Le lundi 2 mars dernier, l’ambassadeur de la weirdpop revenait fouler le misérable sol parisien de ses bottines cloutées, auréolé d’un 8.8 récemment acquis pour son ablum Pom Pom sur le site Pitchfork et d’un plébiscite total autour de sa qualité d’artiste marquant du 21ème siècle. Le bal avait lieu au Trabendo. Hier soir, même endroit, le groupe qui a donné son nom au death metal, Death, agrémenté d’un DTA (on vous voit venir les petits malins), signifiant tout simplement Death To All (on ne rentrera pas dans les détails macabres de cette nouvelle formation), jouait son album de 1995, Symbolic, qui lui, n’a jamais été chroniqué sur le site suscité. Pour savoir si ça jazzait ou pas, nos deux envoyées spéciales, Julie Benoist et Sarah Mandois, y étaient, (presque) en même temps.
Les photos d’Ariel Pink sont de sont de Chloé Vierre / Les photos pourries de Death DTA sont de Sarah Mandois.
Scream Bloody Gore !
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Ariel Pink : Un petit tour dans la cour du Trabendo pour observer la faune en attendant la fin de la première partie (snobinarde à vie, désolé). L’endroit ne dégueule pas de p’tits canons et contrairement à c’qu’on peut penser, le profil est plutôt trentenaire intello que jeune créatif excentrique. Me voilà rassurée, moi qui suis tellement mal fringuée ce soir. Grosse tendance rayures noires et blanches dans la salle. On sonde trois hipsters en reconversion sur Harry Merry, le groupe qui ouvrait : « Laisse béton, du sous Ariel Pink en moins bien, et en plus vieux ». Ok, les gars. Un type à chapeau de paille, sosie d’Alice Cooper sur le retour, nous interpelle : « Hey, do you have some weed or ash ? I come from L.A. » Euh, nan mon p’tit père, même si tu venais de Melun. On se rendra compte 15 minutes plus tard que c’était en fait le batteur d’Ariel Pink.
Death DTA : Comme tout concert de death metal qui se respecte, le public est principalement constitué d’homme blancs vêtus de noir. Les minorités n’étaient pourtant pas laissées de côté avec la présence notable d’une enfant de 13 ans arborant fièrement une veste floquée « Suicidal Tendencies » surmontée d’un crâne, et celle du sosie du chanteur de Fear Factory, un bonnet « Weed Police » vissé sur la tête. Plus étonnant encore, une besace Unkut a été repérée dans la fosse, véritable premier pas vers la résolution à l’amiable du conflit « rap vs metal » agravé par Fred Durst il y a bientôt 20 ans. Mis à part ça, les metalheads se suivent et se ressemblent dans leur quête éternelle de la veste à patchs la mieux référencée, laissant se côtoyer Iron Maiden, Darkthrone, Children Of Bodom et Avenged Sevenfold.
Le public bleu et or d’Ariel Pink.
ENTRÉE EN MATIÈRE
Ariel Pink : Après quelques minutes d’attente, le cirque Pinkder déboule. Ambiance Walt Disney 100 % posi. La scène est baignée d’une lumière bleue étrangement chaude et réconfortante. Ariel, baguette (de batterie, faut-il le préciser ?) en main joue à la fois au chef d’orchestre et au singe mécanique. Pas de VJ psyché, pas un seul graffiti, les tenues à elles seules se chargent d’assurer le show. Premier morceau, direct pogo. C’est le moment que choisissent les jeunes pour rappliquer.
Death DTA : Pas de présentation, pas de sommation. Ces types s’appellent Death et comme leur nom l’indique, ils sont le death metal. En conséquence, dès les premières notes, la violence reprend ses droits sur scène comme dans la fosse, laissant présager une soirée compliquée pour le personnel de sécurité. Sauf qu’en fait y’a pas plus sympa que le public d’un concert de metal.
Death à droite, Ariel Pink à gauche.
TENUES ET SPECTACLE
Ariel Pink : Chez la freaky family, le cheveu long domine à 5 contre 2. Ariel est maquillé comme une Renault 12 volée. Mais c’est ça le truc. Moulé dans son futal rose, il claudique sur ses Lita’s cloutées et une chemise blousante printée de papillons. Prince rencontre Anémone. Tim Koh, le bassiste assure en combi intégrale en velours bleu pétrole. Sérieux, qui peut faire plus smart que ce type ? C’est la dégaine. J’me marre en voyant notre chercheur de weed à la batterie, qui lui, expérimente un combo bikini + croix de fer autour du cou. Y’a plus de genre, y’a plus de guerre, y’a plus rien. En y réfléchissant, ce mec me rappelle finalement plus Django Edwards que Alice Cooper. En bref, une décennie d’uniformes musicaux représentés sur scène. 70’s show.
