François Fillon, Donald Trump, l’inflation, le défaite contre le Portugal, Xavier Dolan à Cannes, la mort de votre grand-oncle raciste mais, au fond, assez sympathique. Comme tout le monde, vous cherchez sans aucun doute à oublier tout ce qui a pu se passer cette année et la manière la plus traditionnelle de le faire est de vous noyer dans la drogue et l’alcool. On ne peut pas vous le reprocher, être dans le déni plutôt qu’accepter la réalité est une attitude assez répandue.
Comme vous pouvez vous en douter, ce n’est pas toujours la meilleure des solutions. Le docteur Sheri Jacobson, spécialiste de la consommation d’alcool chez les adolescents et jeunes adultes, passe ses journées à démontrer à ses patients que l’alcool et la drogue consommés en grande quantité et régulièrement plongent l’individu dans un état dépressif. « L’alcool favorise la dépression car il dérègle vos neurotransmetteurs dans votre cerveau, principalement celui qui vous préserve de l’anxiété », m’a-t-elle rappelé. Picoler un verre de rouge après une journée de merde est donc la pire des choses à faire.
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« Si vous souffrez déjà de problèmes mentaux, comme l’anxiété ou la bipolarité, la drogue ne va faire qu’aggraver la situation, a poursuivi le docteur Jacobson. Si vous êtes génétiquement prédisposé à un trouble mental, l’alcool ou la drogue risque de donner le coup de pouce pour que celui-ci se développe. »
Il est toujours bon de le rappeler, mais l’alcool est, avec la cigarette, la drogue la plus meurtrière. En France, selon l’Insee, l’alcool a tué 49 000 personnes en 2010 – tandis que le cannabis a tué 6 personnes. De son côté, le Journal of Clinical Psychiatry précise que 33 % des hommes qui abusent de la drogue ou de l’alcool sont dépressifs.
Bob, lorsqu’il buvait et se droguait encore
Bob Foster, 33 ans, est sobre depuis 17 mois maintenant. Avant qu’il ne prenne cette décision, ces semaines « commençaient toutes avec un sentiment de dépression et de peur lié à la sortie du lit le lundi matin. Je passais ma journée à esquiver mes emails et je me contentais de monosyllabes dans les réunions. J’allais à la salle de sport en fin de journée pour me sentir à peu près bien – grâce à l’endorphine. Le mardi, je me sentais en retrait, je retournais au sport le soir. Mercredi, ça allait, et j’allais au sport. Jeudi, je passais la journée à attendre l’heure de me rendre dans un bar après le boulot. J’y restais jusqu’à une heure ou deux heures du matin à boire et à me taper quelques rails de coke. Le vendredi, j’étais démonté au boulot et je buvais immédiatement après pour sortir de cet état. Le tout jusqu’à sept heures du matin. Je dormais toute la journée et je recommençais le samedi soir. »
Au fil des années, Bob a commencé à souffrir de problèmes mentaux. « J’ai passé toute ma vingtaine à prendre de nombreux antidépresseurs tout en me demandant pourquoi ça ne fonctionnait jamais, m’a-t-il dit. Je ne comprenais pas que boire pouvait en fait mener à la dépression et sniffer à la paranoïa. »
Comment et pourquoi a-t-il finalement arrêté ? « Je pouvais voir tout mon entourage mener une vie normale – se marier et avoir des enfants – et je me sentais au fond du trou, en train de gâcher ma vie, m’a-t-il avoué. J’ai planifié un dernier coup d’éclat : un festival de métal où je devais me rendre pour écrire un papier. J’avais six grammes de cocaïne sur moi en plus de toute la MDMA que j’avais chopée sur place. L’objectif était de tellement me détruire que je n’aurais plus jamais envie de prendre de drogue. Ça a fonctionné ! »
Cette destruction volontaire était exactement ce dont il avait besoin, et la suite « a été un véritable retournement de situation en quelques mois ».
Pour le DJ Marcus Veda, la transition a été moins brutale, même si son mode de vie de post-adolescent était tout aussi radical. « Pendant dix ans, je me déglinguais, je prenais de tout, buvais de tout », m’a-t-il dit.
Comme Bob, Marcus fonctionnait lui aussi par cycle, sauf qu’il tenait encore plus à sa bonne santé physique. « Lorsqu’on était en tournée, il y avait toujours d’énormes week-ends de fête, se souvient-il. Durant la semaine, je faisais tout pour garder la forme. J’étais persuadé que les deux pouvaient coexister. C’était possible, pendant un temps, avant que je réalise que le yoga et les arts martiaux pouvaient me suffire. »
Un jour, ma gueule de bois a ruiné ma journée et j’ai capté que je n’avais jamais le temps de faire quoi que ce soit. En fait, je ne vivais que la moitié de la semaine. J’ai pensé que ça n’en valait plus la peine.
Après avoir pratiqué les arts martiaux pendant cinq ans et s’être mis peu à peu au yoga, Marcus a commencé à changer son style de vie. « Je me demandais ce qui allait se passer si j’arrêtais de boire. Un jour, ma gueule de bois a ruiné ma journée et j’ai capté que je n’avais jamais le temps de faire quoi que ce soit. En fait, je ne vivais que la moitié de la semaine. J’ai pensé que ça n’en valait plus la peine. »
Au cours de ses dix années de vie de DJ dans les clubs du monde entier, Marcus n’a pas traversé de dépression, contrairement à Bob. Aujourd’hui, sa perception de la vie est tout de même différente. « Je suis devenu beaucoup plus stable. Avant, je vivais uniquement le week-end. La semaine, j’étais en pilote automatique. Aujourd’hui, je ne ramasse plus le week-end et je n’ai plus la hantise du lundi. Je ne crains plus le lendemain de soirée, je reviens simplement à des banalités. »
Pour Bob, le changement qu’il a ressenti depuis qu’il est sobre est fondamental. « Pour commencer, j’ai perdu cinq ans et dix kilos lors des trois premiers mois. L’autre aspect est lié à mes fonctions cérébrales. Je le jure, je suis 50 % plus rapide et plus intelligent qu’auparavant. Je ne suis plus ce mec qui ne fait que suivre ses amis dans un bar sans poser de questions. Je suis plus organisé, je ne vis plus comme un enfant de seize ans. Mon appartement est rangé et je ne reporte pas tout ce que je dois faire. J’ai renforcé mes relations avec ma famille, j’ai progressé au boulot. Je me sens plus vif, j’ai plus de fric, je me sens bien, je suis plus heureux. Pour la première fois de ma vie, je me sens en paix dans ma vie d’adulte. »
Évidemment, arrêter de picoler et de se droguer ne va pas résoudre tous vos problèmes comme par magie. Addictions et habitudes peuvent être difficiles à vaincre. Ceux qui ont essayé pourront vous le dire. Heureusement, toutes les addictions ont leur propre groupe de soutien, des alcooliques anonymes aux groupes de parole d’addicts. Pour le docteur Jacobson, « si vous trouvez le concept de groupe intimidant, demandez de l’aide à un professionnel. Un conseiller en addiction peut vous offrir un lieu de parole où il ne sera pas question de jugement – ce qui n’est pas toujours le cas avec vos amis ou votre famille. »
« Arrêtez pendant trois mois et voyez comment vous vous sentez », a conseillé Bob,lorsque je lui ai demandé s’il pouvait filer quelques conseils. « Trois mois, c’est le moment où vous pourrez vraiment percevoir les effets sur votre vie. C’est difficile mais je vous assure qu’au bout de trois mois vous allez comprendre. »