de supporters investissent dans le club. En janvier 2016, le PPC compte 423 soci et détient plus d’un quart de la société Parma Calcio 1913. Dans le même temps, près de 10 000 Parmesans s’abonnent pour venir soutenir les Ducali au stade Ennio-Tardini lors de cette saison de purgatoire en Serie D. Un signe de l’attachement fort de la population pour le club. « Les supporters voulaient que joueurs, dirigeants et tifosi aient le sentiment de faire partie de la même famille », développe Sandro Squeri. Un exemple de ces nouvelles valeurs ? La fête pour la montée en Lega Pro, lorsque propriétaires, staff, joueurs et socios se retrouvent pour célébrer la rinascita du nouveau Parme.

Aujourd’hui, le PPC ne possède plus que 19% du club, un chiffre qui va « toujours plus diminuer au vu de la puissance financière des Sept», selon Squeri. Les nouveaux statuts du club laissent toutefois aux socios un minimum de 10% des parts. De même, le PPC conservera toujours deux conseillers au sein du conseil d’administration du club. Surtout, au fil des mois, le PPC grandit – Squeri espère atteindre la barre des mille adhérents d’ici l’année prochaine – et commence à former un acteur à part entière de la vie du club.

Investisseurs, supporters, ex-joueurs et entraîneurs : tout le monde cherche donc à réunifier un club totalement détruit. Et quoi de mieux pour unifier que de recréer une mémoire commune ? À l’été 2015, une campagne de crowdfunding est lancée pour construire un musée à l’honneur de l’histoire du club de Parme, créé en 1913. 200 000 euros sont récoltés en quelques semaines. « La renaissance d’une grande équipe passe aussi par la création d’un nouvel imaginaire », décrit Sandro Squeri.

Sur le plan sportif, un joueur symbolise cette rinascita : Alessandro Lucarelli, joueur “bannière” de l’équipe. Ce dernier, qui vient de fêter sa 300e cape sous le maillot gialloblù, est le seul joueur de l’effectif professionnel à être resté au club après la débâcle. À désormais 39 ans, Lucarelli représente la renaissance sportive du club. « Je suis mort avec Parme, avec Parme je veux renaître », avait-il affirmé en 2015. Lucarelli a aussi pu profiter du projet sportif porté par Nevio Scala, ancien entraîneur iconique des belles années du Parma FC des années 90 et désormais ex-président du Parma Calcio 1913. Ce dernier a fait revenir au bercail plusieurs anciens joueurs et entraîneurs dans le staff, dont Fausto Pizzi et Luigi Apolloni, devenu entraîneur. Ce projet, Scala l’avait accepté en 2015 sous certaines conditions. « Je voulais transmettre les valeurs du football d’antan, lorsque l’argent n’était pas autant central, explique-t-il. Transparence économique, propreté financière et sportive : pour moi, ce projet pouvait constituer le futur : ce n’était pas uniquement une question de gagner, mais de gagner proprement et selon nos valeurs. » Pendant plus d’un an, le club renaît donc sur des bases économiques saines, l’équipe première monte progressivement et le centre de formation se refait une santé.

Alessandro Lucarelli, l’année dernière, lors de la dernière rencontre de Serie D.

Mais dans cette belle histoire, un événement fait tâche : le départ de cette icône qu’était Nevio Scala le 22 novembre dernier, après le limogeage de l’entraîneur Luigi Apolloni, dont le rendement sportif était contesté par les actionnaires et les supporters. Interrogé par VICE Sports, Scala s’insurge encore contre cette décision, qu’il juge irrespectueuse : « Sur le plan sportif, les règles que j’avais établies n’ont plus été respectées à partir de la remontée en Lega Pro. Auparavant, j’avais une très grande autonomie et j’avais pu choisir le staff technique. Mais Apolloni a été licencié sans même que l’on me demande mon avis. Je considère qu’ils n’ont pas respecté les règles de respect et de professionnalisme et les valeurs humaines que j’avais portées au début. »

Une situation que Sandro Squeri explique en ces termes : « Nevio Scala et Apolloni sont des personnes d’exception. Mais les Sept et le PPC considéraient qu’Apolloni ne possédait pas assez d’expérience du football professionnel (90% des socios ont voté pour son limogeage, ndlr). Nous sommes tous tristes d’avoir perdu Scala, mais nous pensons qu’il était juste de changer d’entraîneur pour faire à nouveau gagner l’équipe ». En tout cas, le bilan du nouvel entraineur Roberto d’Aversa apparait plutôt bon, avec seulement deux défaites pour dix-huit matchs joués.

Côté finances en tout cas, le club fait désormais figure de modèle. Le club ne compte plus aucune dette, ce qui fait du Parma Calcio 1913 une sorte d’ovni dans la galaxie du foot italien. « Tous les ans, au moins quatre ou cinq clubs se retrouvent avec des problèmes de finance, de non-paiement de joueurs, etc., décrit Luca Carra, administrateur délégué au club de Parme. C’était notre cas il y a deux ans, comme celui de Côme par exemple. ».

À partir de ce sombre constat, les acteurs du renouveau parmesan ont donc voulu montrer au monde du foot de nouvelles valeurs. Guido Barilla avait affirmé en 2015 : « avec Parme se développe un nouveau courant qui doit devenir un exemple pour tout le football italien ! » Nevio Scala explique de son côté : « Nous avons déclaré au monde ce que nous voulions faire : nous sommes une société qui part de zéro et nous réussirons à payer nos joueurs, nous respecterons les règles du fairplay, nous développerons un actionnariat populaire, des règles de transparence et nous ne dépenserons pas plus que ce que nous gagnerons. » Un prêche qui s’effectue pour l’instant dans le désert.