Death DTA : Contrairement aux guignols grimés du black metal et aux attardés à casquette du thrash, les mecs de Death et du death n’ont strictement rien à prouver. Et ce ne sont pas les Birkenstock aux pieds du bassiste qui y changeront quelque chose. Hormis les sandales et l’encens qui brûle tranquillement sur le coin de la scène (on est bien loin de Leprosy), le spectacle est quasi-absent. La vérité est ailleurs. Dans le pouvoir du riff. Dans la lourdeur du mosh. Dans les poils de ce bouc. Dans la pointe maléfique de cette baguette. Vraiment, à quoi bon se fatiguer quand on règne en seigneur de la terre noire depuis 1983 ?
Quand soudain le public perd la tête et crie oi!
AMBIANCE
Ariel Pink : Ça danse, ça chante, ça connaît les paroles par coeur. Les fans se vautrent aux pieds de l’idole. Sur « Four Shadows », le public scande le cri de ralliement skin, bras levés, en toute impunité ! Comme à un concert de Sham 69 en 79. Je l’avais pas prévue celle-là ! Un mec remarque mon étonnement et me sort « Bah quoi, tu connais pas la oï ? ». Je reste scotchée. Bienvenue en 2015.
Death DTA : À un moment, un métalleux dit à un autre : « hey, tu ressembles au chanteur de Slipknot » et l’autre répond : « ah bon ? Je connais pas, désolé. » Voilà qui pourrait résumer l’ambiance de la soirée.
Pas de doute, ça joue.
POINT MUSIQUE
Ariel Pink : Le groupe enchaîne fidèlement les morceaux de l’album. Le son est un peu dégueu. Rendez-moi mon Point FMR 2009 ! Sous la lumière violette, Django fait cingler ses cymbales avec ses mains. C’est l’heure d’une des ballades folk de l’album, « One Summer Night ». Ca danse smooth et swing. Deux morceaux de Mature Themes plus tard, je sombre doucement dans l’ennui, ayant du mal à me concentrer quand un morceau dure plus de trois minutes. « Dinosaur Carebears » et les stroboscopes ramènent de la folie avant que « Black Ballerina » me sorte de la torpeur, le tube fait exploser la salle ! Pas de doute, « ça joue ». Une rate en perfecto squatte la scène en dansant et tente de s’attribuer le rôle de C-String Sally en donnant la réplique à Ariel. Tout ça fait un peu trop théâtre.
Death DTA : J’ai pas vraiment entendu la voix du chanteur mais est-ce que ça a une importance ?
Ciao l’artiste.
FINAL
Ariel Pink : C’est le moment critique de la soirée. Le moment que choisit Soko (qui avait passé la soirée à lancer des coucous au public depuis les coulisses, so punk !) pour radiner sur scène, toute décolorée et crapitée. C’est exactement le moment que j’ai choisi pour me tirer. J’ai préféré aller discuter avec des nerds sympas au bar, se remémorer les années Holy Shit avec Matt Fishbeck, causer de Violens, des cassettes distribuées à la fin des concerts ou de la pertinence de Brian Jonestown Massacre et d’Asia Argento en 2015. On se refait pas. Au fond « Merry-Go-Round » clouait le spectacle. Hey, c’était cool.
Death DTA : Premier départ de scène. Le public scande « Death » près de vingt fois d’affilé comme si leur mort en dépendait (et c’était sûrement le cas). Un rappel, deux morceaux. On me conseille de « sentir le son avec mes triiiiipes », chose que je m’empresse de faire, sans grande conviction. Un concert en demi-teinte donc, à l’image de ce type dans la fosse alors en plein dilemme cornélien : brandir son t-shirt Death ou boire sa bière. Rester ou partir. Vivre ou mourir. Presser la détente ou tenir.
Julie Benoist n’est pas sur Twitter mais un peu sur Tumblr.
Sarah Mandois est un peu sur Twitter et souvent en exam.